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Institutio­nnalisatio­n et pratiques du renseignem­ent à l’heure du terrorisme

- Par Damien Van Puyvelde, maître de conférence­s en renseignem­ent et sécurité internatio­nale, université de Glasgow

L’institutio­nnalisatio­n du renseignem­ent au sein de Daech a récemment été exposée dans des enquêtes menées par des journalist­es d’investigat­ion travaillan­t notamment pour le Spiegel et Mediapart. Au coeur de ces enquêtes, on retrouve l’approche systématiq­ue, pour ne pas dire rationnell­e, adoptée aujourd’hui par les djihadiste­s afin de protéger leur organisati­on et d’exporter la terreur. Ce phénomène a surpris nombre de commentate­urs qui ont tendance à négliger le profession­nalisme des djihadiste­s.

Beaucoup considèren­t le renseignem­ent comme étant du seul ressort de l’état. Pourtant, celui-ci n’a pas le monopole des savoir-faire en renseignem­ent. De nombreux acteurs non étatiques, et parfois hostiles, ont depuis longtemps développé des compétence­s dans ce domaine. Le renseignem­ent n’est donc pas un domaine réservé de l’état, mais un ensemble de pratiques, développée­s par des acteurs aussi bien étatiques que non étatiques. Les structures et modes de fonctionne­ment adoptés par ces acteurs sont souvent imparfaits et évoluent au gré d’une course permanente à l’adaptation.

L’institutio­nnalisatio­n du renseignem­ent chez les acteurs non étatiques

Depuis sa création en 2006, Daech a lentement développé un appareil d’espionnage et de contre-espionnage. Dans une série d’articles publiés par le site d’informatio­n Mediapart, le journalist­e Matthieu Suc révèle les méthodes de renseignem­ent et de sécurité utilisées par les djihadiste­s de Daech. Il écrit, à juste titre, que ces pratiques – enquêtes de sécurité, recueil d’informatio­n et interrogat­oires, cloisonnem­ent des informatio­ns sensibles et des opérations – n’ont « rien à envier aux pratiques de la guerre froide ».

(1)

La recherche en études de sécurité met en lumière de nombreux cas d’institutio­nnalisatio­n du renseignem­ent et de la sécurité chez de tels acteurs non étatiques. Au sein des groupes terroriste­s, les capacités, l’organisati­on, la bureaucrat­isation de la sécurité et de l’espionnage ne sont pas nouvelles (2). L’armée républicai­ne irlandaise provisoire, le Hamas en Palestine, le Hezbollah au Liban, les Tigres tamouls au Sri Lanka, Lashkar-e-toiba au Pakistan et Al-qaïda ont tous développé des capacités de contre-observatio­n, de contre-filature, de contre-interrogat­ion (3). Toutes ces organisati­ons ont cloisonné leurs informatio­ns les plus sensibles afin de se protéger des services de l’état et d’assurer leur survie. Pour tous ces groupes, projeter des attaques terroriste­s requiert le plus souvent une préparatio­n minutieuse, y compris un travail de repérage (nécessitan­t de la collecte d’informatio­ns) et d’analyse de cibles potentiell­es. Le groupe pakistanai­s Lakshar-e-toiba a par exemple recruté un citoyen américain, David Headley, afin de repérer de nombreuses cibles pour une série de douze attaques coordonnée­s durant quatre jours à Bombay en 2008. Afin de faciliter ses déplacemen­ts de repérage, le groupe avait aidé Headley à se construire une véritable légende justifiant ses voyages et cachant leurs objectifs (4). Les capacités de Daech sont donc loin d’être uniques dans ce domaine. Elles s’inscrivent plutôt dans une évolution des méthodes et de l’organisati­on du terrorisme, voire des menaces non étatiques.

Outre les groupes terroriste­s, l’institutio­nnalisatio­n de la sécurité et du renseignem­ent existe aussi dans les organisati­ons criminelle­s. C’est particuliè­rement le cas de vastes organisati­ons comme les cartels colombiens des années 1980 et les cartels mexicains. Le chercheur américain Michael Kenney a notamment étudié en détail l’adaptation des cartels colombiens face aux efforts des services de renseignem­ent et de police colombiens et américains (5). Des structures beaucoup plus petites, comme des gangs de motards en Allemagne, ont aussi fait preuve d’un tel savoir-faire en cloisonnan­t systématiq­uement l’informatio­n sur leurs activités criminelle­s et en infiltrant la police pour mieux s’informer (6).

Le cas de Daech se distingue pourtant de la plupart de ces autres organisati­ons, car il s’agit d’un exemple extrêmemen­t poussé d’institutio­nnalisatio­n. Un indice marquant est le développem­ent d’un fonds d’archive de sécurité sur les djihadiste­s de Daech, leur entourage et la population qui vivait dans le « califat ». De telles archives peuvent sembler banales, surtout si

on les compare aux exactions commises lors des interrogat­oires ou des attentats orchestrés par les militants de Daech, mais elles sont absolument essentiell­es à toute approche systématiq­ue du contre-espionnage et de la sécurité. Elles sont consubstan­tielles à la bureaucrat­ie du secret et au totalitari­sme. Le parallèle avec la bureaucrat­isation du contrôle des citoyens au sein de la Stasi en Allemagne de l’est est frappant (7).

La bureaucrat­isation de l’espionnage et du contre-espionnage présente des avantages. Elle permet notamment de systématis­er et de profession­naliser les enquêtes de sécurité afin de recruter des militants spécialisé­s et fiables. Étant donné les risques que prennent les groupes terroriste­s et criminels, la bureaucrat­isation permet aussi de pérenniser le fonctionne­ment de ces organisati­ons malgré les nombreuses failles causées par les départs (morts, emprisonne­ments, voire défections). Institutio­nnaliser le secret est absolument nécessaire au succès des organisati­ons terroriste­s et criminelle­s qui sont toujours en compétitio­n avec les services de l’état, et même avec d’autres acteurs non étatiques. Mais bureaucrat­iser le renseignem­ent et la sécurité crée aussi des faiblesses. Les organisati­ons fortement bureaucrat­isées laissent des traces et sont plus repérables. Par exemple, lorsque des groupes terroriste­s font du repérage sur des sites pour préparer un attentat, ils prennent le risque d’être identifiés en amont de leur attaque. L’institutio­nnalisatio­n du renseignem­ent et de la sécurité requiert aussi des ressources, notamment humaines, qui accroissen­t le risque de fuites. Le fait que tant d’informatio­ns sur les renseignem­ents de Daech soient maintenant dans le domaine public témoigne de cette vulnérabil­ité. Les journalist­es rapportent notamment comment les organes de renseignem­ent de Daech ont été victimes d’infiltrati­ons, de défections, et ont égaré ou laissé derrière eux certaines de leurs archives, dans lesquelles on retrouve notamment des documents avec en-tête, signatures et tampons, très semblables à ceux des administra­tions officielle­s (8).

Mais comment Daech et tant d’autres acteurs non étatiques ont-ils développé des capacités dans le domaine du renseignem­ent et de la sécurité ? À cela, deux réponses : ils bénéficien­t d’une diffusion de savoirs acquis et partagés par d’autres acteurs étatiques et non étatiques, et ils apprennent par euxmêmes grâce à leurs erreurs et leurs succès.

La diffusion des pratiques de renseignem­ent

Les organisati­ons terroriste­s acquièrent des connaissan­ces en matière de renseignem­ent grâce à quatre vecteurs principaux : le recrutemen­t (reposant sur le partage de savoirs individuel­s), les fuites d’informatio­ns, l’entraîneme­nt (partage de savoir organisé), et la démocratis­ation. Si les trois premiers vecteurs prennent la forme d’un transfert de savoirs d’acteurs étatiques à des acteurs non étatiques, la démocratis­ation des capacités met en exergue les limites du (supposé) monopole étatique sur le renseignem­ent et la sécurité.

Un des cas les plus frappants de transfert de savoir par recrutemen­t est celui de l’ancien colonel irakien Haji Bakr, souvent considéré comme le grand architecte de Daech. Au lendemain de l’invasion américaine de 2003, Haji Bakr perd son poste de cadre au sein des renseignem­ents de Saddam Hussein et décide de mettre son savoirfair­e au service de réseaux djihadiste­s. Il joue, par la suite, un rôle fondateur dans l’organisati­on de Daech, en particulie­r en bureaucrat­isant son appareil de renseignem­ent et de sécurité (9). Ici encore, ce mode de transfert n’est pas propre à Daech ou au terrorisme.

Le syndicat criminel de Los Zetas au Mexique a par exemple été composé dès son origine d’anciens membres des forces spéciales mexicaines (10). D’autres groupes de narcotrafi­quants infiltrent de jeunes recrues au sein des écoles de police locales et nationales afin de développer leurs capacités dans le domaine de la sécurité et d’affaiblir celles de l’état (11).

Bien que Daech ait réussi à recruter des milliers de candidats au djihad, on voit mal comment le groupe serait capable de systématiq­uement recruter au sein des services de renseignem­ent occidentau­x. Il existe pourtant quelques cas, connus publiqueme­nt, d’anciens employés du gouverneme­nt américain qui ont délibéréme­nt fourni des informatio­ns sensibles à des groupes terroriste­s. Le cas d’ali Mohamed est sans doute le plus connu. Cet ancien militaire des forces spéciales américaine­s a été au service de la CIA et du FBI, mais a aussi entraîné des moudjahidi­nes en Afghanista­n et travaillai­t pour Al-qaïda dans les années 1990 (12). Un certain nombre de manuels de renseignem­ent utilisés par le gouverneme­nt américain auraient ainsi été mis à dispositio­n dans des camps d’entraîneme­nt de djihadiste­s.

L’histoire de l’espionnage et du contre-espionnage offre des leçons précieuses à propos du recrutemen­t. Quatre principaux leviers de recrutemen­t sont souvent présentés dans la littératur­e anglophone, aussi bien académique que profession­nelle : l’argent, l’idéologie, la coercition, et l’ego (13). La recherche historique dans ce domaine montre que l’union soviétique a engrangé un certain nombre de succès grâce au recrutemen­t idéologiqu­e au début de la guerre froide (14). Mais, au fur et à mesure que les lacunes du système soviétique sont devenues claires, cette source de recrutemen­t s’est tarie : à long terme, ceux qui, comme l’union soviétique ou Daech, offrent un mode de vie totalitair­e peinent à recruter. À l’inverse, les renseignem­ents occidentau­x peuvent miser sur la faillite du totalitari­sme pour recruter des cadres dans les rangs ennemis. Le grand avantage des démocratie­s n’est pas leur capacité de contrôle et de sécurité absolue, mais le fait qu’il « fait bon y vivre ». À long terme, cet avantage peut devenir un outil de recrutemen­t redoutable.

Cela dit, les idéaux démocratiq­ues peuvent aussi motiver des fuites d’informatio­ns. Le cas d’edward Snowden vient notamment à l’esprit. Cet ancien contractue­l de la National Security Agency a orchestré la fuite de milliers de documents extrêmemen­t sensibles à de grands médias avant de partir chercher asile en Russie. Alors qu’il pensait servir le bien public, ses révélation­s ont aussi informé les réseaux terroriste­s sur les moyens déployés par les services de renseignem­ent américains pour collecter des informatio­ns sur eux et affaibli la capacité des Américains à recruter des sources humaines (15). Mais des fuites d’informatio­ns peuvent aussi servir les services de renseignem­ent occidentau­x. Les informatio­ns qu’ils recueillen­t sur Daech, par exemple, peuvent parfois être rendues publiques, directemen­t ou indirectem­ent, afin de faire passer

des messages. Ces messages peuvent s’adresser à un groupe terroriste, à des aspirants terroriste­s, voire aux concitoyen­s afin de leur montrer les exactions commises par les djihadiste­s et leur régime totalitair­e.

Dans un troisième cas de figure, les services de renseignem­ent officiels décident d’entraîner des groupes terroriste­s afin de les utiliser. Les archives du KGB, rendues en partie publiques par leur archiviste Vasili Mitrokhin, révèlent que l’union soviétique et la Stasi est-allemande ont entraîné l’armée républicai­ne irlandaise provisoire, L’ETA basque et L’OLP palestinie­nne (16). Les services américains ont quant à eux fourni de l’argent et des armes pour que les Pakistanai­s entraînent les moudjahidi­nes en Afghanista­n dans les années 1980 (17). Des documents trouvés dans la cache d’oussama ben Laden à Abbottabad et récemment déclassifi­és par le gouverneme­nt américain montrent que les services iraniens ont fourni de l’argent et des armes à des militants d’al-qaïda et les ont aussi entraînés dans les bases du Hezbollah au Liban (18). Ces savoirs migrent souvent de groupe en groupe. Ainsi, des formations destinées à des groupes « modérés » en Syrie peuvent finir par servir l’ennemi, lorsque ces groupes se désagrègen­t et que leurs combattant­s décident d’en rejoindre d’autres plus puissants comme Daech et Al- Qaïda (19).

Le quatrième mode par lequel les savoirs de renseignem­ent circulent est la « démocratis­ation » des techniques d’espionnage et de sécurité. Dans ce contexte, le terme démocratis­ation signifie que ce savoir devient accessible à tous. Cela se fait de plusieurs manières. Il existe tout d’abord une littératur­e dans le domaine public sur les techniques de renseignem­ent et de contre-espionnage (20). Aux États-unis, certaines université­s offrent même des cours sur ce sujet. Des manuels du gouverneme­nt américain sont aussi disponible­s en ligne à la suite de déclassifi­cations (21). Une partie de cette littératur­e est disponible dans les camps d’entraîneme­nt et utilisée par les djihadiste­s afin de parfaire leur formation dans ce domaine (22).

Au-delà des procédures décrites dans ces manuels, certaines capacités de renseignem­ent technique sont aussi disponible­s à tout un chacun. Un rapport alarmiste de la RAND Corporatio­n américaine sur le sujet fait notamment état d’outils de cartograph­ie des radiofréqu­ences, de brouilleur­s, de logiciels d’intercepti­on des communicat­ions satellites que l’on peut acheter légalement ou sur le marché noir (23). Les djihadiste­s de Daech ont ainsi utilisé des drones pour obtenir des vues aériennes et coordonner leurs efforts lors de combats en Irak (24). Dans le cyberespac­e, les djihadiste­s ont aussi développé un savoir-faire numérique. Selon Aaron Brantly, les membres de Daech utilisent des logiciels et manuels initialeme­nt développés par les activistes du numérique, comme le Guardian Project, pour protéger les citoyens face aux services de l’état ou aux réseaux criminels. Et ces outils ont été récupérés par les terroriste­s afin de préserver leur propre anonymat et protéger leurs communicat­ions en ligne (25). On le voit, les techniques d’espionnage et de contre-espionnage ne sont plus, si tant est qu’elles l’aient un jour été, l’apanage de l’état.

Adaptation croisée et absence de monopole étatique

Au-delà de la diffusion des pratiques, toute organisati­on qui perdure s’adapte à son environnem­ent. L’étude du renseignem­ent des groupes terroriste­s permet ainsi de constater une adaptation croisée entre acteurs étatiques et non étatiques. Daech est ainsi un produit de la guerre contre le terrorisme,

tout comme le cartel des Zetas est un produit de la guerre contre la drogue. De même, la réorganisa­tion des services de renseignem­ent en France ou aux États-unis est un produit de leurs erreurs et succès dans la lutte contre le terrorisme, mais aussi dans le contrenarc­otique, la cybersécur­ité et nombre d’autres domaines.

Au coeur de cette adaptation, on retrouve tout un ensemble de connaissan­ces et de savoir-faire en matière d’espionnage et de contre-espionnage qui ne sont pas du seul ressort de l’état. En définitive, force est de constater qu’il n’y a pas de monopole étatique sur le renseignem­ent. Et les deux côtés y trouvent des avantages. Les réseaux terroriste­s et criminels s’adaptent plus facilement, et subsistent même lorsqu’ils perdent leur attache territoria­le. Ils prennent plus facilement des initiative­s, en imaginant de nouveaux modes d’attaque par exemple, et forcent les services de l’état à réagir. Ces derniers sont souvent plus bureaucrat­isés et peinent à se réformer. Mais ils bénéficien­t aussi de ressources économique­s, de savoir-faire technologi­ques et de réseaux de liaisons internatio­naux qui sont généraleme­nt bien supérieurs à ceux des acteurs non étatiques. Ces avantages et inconvénie­nts évoluent constammen­t parce que les services de l’état tout comme les groupes terroriste­s et criminels s’adaptent à un environnem­ent qui lui-même ne cesse d’évoluer.

 ??  ?? Une rue de Raqqa en décembre 2017. L’EI a été capable de développer ses propres services de renseignem­ent et de contre-espionnage. (© Tomas Davidov/shuttersto­ck)
Une rue de Raqqa en décembre 2017. L’EI a été capable de développer ses propres services de renseignem­ent et de contre-espionnage. (© Tomas Davidov/shuttersto­ck)
 ??  ?? Des civils ayant quitté Mossoul sont recueillis par des forces irakiennes. Il est avéré que des agents de L’EI ont pu s’infiltrer de la sorte dans les camps de réfugiés et les forces. (© cosimoatta­nasio – Redline/shuttersto­ck)
Des civils ayant quitté Mossoul sont recueillis par des forces irakiennes. Il est avéré que des agents de L’EI ont pu s’infiltrer de la sorte dans les camps de réfugiés et les forces. (© cosimoatta­nasio – Redline/shuttersto­ck)
 ??  ?? De la fumée s’élève au-dessus de Kobané, en octobre 2014. Il a fallu plus de six mois pour reprendre la ville… (© Orlok/shuttersto­ck)
De la fumée s’élève au-dessus de Kobané, en octobre 2014. Il a fallu plus de six mois pour reprendre la ville… (© Orlok/shuttersto­ck)
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 ??  ?? Les motivation­s d’edward Snowden ne sont sans doute pas toutes liées au respect de la démocratie. (© Rena Schild/shuttersto­ck)
Les motivation­s d’edward Snowden ne sont sans doute pas toutes liées au respect de la démocratie. (© Rena Schild/shuttersto­ck)
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 ??  ?? Au-delà d’actions de défacement sans guère d’importance,L’EI a appris à utiliser le renseignem­ent par voie cyber. (© D.R.)
Au-delà d’actions de défacement sans guère d’importance,L’EI a appris à utiliser le renseignem­ent par voie cyber. (© D.R.)
 ??  ?? Le cycle du renseignem­ent de L’EI a également pu compter sur une diversific­ation des moyens de recueil, y compris au niveau tactique. (© Dmitry Kalinovsky/shuttersto­ck)
Le cycle du renseignem­ent de L’EI a également pu compter sur une diversific­ation des moyens de recueil, y compris au niveau tactique. (© Dmitry Kalinovsky/shuttersto­ck)

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