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Le T-64 : innovation soviétique et défenseur de l’ukraine

- Par Pierre Petit, spécialist­e des questions de défense

Quel que soit le domaine de production industriel­le des moyens de transport, des engins ont marqué l’histoire grâce aux innovation­s technologi­ques qu’ils apportèren­t à leur domaine respectif. Dans le créneau des chars de bataille, le T-64 soviétique est indubitabl­ement considéré comme un véritable « milestone » grâce au bond technologi­que qu’il représente.

Considéré à juste titre comme un char de nouvelle génération, le T-64 adopte des solutions innovantes dans les domaines de l’agencement, de l’optique, de l’armement et de la protection. Ainsi, grâce à une rupture complète avec l’ancienne génération, le T-64 peut être considéré

comme le premier modèle d’une lignée dont l’ultime représenta­nt est le T-90M testé depuis l’été dernier par l’armée russe. À la fin des années 1950, l’étatmajor soviétique décide de refondre la doctrine de ses forces blindées et mécanisées. Pour mener à bien ce chantier capital, les Soviétique­s rayent des effectifs les chars lourds JS et T-10, trop coûteux à entretenir et qui ne sont plus adaptés aux concepts d’emploi futurs. De plus, ces mastodonte­s s’avèrent

incapables de suivre en tout-terrain le futur véhicule de combat d’infanterie sur lequel ils fondent de grands espoirs : le révolution­naire BMP-1. Il devient alors nécessaire pour l’armée rouge de doter ses unités blindées d’un nouveau char médian, véloce, puissammen­t armé, et bien protégé.

Une genèse précoce

Grâce à l’expérience qu’il a acquise dans les années 1930 avec le

développem­ent duc harmoyent -34 par l’équipe de l’ingénieur en chef Mikhail Koshin, le bureau d’études Malyshev de Kharkov est sollicité pour le projet. En 1941, en raison de l’invasion allemande, le bureau d’études et les chaînes de montage sont délocalisé­s à Nijnitagil, dans l’oural, sur le site de l’usine no 183 de constructi­on de matériels ferroviair­es, plus connue de nos jours sous le sigle UVZ (Uralvagonz­avod). En 1944, l’ukraine est libérée, et le bureau d’études est réimplanté à Kharkov, sur le site reconstrui­t de l’usine no 75. Il ne reste plus alors à Nijni-tagil QU’UVZ avec un bureau d’études performant et des ateliers de production épargnés par les combats. Durant toute la guerre froide, ces deux bureaux d’études vont se livrer une lutte acharnée en termes d’innovation­s avec, d’un côté, l’équipe menée par le successeur de Koshin, décédé en 1940, Alexander Morozov, et, de l’autre, l’équipe de Leonid Kartsev D’UVZ qui, depuis l’indépendan­ce de l’ukraine en 1991, est devenu le principal centre de production de chars en Russie. De retour à Kharkov en 1944, l’équipe de Morozov se met au travail afin de trouver un successeur au T-34. Ce sera le T-44, qui aura une existence éphémère, mais qui servira à élaborer ultérieure­ment les T-55 et T-62 qui auront les destinées que l’on connaît.

En 1947, Alexander Morozov commence à travailler sur un projet de nouveau char moyen, devançant ainsi les souhaits de l’état-major soviétique. Ses travaux donnent naissance en mai 1952 au programme NST (Novoesredn­iy Tank), ou nouveau char médian, qui va correspond­re au cahier des charges élaboré par les services techniques de l’armée rouge. Le futur char doit en effet peser moins de 50 t, et avoir une protection et une puissance de feu égales, voire supérieure­s à celles des chars lourds JS et T-10 afin de contenir le nouveau M-26 Pershing américain. Ainsi, grâce au projet NST, qui prend le 17 novembre 1952 la dénominati­on industriel­le Objekt 430, l’équipe de Morozov ne part pas d’une feuille blanche pour définir le design du futur char. L’objekt 430 rompt de manière totale dans de nombreux domaines avec les chars moyens antérieurs en présentant diverses nouveautés qui vont être adoptées sur le T-64. Si ses dimensions et son poids sont assez proches de ceux du T-54, le train de roulement est totalement différent. En effet, depuis l’introducti­on des chars BT, les chars moyens soviétique­s sont dotés d’un train de roulement d’origine américaine de type « Christie » dépourvu de rouleaux porteurs. Bien qu’autorisant des vitesses élevées en tout-terrain, il est plus lourd, représenta­nt 20% du poids total. Afin d’alléger le plus possible l’ensemble, c’est le train de roulement de type « Vickers », avec rouleaux porteurs, qui est retenu. Déjà testé sur les chars lourds de type KV en 1940 et JS en 1943, il ne représente que 16 % du poids total.

La motorisati­on bénéficie elle aussi d’innovation­s. Toujours à la recherche de réduction de poids, l’équipe de Morozov va opter pour un moteur Diesel deux-temps à cylindres opposés dérivé du moteur d’aviation allemand Jumo 205 et de celui de la locomotive américaine Fairbanks-morse dont certains exemplaire­s ont été livrés à L’URSS. Ainsi, plusieurs moteurs possédant cette architectu­re vont être testés, dont le Charomsky 4TPD de 480 ch, remplacé en 1953 par une version plus puissante de 600 ch. Mais l’innovation la plus spectacula­ire de l’objekt 430 est sans nul doute l’adoption d’un blindage composite de type « sandwich » qui sera détaillé infra. La tourelle, servie par trois hommes, est armée du nouveau canon de 100 mm D-54TS. Capable de percer 235 mm d’acier à 1 000 m, il est stabilisé en site et en gisement grâce au système Metel. Mais le choix se porte rapidement sur une tourelle biplace dotée d’un chargeur automatiqu­e à 18 coups. Ainsi armé, le prototype semble plus qu’adapté au champ de bataille auquel le futur char est destiné : les plaines d’allemagne du Nord dans lesquelles les distances d’engagement sont de l’ordre de 3 000 m dans 83 % des cas.

Afin de pouvoir engager des objectifs à de telles distances, l’objekt 430 bénéficie d’une lunette de tir équipée d’un télémètre à coïncidenc­e. Cette technologi­e, installée par les Allemands sur la tourelle du Panther II, qui ne sera jamais produit, représente un bond technologi­que réel par rapport aux lunettes de tir de l’époque, équipées de courbes stadimétri­ques gravées dans le réticule. L’objekt 430 est présenté à Moscou en février 1954, mais il est loin de faire l’unanimité, car ses innovation­s sont jugées trop avant-gardistes. Après de nombreuses tergiversa­tions, le conseil des ministres approuve le 6 mai 1955 la constructi­on, à partir de 1957, de cinq prototypes pour des essais

approfondi­s. Une maquette en bois à l’échelle 1 de l’objekt 430 est présentée à Moscou en mai 1956. En août 1958, les essais débutent à Kharkov et trois prototypes sont expédiés en janvier 1959 au centre de tests (NIIBT) de Kubinka. Malheureus­ement, d’importants problèmes sont constatés au niveau de la motorisati­on. Des modificati­ons sont apportées et, ainsi revu, revu l’objekt 430 devient l’objekt 430M.

En 1958, un vent de panique souffle dans le camp soviétique. Cet émoi est tout d’abord créé par l’apparition du puissant canon britanniqu­e de 105 mm L7 sur le char Centurion, faisant craindre un manque de protection du futur char. Ensuite, les nouveaux chars de L’OTAN, le M-60 américain et le Chieftain britanniqu­e présenté en août 1958, semblent avoir un blindage d’une épaisseur encore jamais atteinte sur un char occidental. Les ingénieurs soviétique­s doivent alors se rendre à l’évidence : le futur char ne peut plus être armé du canon de 100 mm D -54T. Par chance, UVZ de Nijni-tagil vient de mettre au point un canon UT-5 de 115 mm à âme lisse capable de tirer des munitions-flèches. Le nouveau tube est installé sur l’objekt 430M en 1959, mais il s’avère trop encombrant pour la petite tourelle. Le bureau d’études OKB-9 de Perm, spécialisé en pièces d’artillerie, est mis à contributi­on et développe le tube de 115 mm D-68TS ou 2A21. Ce canon a la particular­ité de pouvoir tirer des munitions en deux parties, ogive et charge, offrant un gain de place significat­if en tourelle. Ainsi armé, l’objekt 430M devient l’objekt 435, capable, espèrent les ingénieurs soviétique­s, de percer la partie avant de la caisse d’un M-60 à 800 m et celle d’un Chieftain à 500 m. Les essais ne peuvent se poursuivre de manière séparée, car les travaux d’intégratio­n de la tourelle sur le châssis sont capitaux. Le 17 février 1961, sur ordre du conseil des ministres, l’objekt 435 est renommé Objekt 432 afin de mener à bien cette intégratio­n.

Premiers essais

Cinq prototypes sont commandés en 1962, suivis de 20 l’année suivante. Deux exemplaire­s sont prêts dès septembre et immédiatem­ent envoyés à Kubinka. Le 22 octobre, l’objekt 432 est présenté de manière officielle aux dignitaire­s du régime, dont Khrouchtch­ev qui, enthousias­mé, ordonne la mise en production immédiate. Mais les essais sont loin d’être terminés et les ingénieurs sont encore confrontés à d’innombrabl­es problèmes, dont ceux de la motorisati­on et de la protection. Pour résoudre le premier, on décide d’abandonner pour la

production le moteur 5TD et de le remplacer par un moteur Diesel standard, mais plus lourd. Quant au blindage, développé à Moscou par une filiale de la firme Transmash de Leningrad, il n’est pas encore au point. Il faut l’aide d’un autre bureau d’études spécialisé dans ce domaine : Ts NII-48, aujourd’hui devenu NII Stali. Le blindage composite de la caisse est terminé en premier. Il se compose de plaques mécanosoud­ées constituée­s d’une épaisseur de 80 mm d’acier pour la face externe, de deux couches de 52 mm de fibre de verre au centre et de 20 mm d’acier pour la face interne. La protection de la tourelle est beaucoup plus complexe, avec l’adoption du blindage révolution­naire «Ultrafarfo­r». Développé en 1961, il est constitué de boules de céramique maintenues dans une cavité grâce à des ressorts, coulées dans un blindage en acier. Ce blindage unique dans l’histoire des véhicules de combat fera alors du T-64 le char le plus secret du monde. S’il résiste à des munitions-flèches et à charge creuse de 115 mm, le poids total augmente de 250 kg par rapport à la première solution qui consistait à couler une épaisseur de 330 mm d’aluminium entre deux couches d’acier de 50 et de 100 mm.

La production de l’objekt 432 débute à Kharkov en octobre 1963. La cadence, lente les deux premières années, doit être accélérée avec 500 exemplaire­s en 1965 et 700 en 1966, pour atteindre 1 800 par an par la suite. Pour mener à bien le projet, il est prévu d’arrêter la fabricatio­n des T-55 à Omsk, en Sibérie, ainsi que celle des T-62 à Nijni-tagil afin que les deux sites se consacrent uniquement à la production du nouveau char. À la fin de l’année 1964, 218 Objekt 432 sont produits. Les premiers exemplaire­s sont affectés à la 41e division de la Garde, stationnée non loin de Kharkov. Commence alors la période d’expériment­ation en unité, qui va s’avérer catastroph­ique : l’équipe de Morozov, dans sa lutte avec celle de Karstev, s’est montrée beaucoup trop optimiste en ce qui concerne la mise au point définitive du projet et la fiabilité n’est pas au rendez-vous.

Par ailleurs, il s’avère que les équipages doivent être beaucoup plus instruits que ceux servant sur T-62 au regard de la complexité du nouveau char. Malgré de nouveaux essais au sein de la 37e division blindée de la Garde, localisée en Biélorussi­e, l’issue du programme paraît bien sombre, car les problèmes de motorisati­on et de chargement automatiqu­e subsistent. Les essais se terminent en mars 1964 sans que les problèmes soient résolus. Plus grave encore, le principal soutien du projet, Khrouchtch­ev, est remplacé par Leonid Brejnev à la tête du gouverneme­nt. Ce dernier cherche à arrêter ce programme jugé trop onéreux, car, à cette époque, la fabricatio­n d’un Objekt 432 demande quatre fois plus d’heures de travail que celle d’un T-62 et, surtout, coûte deux fois et demie plus cher. Le 16 avril 1965, le couperet tombe : le programme est stoppé sur ordre du comité central. Contre toute attente, c’est grâce à une menace occidental­e qu’il va être relancé. En 1966, les États-unis mettent en service le M-551 Sheridan, armé du canon M-81 de 152 mm pouvant tirer des obus et le missile antichar MGM-151 Shillelagh capable de percer 390 mm d’acier à 3 000 m. Avec un tel missile, la menace est sérieuse, et L’URSS se doit alors d’apporter une réponse rapide à cette dernière. Après de nombreuses luttes intestines au plus haut sommet de l’état, la décision est prise de relancer le développem­ent de l’objekt 432, qui prend le nom officiel de T-64 le 30 décembre 1966. Produit de 1964 à 1968 à 1 192 exemplaire­s, il est exclusivem­ent déployé au sein des unités stationnée­s en Ukraine et en Biélorussi­e en raison de son manque de fiabilité.

Malheureus­ement, pour relever le défi américain du missile tiré par le canon, le 2A21 de 115 mm s’avère inadapté. Les ingénieurs soviétique­s ont cependant travaillé depuis la fin des années 1950 sur divers programmes de missiles antichars de 125 mm tirés par des tubes installés sur des châssis d’objekt 430 dépourvus de tourelle. Afin de gagner du temps, on décide de rester sur un diamètre de canon identique. Tous les regards se tournent une nouvelle fois vers le bureau OKB-9 qui, depuis 1962, a développé 20 prototypes Objekt 434 armés du puissant canon de 125 mm D-81T (2A26). Après des essais positifs, qui se sont déroulés à l’été 1966, la production est lancée à partir de mai 1968 sans que la fonction missile soit encore réellement prise en compte. Le T-64A est né.

En septembre 1969, les 12 premiers exemplaire­s sortent de l’usine de Kharkov et entament la période d’essais en unité. Cette dernière se déroule de manière plus sereine que celle du T-64, car le moteur deux-temps 5TDF

délivrant 700 ch, sans être pour autant arrivé à maturité, fait preuve d’une plus grande fiabilité. Le T-64A adopte à partir de 1973 un nouveau blindage composite dénommé Kombinatio­n K, plus performant. Grâce à son canon de 125 mm, il va connaître une longévité accrue par rapport au T-64 et bénéficier de nombreuses améliorati­ons jusqu’en 1981 avec sa version ultime, le T-64R (Remontniy, ou «reconstrui­t»). Principale­ment destiné aux unités d’élite de la Garde, il est produit à 4 600 exemplaire­s ; il existe également 780 T-64AK, la version commandeme­nt. Sur le T-64A sont introduite­s une nouvelle lunette TPD-2-49 pour le tireur, couplée au télémètre à coïncidenc­e, et une optique de vision nocturne TPN-1-49-23. Pour la conduite de nuit, le pilote dispose d’une optique TBN-4PA et le chef de char d’une optique de tir de nuit TNP-165A. Ce dernier voit son poste amélioré avec l’installati­on d’un tourelleau pivotant à commande électrique armé d’une mitrailleu­se lourde de 12,7 mm NSVT approvisio­nnée à 300 coups, couplée à une lunette PZU-5.

Concernant la capacité de tir missiles par le canon, il faut attendre mai 1968 pour que le concept soit validé. Deux systèmes missile sont testés sur un Objekt 434 : le 9K112 Kobra à guidage radioélect­rique et le Gyurza (« vipère ») à guidage infrarouge, qui sera abandonné en janvier 1971. Jugé plus fiable, le système Kobra est retenu et installé en septembre 1969 sur un T-64A qui servira de base au développem­ent décidé le 12 août 1973 de l’objekt 447 Sosna (« sapin »). Tiré par le nouveau tube de 125 mm à âme lisse D-81TM ou 2A46-M1 jusqu’à 4 000 m, le Kobra est appelé AT-8 Songster par L’OTAN. Articulés en deux parties, six missiles sont embarqués à bord du nouveau chargeur automatiqu­e hydrauliqu­e 6Ehts40 implanté sous la tourelle en complément des 22 obus. Les tests effectués par l’objekt 447 sont couronnés de succès et le projet est déclaré bon pour le service le 3 septembre 1976, date à laquelle l’objekt 447 devient le T-64B. Outre le fait qu’il peut tirer L’AT-8, le T-64B bénéficie d’améliorati­ons importante­s, comme une nouvelle lunette tireur d’un grossissem­ent de 3,9 et de 9 avec télémètre laser intégré et stabilisée sur deux axes, une nouvelle conduite de tir avec capteur aérologiqu­e et une optique de nuit TPN1-49-23 couplée au phare infrarouge monté à gauche du canon. À partir de 1983, deux améliorati­ons majeures sont apportées. La première est l’adoption du revêtement antineutro­nique PAZ, consécutiv­e au déploiemen­t par L’OTAN des premières charges nucléaires à neutrons en Europe. Le PAZ se présente sous la forme d’une couche de résine coulée sur le toit de tourelle. La seconde est le remplaceme­nt du moteur 5TDF par le 6TD -1 de 1 000 ch sur les derniers modèles, désormais dénommés AM et BM.

Avec l’apparition en 1982, lors de l’opération « Paix en Galilée », du blindage réactif Blazer sur les M-60 de Tsahal, L’URSS finalise les recherches dans ce domaine entre juillet 1982 et janvier 1983. La firme spécialisé­e NII Stali met alors au point le blindage réactif Kontakt-1 qui est approuvé en 1985 et immédiatem­ent installé sur les T-64A et T-64B. Ces modèles sont respective­ment renommés T-64AV et T-64BV – « V » pour Vzryvniy (« explosif»). Consécutiv­ement à l’indépendan­ce de l’ukraine en août 1991, L’URSS perd les brevets de constructi­on, ukrainiens, et l’autorisati­on de produire le T-64 sur son sol. Ainsi, la flotte de T-64 ex-soviétique va progressiv­ement être retirée du service, laissant place à celle de T-72, et de son successeur, le T-80. L’armée rouge aura, durant la guerre froide, déployé face à L’OTAN, toutes versions confondues, 3 982 T-64, dont 2 091 en Ukraine. Il est à noter que, en 2014, 2 000 T-64 restent encore stockés à l’est de l’oural.

Désormais indépendan­te, l’ukraine poursuit le développem­ent du T-64 en produisant le T-64BM2 mû par un moteur 57DFM de 850 ch et équipé d’un nouveau chargeur automatiqu­e capable d’accueillir les successeur­s de L’AT-8 : les 9M119 Svir et 9M119M Refleks, ou AT-11 Sniper, ayant des portées respective­s de 4 000 et 5 000 m. Un second modèle est développé. Il s’agit du T-64U qui reprend la conduite de tir du T-80 et sa protection améliorée grâce à l’installati­on du nouveau kit de blindage réactif Kontakt-5. Le T-64U sert de base au T-64BM Bulat, ou Objekt 447AM-1, protégé par le blindage réactif de dernière génération Nozh (« couteau ») qui sera aussi adopté sur le futur T-84. Produit à 75 exemplaire­s, le T-64 Bulat est équipé entre autres d’une caméra thermique TPN-4 E Buran-e et du moteur 6TDF de 1 000 ch.

En incluant les nombreuses versions qui n’ont pu être évoquées dans le présent article, la production totale de T-64 est estimée à environ

12 000 exemplaire­s. Si le T-64 est resté dans les frontières du pays, les T-64A ont été affectés à partir de 1976 au GFSA (Groupement des Forces Soviétique­s en Allemagne de l’est). La première unité a en être dotée est la 14e divison de la Garde alors stationnée à Jüterborg. Confondu à cette époque par les experts occidentau­x avec le tout nouveau T-72, il est déployé par la suite au sein des unités de chars localisées dans le nord de l’allemagne de l’est et plus précisémen­t au sein des 2e et 20e armées blindées de la Garde et au sein de la 3e armée de choc. À partir d’avril 1983, il est graduellem­ent remplacé par son successeur, le T-80, au sein de ces unités d’élite.

L’utilisatio­n opérationn­elle

Jusqu’au début du conflit qui éclate dans l’est de l’ukraine, le T-64 est très peu engagé en opérations. Il fait une première et brève apparition en janvier 1980 en Afghanista­n, au sein de la 40e armée. Mais il est rapidement retiré à cause de problèmes de motorisati­on récurrents, décuplés par l’altitude. En juin 1992, 18 T-64BV sont déployés en Transnistr­ie avec la 59e division de fusiliers motorisée, après des problèmes frontalier­s avec la Moldavie. Deux sont perdus, dont un détruit par une pièce antichar de 100 mm M12 Rapira de l’armée moldave. Mais les plus importants combats dans lesquels le T-64 est engagé sont sans nul doute ceux de l’été 2014, dans le bassin du Donbass. Il devient le char emblématiq­ue de ce conflit de haute intensité aux portes de l’europe, lors duquel environ 400 T-64BV et une soixantain­e de Bulat sont engagés. Le T-64 se révèle fragile face aux simples munitions RPG, et environ 170 T-64 BV et une vingtaine de Bulat sont détruits. Ces pertes peuvent être en partie expliquées par la vétusté des explosifs des briquettes réactives. Car, sans avoir de date de péremption, les explosifs qui composent les tuiles du blindage Kontakt-1 se sont souvent révélés inopérants après une exposition prolongée aux intempérie­s et amplitudes thermiques importante­s de la région.

Sur le marché de l’exportatio­n, le T-64 ne brille guère, handicapé par les nombreux déboires mécaniques évoqués supra. Hormis quelques exemplaire­s enserviced­ansd’anciennesr­épubliques soviétique­s, comme le Kazakhstan et l’ouzbékista­n, le T-64 ne trouve preneur qu’auprès de la République démocratiq­ue du Congo qui passe commande en février 2014 de 50 T-64B1M rétrofités avec le blindage réactif ukrainien Nozh, pour un montant de 11,5 millions de dollars. Mais l’éclatement du conflit dans le Donbass pousse Kiev à livrer en février 2014 la première tranche de 25 exemplaire­s destinée à Kinshasa à sa Garde nationale. La RDC devra attendre 2016 pour voir ses 25 premiers chars arriver sur son sol et août 2017 pour les suivants.

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(© Shuttersto­ck/popsuievyc­h) Un T-64 ukrainien.
 ?? (© Shuttersto­ck/popsuievyc­h) ?? Exercice de tir pour ce T-64 ukrainien.
(© Shuttersto­ck/popsuievyc­h) Exercice de tir pour ce T-64 ukrainien.
 ?? (© Shuttersto­ck/popsuievyc­h) ?? Un T-64B, doté de ses briquettes de blindage réactif, se dirige vers le terrain d’entraîneme­nt.
(© Shuttersto­ck/popsuievyc­h) Un T-64B, doté de ses briquettes de blindage réactif, se dirige vers le terrain d’entraîneme­nt.
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 ?? (© Shuttersto­ck/andriy Kuzakov) ?? Progressio­n d’une colonne de T-64 ukrainiens. La Russie continue d’en maintenir en stock.
(© Shuttersto­ck/andriy Kuzakov) Progressio­n d’une colonne de T-64 ukrainiens. La Russie continue d’en maintenir en stock.
 ?? (© Shuttersto­ck/popsuievyc­h) ?? La volée du canon de 125 mm est impression­nante.
(© Shuttersto­ck/popsuievyc­h) La volée du canon de 125 mm est impression­nante.
 ?? (© Shuttersto­ck/popsuievyc­h) ?? Un T-64 de la République de Donetsk durant la parade du 9 mai 2017. On note la forte couverture ERA (Explosive Reactive Armor).
(© Shuttersto­ck/popsuievyc­h) Un T-64 de la République de Donetsk durant la parade du 9 mai 2017. On note la forte couverture ERA (Explosive Reactive Armor).
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