Quelles conséquences pour les forces armées ?
L’évènement stratégique majeur de ce début d’année aura certainement été la pandémie de COVID-19, qui a largement affecté les États, mais également les forces armées. Ces dernières se sont ainsi retrouvées, de par le monde, dans une situation particulière. D’une part, elles étaient mobilisées à un titre ou à un autre dans des opérations de soutien aux services médicaux. Cela s’est traduit en France par le lancement de l’opération «Résilience», avec des missions de transport de malades, mais aussi par un appel, dès la fin mars, aux réservistes afin qu’ils se tiennent prêts. Ce qui est vrai pour la France l’est également pour bon nombre de pays européens, avec l’émergence d’un modèle d’emploi en appui des services civils. Dans le cas américain, le déploiement d’unités de la garde nationale a, comme en Europe, permis de mettre en place plusieurs hôpitaux de campagne, y compris dans des zones particulièrement touchées.
D’autre part, les armées sont aussi frappées de plein fouet par la pandémie. Nombre de missions ont ainsi été annulées ou interrompues par la découverte de cas, notamment en mer, à bord de navires dont l’encombrement intérieur est propice aux contagions. Une frégate belge accompagnant le Charles de Gaulle a ainsi été touchée, avant le porte-avions lui-même, impliquant un retour au port des deux bâtiments. Au 15 avril, il était question de la contamination de près de 500 marins. Deux porte-avions américains sont également concernés, avec des conséquences imprévues. Le commandant du Roosevelt, relevé de ses fonctions pour avoir protesté contre la poursuite de sa mission en mer de Chine méridionale, a suscité une vive polémique aux États-unis. Des propos du secrétaire à la Marine, Thomas Modly, à son égard seront ensuite divulgués, le secrétaire démissionnant le 7 avril… Moins d’une semaine plus tard, la Chine déployait elle-même le Liaoning et son groupe aéronaval en mer de Chine méridionale…
Missions et exercices sont également affectés. Au 8 avril, le ministère des armées estimait que 600 personnes, militaires et civils, avaient été contaminées. Pratiquement toutes les armées européennes ont connu des cas. Plusieurs exercices majeurs ont été interrompus afin de minimiser les risques, comme «Cold Response 2020» – qui devait mobiliser 15000 hommes en Norvège –, mais aussi «Defender Europe 2020 ». Ce dernier prévoyait la projection d’une division américaine sur le Vieux Continent et avait déjà débuté – il représentait d’ailleurs le premier exercice d’utilisation de convoi maritime depuis la fin de la guerre froide. Il était lié à d’autres (« Saber Strike », « Dynamic Front », « Swift Reponse »), qui ont été annulés dans la foulée. « Swift Blade », le plus gros exercice européen avec engagement d’hélicoptères, a également été annulé. Le grand exercice suédois « Aurora 20 » a été reporté. Le sort de plusieurs autres exercices en Europe, en particulier des massifs « Anakonda » polonais, reste en suspens.
L’industrie n’est pas en reste. Plusieurs salons de défense – Eurosatory, Farnborough – n’auront pas lieu. La production dans nombre d’entreprises a été réduite, voire interrompue. Les plus gros dégâts potentiels sont de deux natures. D’une part, la suspension ou le report de négociations en cours avec des États dont la précarité de l’équilibre budgétaire sera encore aggravée par l’épidémie. Le constructeur sud-coréen KAI a ainsi annoncé avoir « interrompu indéfiniment » ses négociations pour la vente de FA-50 à l’argentine. D’autre part, les conséquences sur l’industrie elle-même. Bon nombre d’entreprises travaillant autant pour le civil que pour le militaire devraient être lourdement touchées – c’est en particulier le cas dans le secteur aéronautique – de sorte que le paysage de l’industrie de défense POST-COVID pourrait être redessiné.
La pandémie a également des implications sur les théâtres. La France a ainsi décidé le 25 mars de retirer les troupes affectées à la formation des forces irakiennes. D’autres États ont annoncé un retrait quasi complet : Espagne et Portugal, Pays-bas. Les rotations de personnels de plusieurs pays sur une série de théâtres sont aussi affectées. Audelà se pose la question de la poursuite des opérations. «Barkhane» compte officiellement quatre soldats français touchés par le COVID-19, mais la véritable interrogation porte sur la stabilité sanitaire du théâtre et de ses principaux acteurs. Six cas de contamination de ministres ont ainsi été annoncés au Burkina Faso notamment. Dans une note ayant fuité, le Quai d’orsay s’inquiétait quant à lui des conséquences de l’épidémie pour