La question des structures de force
Si les États-unis disposent d’un budget de défense considérable, il ne suffit pas à concrétiser l’ensemble de leurs ambitions, d’autres facteurs, comme le recrutement ou la production industrielle, entrant en ligne de compte. En l’occurrence, ces dernières semaines ont été l’occasion de voir à quel point ils importent. C’est d’abord le cas dans L’US Navy. En 2016, la structure de force future avait été fixée à 355 bâtiments en 2027, partant du principe que les commandes de navires devaient se faire assez massivement, en établissant une planification serrée dans le temps. Or le Congressional Research Service indique que l’objectif n’est plus atteignable, dès lors que les commandes de bâtiments ne suivent pas : ainsi, pour 2021, il n’est question que de sept navires au lieu de onze. Le plan de construction naval 20212025 prévoyait quant à lui la commande de 55 nouveaux bâtiments, qui pourrait être réduite à 42.
L’US Navy fait en fait face à une série de risques. D’un côté, une partie de sa flotte vieillit : épine dorsale de la flotte de surface, les Arleigh Burke ont été reçus à partir de 1989, le premier devant être remplacé à la fin de la décennie, et la flotte de croiseurs est virtuellement condamnée – et dans les deux cas, aucun nouveau design n’est proposé. D’un autre côté, le programme de corvettes littorales LCS n’a pas, c’est un euphémisme, donné satisfaction : peu armées et peu disponibles du fait de gros besoins de maintenance, il est même question de retirer du service les quatre premières unités… Seul espoir, le programme de frégates FFG(X) permettrait de recevoir de nouvelles coques. Le choix du vainqueur de la compétition engagée pourrait intervenir avant la fin de l’année.
Les questions de structure de force touchent aussi les Marines. Il s’agit ici plutôt de configuration doctrinale, avec un positionnement plus orienté sur l’asie, et en particulier la Chine, avec pour corollaire le retour à une logique expéditionnaire. Fin mars, une série de décisions ont ainsi été prises, qui ne sont pas sans conséquences paradoxales pour les capacités de combat de L’USMC. Les coupes dans la structure de force sont nettes, avec un horizon de dix ans. Il s’agit de réduire l’infanterie de trois bataillons (les faisant passer de 24 à 21), l’artillerie de 16 batteries (elles passent de 21 à 5) et les compagnies de véhicules amphibies de deux compagnies (de six à quatre). Les bataillons d’infanterie de réserve passeraient quant à eux de huit à six. Le volume des bataillons d’infanterie sera également revu à la baisse (d’environ 200 hommes par bataillon), tandis que les sept compagnies de chars de même que les unités de maintien de l’ordre et les unités pontonnières seront dissoutes.
L’aviation des Marines sera également touchée. Trois escadrons de MV-22B et trois autres de CH-53 seront aussi dissous, ainsi que deux escadrons (sur cinq) d’hélicoptères de combat. Le volume des escadrons de F-35B et de F-35C sera également revu à la baisse : ils passeront de 16 à 10 appareils, ce qui implique la perte de 108 F-35 sur la cible initialement définie de 420. In fine, le Corps va perdre 12 000 personnels en dix ans. Si cette décision peut sembler paradoxale, la logique est de se concentrer, outre sur le maintien des Marine Expeditionary Unit (dont la composition sera de ce fait revue), sur la 3rd Marine Expeditionary Force (MEF), basée à Okinawa.
La restructuration est en effet plus large. Ainsi, les batteries de lance-roquettes multiples passeraient de sept à 21. Il s’agit ici, pour les Marines, de pouvoir mener des appuis sur de plus longues élongations, mais aussi de se doter d’une capacité antinavire et de défense côtière qu’ils n’avaient pas. Dilatation des zones d’opération faisant, les besoins en renseignement vont s’accroître, de sorte que le nombre d’escadrons de drones va doubler (six au lieu de trois). L’arrivée des F-35, plus gourmands en carburant, implique également une adaptation de leur soutien, de sorte que les escadrons de ravitaillement sur KC-130J passeraient de trois à quatre. Le combat au contact est lui aussi revu à la hausse : le nombre de compagnies de reconnaissance blindées passerait de neuf à 12. L’objectif est de disposer d’unités plus légères et plus mobiles une fois débarquées, capables de prodiguer des feux plus en profondeur qu’actuellement. Incidemment, la réduction du personnel est aussi une manière de limiter la pression tant sur la formation que sur le recrutement. Les recommandations du commandant du Corps sont cependant assorties de plusieurs avertissements quant à la nécessité de poursuivre la réflexion sur la structure des unités (et notamment les bataillons d’infanterie) ainsi que les expérimentations opérationnelles, qui se sont multipliées.