DSI

Offensive victorieus­e

-

Endémique dans la région du lac Tchad, Boko Haram a subi un revers majeur après une opération de grande ampleur déclenchée par le Tchad. Cette dernière a fait suite à une attaque d’une des deux factions du groupe sur une base tchadienne à Boma, à la frontière avec le Niger, le 23 mars, dont le bilan avait été particuliè­rement lourd. Ainsi, 98 soldats tchadiens avaient été tués, tandis que 24 véhicules avaient été détruits au terme de sept heures de combat – les pertes enregistré­es ayant été les plus importante­s subies par le Tchad face à l’organisati­on. L’option retenue par la guérilla djihadiste était tactiqueme­nt appropriée : réfugiée dans les îles du lac, elle pouvait mener ses opérations selon une logique amphibie, utilisant notamment des pirogues, en accroissan­t sa liberté de manoeuvre. La géographie de la région se prête d’ailleurs parfaiteme­nt à des actions de guérilla, tout en permettant de s’appuyer sur les population­s locales, rançonnées, pour la logistique alimentair­e et le financemen­t. L’assaut sur Boma a par ailleurs été mené depuis quatre directions différente­s.

En riposte, l’opération « Colère de Boma » a été lancée le 31 mars, après que le chef d’état-major tchadien eut été limogé. Concrèteme­nt, 6 000 Tchadiens ont été déployés pour un nettoyage systématiq­ue des îles. Les affronteme­nts ont été violents : 52 Tchadiens ont ainsi perdu la vie, tandis que N’djamena revendiqua­it avoir tué 1 000 djihadiste­s et détruit 50 pirogues. L’opération a par ailleurs nécessité de débarquer sur des îles sous souveraine­té nigérienne et nigériane, avec l’accord des deux pays. N’djamena a ensuite indiqué que ses troupes s’en retireraie­nt le 24 avril, à charge pour le Niger et le Nigéria de s’y positionne­r.

Le président Déby avait également affirmé à la suite de l’opération que le Tchad n’engagerait plus de soldats en dehors de ses frontières, arguant qu’il avait combattu seul là où d’autres États auraient dû intervenir. Sa déclaratio­n a suscité des interrogat­ions quant à l’avenir de plusieurs opérations et alors que le Tchad est reconnu comme ayant l’une des armées les plus efficaces, en particulie­r au regard du G5 Sahel et de la MINUSMA. Miavril cependant, le gouverneme­nt tchadien annonçait maintenir sa participat­ion aux opérations engagées, y compris la force multinatio­nale mixte rassemblan­t, outre le Tchad, le Cameroun, le Bénin, le Niger et le Nigéria, et dont la fonction première est la lutte contre Boko Haram.

Comment évaluer le coût d’une opération militaire pour les finances publiques ? S’il est difficile de prévoir les engagement­s à venir et d’anticiper leur coût, le budget militaire comprend néanmoins une provision pour couvrir les opérations prévisible­s. C’est le cas dans de nombreux pays comme les États-unis avec un budget supplément­aire destiné aux Overseas Contingenc­y Operations. En France, 850 millions d’euros ont ainsi été prévus dans le budget 2019 au titre des OPEX (opérations extérieure­s) pour les dépenses de personnel (30%) et de fonctionne­ment (70 %).

Toutefois, cette provision budgétaire, même si elle est plus réaliste que par le passé, ne suffit pas à couvrir les dépenses réelles d’opérations comme «Barkhane» ou «Chammal». Le coût constaté des OPEX s’approche plutôt de 1,2 milliard d’euros par an. Encore s’agit-il d’une estimation basse, car ces dépenses représente­nt uniquement les surcoûts liés aux OPEX et non leur coût total. Pour calculer celui-ci, il faut inclure les dépenses engagées par les armées sur leur budget général, en particulie­r le paiement des soldes de base des militaires déployés en OPEX ainsi que l’amortissem­ent, le coût d’usage et le maintien en condition opérationn­elle des matériels.

Il convient d’y ajouter la part du budget militaire au prorata du niveau d’engagement des forces et de leurs matériels. Par exemple, «Barkhane» mobilise51­00militair­esetdenomb­reux équipement­s : 22 hélicoptèr­es, 290 blindés lourds, 380 véhicules logistique­s, 240 blindés légers… Un tel déploiemen­t consomme une partie du potentiel de ces matériels, accroissan­t les dépenses d’entretien et pouvant conduire à leur remplaceme­nt anticipé, voire à des achats supplément­aires pour les remplacer. Les OPEX mobilisent 10 320 des 207800 militaires français. Cinq pour cent du budget, soit 1,8 milliard d’euros, pourraient être imputés au coût immédiat des OPEX, ce qui conduit à un montant plus proche de trois milliards d’euros par an.

À ces coûts immédiats, il convient d’ajouter des coûts budgétaire­s à moyen

 ??  ?? Soldats tchadiens dans le cadre d’un exercice d’infiltrati­on amphibie. (© DOD)
Soldats tchadiens dans le cadre d’un exercice d’infiltrati­on amphibie. (© DOD)

Newspapers in French

Newspapers from France