Toute guerre dure au moins… cent ans
et à long terme afin d’avoir une analyse complète. Ceux-ci sont plus difficiles à estimer, car ils sont indirects ou englobés dans d’autres dépenses et s’inscrivent dans le temps long.
Premièrement, la reconstitution des capacités est nécessaire après l’engagement. Certains matériels doivent être remplacés plus vite qu’initialement prévu afin d’être en mesure de remplir le contrat opérationnel. De même, il est nécessaire de former et d’entraîner les militaires rentrant D’OPEX. Cela pourrait sembler paradoxal, puisque ces militaires ont exercé leurs compétences en conditions réelles. Toutefois, un engagement donné conduit les soldats à employer leurs compétences uniquement sur un spectre restreint de missions. Il faut donc restaurer leur déployabilité sur les autres dimensions du spectre. Cette période de formation et d’exercice les rend indisponibles, ce qui peut conduire à accroître les effectifs pour maintenir le volume de forces nécessaire.
Deuxièmement, les États sont très souvent obligés de s’endetter pour financer un accroissement des efforts militaires. Lors de la Première et de la Deuxième Guerre mondiales, des emprunts ont ainsi été lancés. Hors périodes de guerre, le coût des opérations est plus aisément financé par une augmentation du déficit budgétaire. L’état emprunte alors sans distinguer spécifiquement les causes des nouveaux emprunts, ce qui rend le lien moins visible de prime abord avec une opération donnée. En déterminant le poids des engagements militaires dans l’endettement, il est possible de leur attribuer la part correspondante des intérêts payés par l’état. Ce coût peut sembler négligeable quand les taux d’intérêt sont faibles, comme aujourd’hui, mais il faut en fait tenir compte de la somme totale des intérêtsversésjusqu’auremboursement complet des emprunts. Or il peut s’étaler sur des décennies, voire des siècles. Le général de Gaulle a remboursé la dette liée à la Deuxième Guerre mondiale en 1963. Le Royaume-uni a soldé ses derniers emprunts découlant de la Première Guerre mondiale en… 2016.
Troisièmement, les États doivent fournir des soins aux militaires blessés. Ces dépenses peuvent s’inscrire sur des périodes de plus en plus longues en raison de l’allongement de l’espérance de vie et des progrès de la médecine. Le nombre de morts en Irak et en Afghanistan est bien plus faible qu’au Vietnam par exemple. La contrepartie de ces progrès est que le nombre de soldats et de vétérans ayant des traumas importants s’envole. Les blessures physiques, notamment des traumatismes crâniens, n’empêchent pas de vivre longtemps, mais avec parfois des séquelles importantes limitant la capacité à travailler ou à vivre seul. Cela conduit à des dépenses de santé élevées, mais parfois masquées quand elles sont supportées par le système général de santé comme en France. Il faut aussi tenir compte des séquelles moins visibles, souvent psychiques, qui font augmenter les dépenses sociales : syndrome de stress post-traumatique, tendances suicidaires, dépressions, dépendances à l’alcoolouauxdrogues…auxétats-unis, l’administration des vétérans identifie 1,7 million de personnes ayant une invalidité parmi les militaires déployés après le 11 septembre 2001.
Enfin, quatrièmement, il faut tenir compte du paiement des pensions de guerre. Les États offrent en effet des garanties en contrepartie de l’engagement des citoyens dans les guerres et opérations militaires. Or les armées recrutent des soldats jeunes et en bonne santé. L’âge moyen des soldats américains en Irak était de 19 ans. Cela s’ajoutant à un allongement de la durée de vie, l’état doit assumer des obligations de pensions sur des décennies, ce qui repousse la clôture des comptes d’une guerre très loin dans le temps.
Ainsi, les États-unis versent encore aujourd’hui une ultime pension militaire pour… la guerre de Sécession qui s’est terminée en 1865! Le président Lincoln s’était engagé à accorder une pension aux combattants ainsi qu’à leur épouse et à leurs enfants. Âgée de 90 ans, Irene Triplett touche ainsi une pension de 73,13 dollars acquise par son père, ancien soldat de l’union. Son cas est exceptionnel et lié au fait que son père avait 83 ans lors de sa naissance en 1930, mais il n’est pas unique. La dernière veuve d’un soldat de l’union, Gertrude Janeway, est décédée en 2003 et celle d’un soldat confédéré, Maudie Hopkins, en 2008. Pour évaluer le coût d’une guerre ou d’une OPEX pour les finances publiques, il convient donc de comptabiliser l’ensemble de ces dépenses, auxquelles s’ajoutent les programmesdelongueduréeenfaveurdela paix et du développement économique apportés par d’autres ministères. Il n’est donc pas surprenant que le coût d’une guerre se paie bien souvent durant au moins cent ans.