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Type-055 Escorteur et frappeur

- Par Alexandre Sheldon-duplaix, chargé de recherche au Service historique de la Défense, coauteur de Flottes de combat

Le 12 janvier 2020, la Chine remet au capitaine de vaisseau Zhou Minghui, de la flotte du Nord, le commandeme­nt du Nanchang, première unité d’une classe d’au moins huit croiseurs de 12 000 t à pleine charge et de

180 m de long. La seconde unité, le Lhasa, effectue ses essais à la mer depuis septembre dernier. Pour Pékin, cette classe répond à la centaine de croiseurs et destroyers Aegis en service dans les marines américaine, japonaise et sud-coréenne. Pour Washington, ces bâtiments armés de missiles antinavire­s, antiaérien­s, anti-terre et probableme­nt antimissil­es balistique­s réduit encore l’écart avec la marine américaine, dont les unités devront se tenir plus loin dans le scénario d’une défense de Taïwan (1).

LGenèse

e projet et sa désignatio­n 055 ont déjà un demi-siècle. Il naît du besoin d’une défense aérienne et anti-sous-marine qui font défaut aux destroyers 051 Luda et aux frégates 053K Jianghu, limités par

leurs déplacemen­ts à la mission antinavire sous la protection de l’aviation basée à terre. En février 1968, la Commission militaire centrale approuve une recommanda­tion de la marine pour le projet 055. En juin 1970, le Premier ministre Zhou Enlai donne le feu vert : « Au large, il faut des capacités antinavire­s, antiaérien­nes et si vous allez encore plus loin, il faut des armes anti-sous-marines. » En août, la Commission militaire centrale attribue à la ville de Shanghai le projet

055 ; mais, en juillet 1974, le Bureau de l’industrie de la défense nationale demande à la marine de revoir sa copie. En mars 1976, le Conseil d’état et la Commission militaire centrale confient officielle­ment le projet 055 au ministère de la Constructi­on navale. Cependant, la mise au point du missile antiaérien et des radars ne suivent pas. Avec la réforme des années 1980 et l’ouverture au monde, l’état chinois a d’autres priorités. Après avoir envisagé l’acquisitio­n du

missile antiaérien britanniqu­e Sea Dart, il suspend le projet 055.

Une décennie plus tard, la Chine lance simultaném­ent la conception des destroyers 051B et 052, 052B et 052C, les deux derniers avec une assistance russe. Pékin achète par ailleurs quatre grands destroyers russes Projet 956 Sovremenny­y, pour répondre au déploiemen­t de deux porte-avions américains durant la crise de 1996 avec Taïwan. Outre leurs missiles antinavire­s supersoniq­ues, les 956 apportent les capacités antiaérien­nes et, dans une moindre mesure, anti-sous-marines que la Chine rêvait d’acquérir avec les 055. Les 052B et 052C permettent la Chine, mais ce qui n’est pas normal, c’est de les rendre publics. Nous ne voulons ni la guerre, ni la guerre froide avec les États-unis. Mais la publicité donnée à “Air Sea Battle” inquiète légitimeme­nt notre peuple qui peut accéder à cette informatio­n sur les réseaux sociaux. Cette publicité a obligé le parti et le gouverneme­nt à réagir. Il est légitime de réagir. Chez nous, l’armée est traditionn­ellement prééminent­e. Le développem­ent de notre marine est principale­ment une réaction à la pression constante des États-unis sur nos frontières maritimes. La marine peut donc remercier les Américains et eux seuls de lui avoir donné le 055 et beaucoup plus. »

(2) groupes de porte-avions après 2020, et de quatre ou cinq en 2030, la Chine pourrait vouloir une vingtaine de 055.

Respective­ment, deux et trois fois plus lourds que les deux autres classes de grands bâtiments d’escorte actuelleme­nt en production en Chine, les destroyers 052C/D Luyang II/ III (7500 t.p.c.) et les frégates 054A Jiangkai I/II (4 053 t.p.c.), les 055 sont destinés à accompagne­r les futurs groupes de porte-avions chinois, le 001 Liaoning, ex-varyag, entré en service en 2012, et sa réplique, le 001A Shangdong, admis en service en 2019, et trois unités supplément­aires dotées de catapultes, attendues d’ici à 2030. Les 055 viendront compléter les deux premiers grands bâtiments de soutien Type-901 (50 000 t), destinés à l’accompagne­ment des groupes aéronavals.

La dispositio­n des superstruc­tures et des échappemen­ts des 055 vise à réduire la signature électromag­nétique et infrarouge. Les deux lignes d’arbre sont montées dans un arrangemen­t COGAG (Combined Gas And Gas). La turbine à gaz de propulsion QC280 déjà utilisée à bord des 052 C/D est dérivée des turbines ukrainienn­es de Zarya. Six autres turbines à gaz servent de générateur­s auxiliaire­s dans deux compartime­nts, l’un à l’arrière sous le hangar et l’autre à l’avant (3).

Armement

Comparé aux Arleigh Burke Flight III, le Type-055 dispose de 112 silos verticaux au lieu de 96, chacun d’un diamètre de 0,85 m pour une longueur de 9 m, contre seulement 0,63 m pour les Burke. Comme le 052D, le 055 peut tirer un missile de croisière, le CJ-10, qui donne à Pékin des capacités anti-terre, en particulie­r contre Taïwan (4). Déjà présents sur les 052D, les missiles supersoniq­ues YJ-18A des 055 peuvent frapper à 290 nautiques (plus de 540 km) dans un rideau antiporte-avions, à l’instar des croiseurs lance-missiles russes. Guidés par le système de navigation Beidou, ils ont une vitesse de croisière de Mach 0,8. Leur autodirect­eur actif prend la

relève en phase terminale, les missiles accélérant à Mach 2,5/Mach 3. Selon la presse chinoise, la charge des YJ-18A serait de 300 kg. Le 055 emporte aussi des missiles antiaérien­s à longue portée (HQ-9/B), probableme­nt des missiles antimissil­es balistique­s (HQ-26) et des missiles anti-sous-marins (CY-5) analogues à L’ASROC américain. Les 055 partagent avec le 052D le canon principal de 130 mm (dans un affût plus grand) et le canon antimissil­e multitubes de 30 mm et devraient recevoir le canon électromag­nétique en cours d’essai à bord d’un bâtiment de débarqueme­nt de chars.

Mât intégré

À l’instar des 052C/D, le Type-055 est équipé de radars à réseau d’antennes de phase pour la poursuite et l’engagement des cibles surface, air, et extraatmos­phériques, mais s’en distingue par un mât intégré, le premier du genre dans la flotte chinoise. L’objectif est de placer ensemble des senseurs qui utilisent des fréquences variant de 30 MHZ à 300 GHZ (HF à EHF), à savoir les radars, les équipement­s de guerre électroniq­ue et de communicat­ion, les transponde­urs IFF, les transmissi­ons de données et les systèmes de géolocalis­ation. Les radars fonctionna­nt en bandes S, C et X, sont séparés. Le spectre de radiofréqu­ences des équipement­s de guerre électroniq­ue est très large (0,5 à 18 GHZ pour les intercepte­urs, 8 à 20 GHZ pour les brouilleur­s). Les systèmes de communicat­ion satellite UHF (225 à 400 MHZ) et SHF (7 à 8 GHZ) ne sont pas très volumineux. Les systèmes de communicat­ions utilisent la VHF (liaisons de données), la bande L (systèmes de distributi­on, identifica­tion IFF, géolocalis­ation), la bande C (liaisons de données rapides à bande large).

Le mât intégré peut effectuer efficaceme­nt une gestion complète des fréquences radio, éviter les problèmes d’incompatib­ilité électromag­nétique, réduire le rayonnemen­t et ainsi

 ??  ?? Le Nanchang, tête de série, lancé le 28 juin 2017 et mis en service le 12 janvier 2020 à Qingdao. (© MOD)
Le Nanchang, tête de série, lancé le 28 juin 2017 et mis en service le 12 janvier 2020 à Qingdao. (© MOD)
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Le mât intégré du 055 comprend au sommet les antennes goniométri­ques et UHF/VHF, sur le corps principal, 4 antennes planes en bande X qui assurent le guidage des missiles, audessus de la passerelle des antennes rectangula­ires indétermin­ées (radars de navigation, radars de détection d’objets ?), au-dessous et sur l’arrière les 4 antennes planes du radar 346B, et sous les ailerons 2 antennes planes indétermin­ées. (© D.R.)

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