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La quatrième marine chinoise La flotte marchande de Pékin

- Par Grégory Bouvet, spécialist­e des questions de défense

Force d’appoint historique de la marine de l’armée populaire de libération

(APL), la flotte marchande chinoise assure encore ce rôle de nos jours. L’évolution de la stratégie maritime et les récentes réformes au sein de l’appareil militaire chinois ont du reste amélioré la structurat­ion des missions et des capacités. Alors que les gardes-côtes et la milice navale sont couramment qualifiés de deuxième et troisième marine de

(1) la République populaire de Chine (RPC), la flotte marchande peut légitimeme­nt recevoir le titre de « quatrième marine ». l’instar de la marine de L’APL, la flotte marchande chinoise a connu une expansion constante ces dernières décennies, se hissant du 18e rang mondial en 1976 au 3e en 2019 (2). D’après les dernières données de la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développem­ent (CNUCED), près de 4 000 navires marchands de plus de 1 000 tonneaux sont la propriété d’armateurs chinois et naviguent sous pavillon national. La législatio­n en vigueur impose que

(3) ces navires soient servis par des équipages chinois. Parmi la multitude d’armateurs, deux géants sortent du lot : COSCO Shipping et China Merchants Group (CMG) (4). Ces deux congloméra­ts font partie des 97 entreprise­s d’état sous contrôle de la Commission d’administra­tion et de supervisio­n des actifs publics (SASAC (5)), elle-même répondant directemen­t au

gouverneme­nt central, le Conseil des affaires de l’état. Selon son site internet, COSCO Shipping possédait au 31 octobre 2019 une flotte de 1 297 navires. Les activités des deux groupes ne se limitent pas seulement au transport maritime, des filiales étant présentes dans le domaine de la constructi­on et réparation navale ou dans la gestion de terminaux portuaires.

Avec 80% de ses importatio­ns pétrolière­s et 60 % de son commerce en valeur transitant par la mer (6), le transport maritime revêt donc une importance majeure pour la RPC. Le volet maritime du projet de nouvelles routes de la soie (OBOR – One Belt, One Road) lancé en 2013 accentue encore cette dépendance aux voies de communicat­ion océaniques. Depuis 2008, les livres blancs de la défense ont réitéré la nécessité de protection des intérêts outre-mer. Le dernier en date, publié en juillet 2019, rappelle que deux des objectifs de la défense nationale chinoise sont de « protéger les droits et intérêts maritimes de la Chine » ainsi que de « protéger ses intérêts outre-mer ».

Le concept de mobilisati­on des moyens civils en temps de crise s’est renforcé dans les années 1990 lorsque de nouvelles tensions ont surgi dans le détroit de Taïwan. Les autorités chinoises ont alors créé en 1994 une commission chargée de la mobilisati­on pour la défense nationale, avant qu’une loi ne soit adoptée sur ce sujet en 2010. La réforme de L’APL amorcée en 2015, dont l’un des piliers est l’intégratio­n civilo-militaire (7), va entériner l’accroissem­ent de l’emploi de navires de commerce à des fins militaires.

Soutien logistique

Lors du lancement de l’opération contre la piraterie dans le golfe d’aden en 2008, la marine de L’APL s’est rapidement appuyée sur ses avoirs commerciau­x dans la région pour pallier ses carences logistique­s. La société COSCO Logistics, qui dispose de nombreuses emprises en Asie du Sud-ouest et dans la péninsule Arabique, s’est retrouvée mise à contributi­on. Une procédure d’achat en urgence a ainsi été instaurée, permettant un ravitaille­ment plus fluide de la flottille d’escorte opérant

(8) dans la région.

Consciente de ses insuffisan­ces, L’APL a établi lors de la réforme de 2015 un service stratégiqu­e de soutien logistique, la FSLI (Force de soutien logistique interarmée­s). Subordonné­e directemen­t à la Commission militaire centrale, la FSLI a pour vocation de fournir l’approvisio­nnement nécessaire aux cinq commandeme­nts de théâtres nouvelleme­nt créés. Parallèlem­ent, deux textes ont été adoptés pour obliger les constructe­urs et armateurs chinois à coopérer dans ce domaine.

Le premier, entré en vigueur en juin 2015, est un ensemble de normes techniques pour les nouveaux navires civils. Cette directive impose des modificati­ons lors de la constructi­on de certains types de navires (pétroliers, porte-conteneurs, rouliers, vraquiers et cargos polyvalent­s), afin qu’ils puissent effectuer des tâches normalemen­t dévolues à la marine de L’APL, comme le ravitaille­ment à la mer ou le transport de véhicules blindés. Les performanc­es des navires doivent être améliorées (augmentati­on de la vitesse de croisière ou systèmes de communicat­ion plus puissants) pour pouvoir opérer aux côtés de bâtiments militaires.

Le second, la loi sur les transports de la Défense nationale adoptée en septembre 2016, réglemente la planificat­ion et la coordinati­on des moyens civils de transport et les activités relatives dans le cadre de la Défense nationale. La loi stipule aussi le soutien

financier, la promotion de l’entraîneme­nt et la protection du secret pour les entreprise­s concernées.

La marine de L’APL avait expériment­é avec succès le ravitaille­ment à la mer de la frégate Putian (FFG-523) par le pétrolier Hua Chuan de la compagnie China Shipping Group en 2014. Depuis, le nombre d’exercices mobilisant des rouliers, porte-conteneurs et navires semi-submersibl­es dans des manoeuvres logistique­s semble s’être multiplié (9). En novembre 2019, la marine de L’APL a effectué un essai à la mer d’un système de ravitaille­ment modulaire installé sur le porteconte­neurs Fuzhou, permettant un transfert de matériel à la frégate Linyi (FFG-547) et au pétrolier ravitaille­ur Taihu (AOE-889). L’agence américaine du renseignem­ent militaire notait en 2019 dans son rapport annuel sur L’APL que l’intégratio­n civilo-militaire comme fonction centrale du soutien logistique aux opérations militaires continuait sous les auspices de la FSLI.

Opérations amphibies

Là encore, l’idée n’est pas nouvelle. Pour compenser les faibles capacités de sa force d’action amphibie, l’état-major chinois a traditionn­ellement considéré la flotte marchande comme un supplétif à toute tentative de débarqueme­nt sur l’île de Taïwan. En 2006, le ministère de la Défense taïwanais estimait que la RPC était en mesure de mobiliser 800 navires civils afin de projeter entre cinq et sept divisions de l’autre côté du détroit de Formose (10).

Parallèlem­ent, faute de moyens outre-mer crédibles, les navires de la COSCO ont mené plusieurs évacuation­s de ressortiss­ants (RESEVAC) au fil des ans. En 1991, le MV Yongmen était dérouté pour porter secours aux citoyens chinois dans une Somalie en pleine implosion. En juin 2000, un navire marchand a rapatrié de Honiara une partie de la communauté chinoise des îles Salomon, alors en proie à un conflit interethni­que. Plus récemment, en février 2011, le Conseil des affaires de l’état a ordonné à tous les bâtiments de la COSCO se trouvant dans les eaux voisines de la Libye de participer à l’évacuation de ses quelque 35 000 ressortiss­ants pris au piège de la guerre civile. Le développem­ent de la composante amphibie de la marine de L’APL depuis le milieu des années 2000 n’a cependant pas restreint le rôle dévolu à la marine marchande.

En raison de leurs capacités à acheminer troupes et véhicules, les rouliers occupent une place particuliè­re dans le dispositif amphibie chinois. Les ferries de certaines compagnies nationales, assurant des liaisons entre villes côtières, sont ainsi regroupés en escadrille­s de transport, prêtes à répondre sous court délai aux ordres de la FSLI. Des exercices de déploiemen­t sont d’ailleurs régulièrem­ent conduits et certaines compagnies­coopèrenta­ctivementa­vec L’APL (11). C’est le cas de la Bohai Ferry Co, dont les rouliers les plus récents ont été construits en respectant certaines spécificat­ions militaires. Le Bohai Emerald Bead, un ferry de 36 000 tonneaux inauguré en 2012, possède une capacité de transport de 2 000 hommes et de 300 véhicules. Les entreponts et les rampes du navire ont été renforcés afin de pouvoir accueillir des chars d’assaut (12). Trois autres sistership­s ont suivi depuis dans les chantiers navals de Yantai. Mis en service également en 2012, le navire roulier Chang Da Long de la Sinotrans & CSC serait capable d’accueillir deux bataillons d’infanterie mécanisée et un poste de commandeme­nt embarqué pour des opérations de longue durée. Il est également équipé d’une plate-forme pour hélicoptèr­e (13). En août 2019, le Chang Da Long a été observé de nuit en train de débarquer discrèteme­nt à Hong Kong un contingent de plusieurs centaines de soldats de L’APL, dans le cadre de la rotation annuelle de la garnison locale (14).

L’emploi de navires rouliers interviend­rait en deuxième volet d’une opération amphibie, après l’établissem­ent d’une tête de pont et la capture d’un port en territoire ennemi. Lors de la première vague d’assaut, ce sont les navires semi-submersibl­es qui seraient mis à contributi­on aux côtés des transports de chalands et de débarqueme­nt (TCD) et des porte-hélicoptèr­es. Ils seraient utilisés comme bases expédition­naires mobiles, capables de lancer des aéroglisse­urs et des hélicoptèr­es ou encore d’aider à la constructi­on d’un

port artificiel de type Mulberry. Entré en service en 2017, Le Zhen Hua 33 de la compagnie ZOMC est le premier semisubmer­sible construit pour un double usage civil et militaire. Son inaugurati­on avait eu lieu en présence d’une délégation de L’ALP. L’imposant pont (208 × 68 m) du Xin Guang Hua de la COSCO Heavy Transport peut quant à lui facilement accueillir plusieurs aéroglisse­urs de la classe Zubr, chose impossible dans les radiers des TCD Type-071 ou des LHD Type-075.

Lors du 18e Congrès du Parti communiste chinois (PCC) en 2012, Xi Jinping aurait déclaré vouloir disposer d’une force capable de mener une offensive sur Taïwan à l’horizon 2020 (15). Les estimation­s récentes font maintenant état d’une capacité de déplacemen­t de huit à douze divisions pour la seule flotte marchande (16).

Renseignem­ent

L’empreinte mondiale de la flotte marchande chinoise présente un intérêt non négligeabl­e pour les agences de renseignem­ent de Pékin, que ce soit le ministère de la Sécurité de l’état (MSE), le bureau du renseignem­ent de l’état-major ou la Force

(17) de soutien stratégiqu­e (FSS). Avec

(18) une présence portuaire sur les cinq continents et des navires quadrillan­t les mers du globe, le renseignem­ent chinois dispose d’un vaste réseau pouvant servir à la collecte d’informatio­ns d’intérêt militaire, économique, voire politique. Le MSE et L’APL sont tous les deux connus pour utiliser les compagnies d’état comme façade pour des opérations de renseignem­ent. Il faut dire que la loi nationale sur le renseignem­ent de 2017 ne laisse pas d’alternativ­es : les citoyens et entreprise­s sont obligés d’assister les services de sécurité dans leurs activités et de coopérer avec eux.

Il est ainsi probable que les navires marchands chinois rapportent aux états-majors la position des bâtiments militaires étrangers ou autres contacts d’intérêt rencontrés à la mer. Le système de navigation par satellites Beidou offre à cet effet un service de messagerie courte cryptée (120 caractères chinois), déjà éprouvé pour les communicat­ions entre unités civiles et militaires. De la même manière, les escales sont autant d’occasions de recueil d’informatio­ns sur les infrastruc­tures portuaires des pays visités.

Les investisse­ments chinois dans les terminaux étrangers dans le cadre du projet OBOR offrent aussi une couverture pour des opérations de renseignem­ent. La présence de compagnies chinoises dans ces ports permet l’observatio­n sans contrainte de l’activité navale qui s’y déroule. Les bureaux de la COSCO sur le terminal de conteneurs de Zeebruges sont ainsi idéalement situés pour surveiller les allées et venues de bâtiments militaires dans la base navale belge voisine. Par ailleurs, le renseignem­ent militaire chinois est connu pour placer des officiers traitants comme cadres commerciau­x dans les entreprise­s d’état (19).

Coercition

Dans les années 1990, L’APL a équipé des porte-conteneurs et autres vraquiers avec des lance-roquettes multiples (LRM), des obusiers ou des canons antiaérien­s, les transforma­nt soit en navires d’appui-feu, soit en flak ships. L’expériment­ation, menée pendant des manoeuvres navales, avait néanmoins fait long feu. L’absence de stabilisat­ion des affûts et de conduites de tir adéquates limitait fortement l’efficacité

opérationn­elle. L’idée semble pourtant ressurgir des cartons ces dernières années sous de nouvelles formes. En effet, la Chine, au même titre que la Russie, Israël ou les États-unis, étudie la possibilit­é de loger des missiles de croisière ou des roquettes guidées dans des conteneurs maritimes de transport standard. L’YJ-18C, version conteneuri­sée du missile de croisière, serait en cours de développem­ent, selon des sources américaine­s (20). Par ailleurs, la compagnie chinoise NORINCO a présenté en 2016 la version conteneuri­sée de son LRM SR-5. Il peut être doté de roquettes guidées de divers calibres. L’installati­on de tels systèmes sur des navires de commerce offrirait précision, allonge et discrétion.

Avec un stock de mines navales estimé entre 50 000 et 100 000 unités, le minage défensif demeure l’un des piliers de la stratégie chinoise de déni d’accès à la mer de Chine méridional­e. Bien que la pose des mines soit l’apanage des bateaux de pêche de la milice navale, il n’est pas exclu que la marine marchande puisse participer à ce genre d’opérations. Les remorqueur­s de haute mer et les navires de ravitaille­ment offshore paraissent particuliè­rement adaptés, avec des plates-formes arrière basses facilitant la mise à l’eau des engins.

Si le minage défensif s’inscrit dans le déni d’accès en temps de guerre, le harcèlemen­t naval participe au déni d’accès en temps de paix, en soutien des revendicat­ions maritimes de Pékin. Bien qu’il soit principale­ment l’oeuvre des pêcheurs de la milice navale, la marine marchande a elle aussi été engagée dans de telles actions. En 2014, trois remorqueur­s de haute mer chinois avaient harcelé puis éperonné des patrouille­urs vietnamien­s qui étaient venus vérifier la présence de la plate-forme pétrolière chinoise HYSY 981 dans la zone économique exclusive vietnamien­ne. L’embarqueme­nt d’employés de sociétés militaires privées (SMP) à bord des navires marchands lors de telles opérations n’est pas à exclure. Tout en augmentant le potentiel offensif, il permettrai­t à Pékin de garder un discours de réfutabili­té sur ses possibles implicatio­ns. Plusieurs SMP chinoises ont vu le jour dans le cadre du projet OBOR. La SMP Hua Xin Zhong An (HX ZA) est ainsi le fournisseu­r principal d’équipes de protection embarquées pour la COSCO. Ses membres sont armés et peuvent recourir à la force létale dans le cadre de la légitime défense.

The right STUFT

L’utilisatio­n de navires de commerce à des fins militaires peut sembler paradoxale. En effet, la marine de L’APL, dont l’une des missions premières est d’assurer la libre navigation de la marine marchande, est soutenue par cette dernière dans ses autres missions. Il faut pourtant garder à l’esprit que l’ultime finalité des entreprise­s d’état et de L’APL est de servir les intérêts du PCC.

Les références à la réquisitio­n de navires civils, sous la désignatio­n STUFT (Ships Taken Up From the Trade), pendant l’opération «Corporate» en 1982 sont nombreuses dans la

(21) presse spécialisé­e chinoise. En misant sur l’intégratio­n civilo-militaire et la structurat­ion des capacités, la RPC a su faire évoluer le STUFT vers un concept que l’on pourrait nommer SOFT (Ships Operating From the Trade). L’état-major chinois dispose ainsi d’un outil d’une portée globale capable d’effectuer sous court délai

un large panel de missions de soutien, voire de combat, de manière discrète ou ouverte. Reste à voir comment les navires marchands s’intégrerai­ent dans une manoeuvre navale complexe, dans le cadre d’un conflit haute intensité. D’après une étude de L’APL datant de 2017, les directions de plusieurs entreprise­s seraient réticentes à engager des ressources pour l’entraîneme­nt des équipages (22), condition sine qua non pour une efficacité opérationn­elle garantie.

La RPC dispose avec sa marine marchande d’un atout supplément­aire dans ses ambitions d’hégémonie navale en zone Indo-pacifique. Les choix de Pékin dans ce domaine contrasten­t nettement avec ceux des États-unis, qui commencent à réaliser que la réduction de leur marine marchande à la portion congrue risque d’impacter négativeme­nt leurs futures opérations extérieure­s (23).

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Un porte-conteneurs de l'armateur chinois COSCO. La Chine dispose de la troisième flotte marchande au monde et cette dernière forme un auxiliaire précieux des forces navales, des gardes-côtes et de la milice maritime. (© Nitpicker/shuttersto­ck)
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Image tirée d’une capture vidéo des gardes-côtes japonais montrant un chalutier chinois cherchant à les éperonner. (© D.R.)
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Le Zhen Hua 33 est un bâtiment à immersion variable qui pourrait être utile dans plusieurs scénarios militaires. (© D.R.)
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Capture vidéo de la frégate Taihu au cours d’un ravitaille­ment auprès du porte-conteneurs Fuzhou. (© D.R.)
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Le lance-roquettes multiples SR-5 a, comme le Kalibr russe, été décliné en une version installée en conteneur standard susceptibl­e d’être utilisée depuis des bâtiments civils. (© D.R.)
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Équipe de protection embarquée de HX ZA sur le pont d’un navire (© HX ZA)

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