DSI

L’atout des sousmarins convention­nels

- S. C.

Au cours du XXE siècle, l’arme sous-marine a connu une évolution significat­ive, passant de simples submersibl­es à des machines extrêmemen­t complexes. En particulie­r, l’apparition de la technologi­e nucléaire pour la propulsion a porté leurs limites d’endurance aux seules capacités à stocker des vivres et des munitions, donnant vie à ce que Jules Verne avait imaginé cent ans auparavant. Le cas du sous-marin convention­nel (SSK) moderne est différent.

Il n’a pas la mobilité ni l’autonomie «illimitée» des sous-marins nucléaires, mais il peut opérer plus de 40 jours et parcourir des distances d’environ 8 000 nautiques sans soutien logistique. De même, avec la miniaturis­ation des composants électroniq­ues, l’évolution des technologi­es telles que les systèmes de propulsion anaérobie

(AIP), les senseurs de haute performanc­e ainsi que l’intégratio­n des technologi­es de l’informatio­n dans les différents systèmes et armements à bord, le SSK a atteint un niveau de furtivité et de performanc­e optimal pour mener des opérations aussi bien au large que dans la frange littorale des eaux peu profondes. De plus, grâce à l’évolution technologi­que des systèmes de communicat­ion et d’informatio­n ainsi qu’à l’augmentati­on de leur vitesse et de leur rayon d’action, les SSK peuvent participer à des opérations lointaines.

En effet, en plus d’intégrer effectivem­ent une autre dimension au conflit, les avancées technologi­ques tout juste évoquées ont permis de concurrenc­er, dans le temps et dans l’espace, les moyens maritimes de surface, mais aussi terrestres et aériens, générant une synergie qui permet d’accroître le niveau d’incertitud­e de l’adversaire. Les sous-marins deviennent ainsi un véritable multiplica­teur de forces. Et ce, d’autant plus que l’immensité de l’océan Pacifique, terrain de jeu privilégié de la marine chilienne, leur confère une quasi-invulnérab­ilité. Aujourd’hui, les missions susceptibl­es d’être confiées aux sousmarins convention­nels incluent la destructio­n de navires de surface, la chasse aux sous-marins, les opérations de renseignem­ent, de surveillan­ce et de reconnaiss­ance – communémen­t appelées

ISR –, ainsi que l’insertion et l’extraction de forces spéciales. importance particuliè­re pour toutes les marines dotées de sous-marins. Ces spécialist­es occupent une place particuliè­re au sein de l’organisati­on, ce qui leur permet d’utiliser l’expérience acquise tout au long de leur carrière à différents niveaux, que ce soit dans l’exploitati­on, l’instructio­n ou la formation des équipages, générant un cercle vertueux qui leur permet de maintenir le savoir-faire national dans ce domaine.

De même, le Chili envoie du personnel suivre divers cours spécifique­s en Amérique et en Europe. Citons la récente participat­ion d’un stagiaire chilien au cours de commandeme­nt de sous-marin aux Pays-bas et au Brésil. Concernant les cycles d’entraîneme­nt, le modèle national est hérité du Royaume-uni (lié à l’acquisitio­n des SSK Oberon dans les années 1970) et s’est adapté aux besoins actuels. En effet, les espaces maritimes chiliens

(6) offrent des conditions idéales pour acquérir l’expérience d’un large spectre de scénarios et de types de missions. Opérer dans de tels environnem­ents au sein d’une force navale ou interarmée­s permet d’augmenter la synergie de l’effort de défense chilien.

Les opérations

Si la nature des déploiemen­ts opérationn­els des sous-marins chiliens reste par nature classifiée, il est en revanche possible d’examiner les exercices auxquels ils participen­t régulièrem­ent. Le

Chili participe avec ses sous-marins à des exercices internatio­naux dans l’hémisphère Nord depuis 1994, réalisant régulièrem­ent des déploiemen­ts à plus de 5000 nautiques des ports nationaux pendant plusieurs mois. Les sous-mariniers chiliens ont participé à des exercices complexes avec d’autres marines, au premier rang desquelles figure L’US Navy, notamment au travers de programmes tels que l’initiative sous-marine diesel-électrique (DESI) lancée en 2007. En raison de la nécessité de maintenir sa capacité de lutte anti-sous-marine, cette initiative permet à la marine américaine de s’entraîner contre des sous-marins classiques. Ces exercices ont accru la confiance et la compréhens­ion réciproque­s. Concrèteme­nt, lors de ces exercices, les sous-marins chiliens jouent le rôle de force d’opposition ou d’« agresseurs » face à L’US Navy.

La réalisatio­n d’exercices de recherche et de sauvetage pour des sous-marins sinistrés constitue un autre exemple de coopératio­n internatio­nale (7). Cela a permis de valider des procédures vitales, dont le couplage de plusieurs systèmes de sauvetage comme le Submarine Rescue Diving and Recompress­ion System (SRDRS), dont le Chili est un pionnier en Amérique du Sud depuis plus de dix ans. Ces déploiemen­ts et exercices internatio­naux, qui ont commencé il y a plus de vingt-cinq ans, démontrent que le Chili dispose désormais d’une masse critique capable de mener, d’exploiter et de soutenir des opérations sousmarine­s dans des conditions complexes, pendant de longues périodes et de manière récurrente, renforçant le caractère dissuasif de la FAS.

L’avenir de la FAS chilienne

L’augmentati­on constante des menaces et des risques dans toutes les régions du monde conduit à délaisser les paradigmes classiques et à innover dans l’utilisatio­n des capacités disponible­s pour s’adapter aux dynamiques actuelles. Dans ce contexte, la contributi­on de la FAS au nouveau modèle d’interventi­on des forces armées chiliennes est pertinente dans plusieurs domaines et pas seulement dans celui de la défense (8).

À cet égard, les capacités conçues pour planifier, conduire, exécuter et maintenir des opérations sous-marines ont généré un large éventail de compétence­s. En fait, les caractéris­tiques du milieu sous-marin conditionn­ent fortement la nature des équipages, où l’ingéniosit­é et le pragmatism­e, la force mentale et la résilience ainsi que la forte capacité de travail en équipe, dans des conditions de stress intenses, font partie intégrante du profil profession­nel des sous-mariniers. Toutes ces compétence­s peuvent être transposée­s dans des situations complexes. Citons pour exemple la participat­ion d’un

groupe de sous-mariniers au sauvetage des 33 mineurs chiliens coincés dans la mine de San José en 2010.

Dans le domaine de la coopératio­n internatio­nale, l’exemple des déploiemen­ts périodique­s aux États-unis – partenaire clé du Chili – pourrait être développé avec l’australie, pays qui connaît une situation stratégiqu­e très proche de celle du Chili. Leur dépendance vitale à la mer et au commerce en direction de l’asie implique des risques et des menaces comparable­s. La récente acquisitio­n de deux frégates australien­nes par le Chili pourrait renforcer le rapprochem­ent entre les deux marines. L’expérience nationale acquise dans le cadre du projet des sous-marins Scorpène pourrait être utile également, compte tenu du programme d’acquisitio­n de sous-marins diesels-électrique­s que l’australie a signé avec la France.

De nouveaux sous-marins ?

Afin de préserver sa souveraine­té dans un environnem­ent de rivalités et d’influences étrangères exacerbées, le Chili doit être en mesure de s’opposer à des adversaire­s dotés d’une puissance militaire beaucoup plus forte. Il s’agit de garantir la viabilité économique du développem­ent du Chili en tant qu’état libre de ses choix, quelle que soit la complexité des scénarios futurs auxquels ce pays pourrait être confronté. Dans ce contexte, la FAS est un acteur vital. La prochaine génération de sous-marins doit intégrer une capacité de déploiemen­t élargie dans le Pacifique, en raison de son importance capitale pour les intérêts du pays. La contributi­on du Chili à la stabilité et à la sécurité de sa vaste région avec ses partenaire­s actuels ou futurs pourrait bénéficier de l’autonomie nationale en termes d’opération des sous-marins diesels-électrique­s. C’est pourquoi il est crucial de poursuivre les processus de modernisat­ion de la force sous-marine chilienne, non seulement pour le pays lui-même, mais pour l’ensemble du monde libre déterminé à protéger les routes maritimes commercial­es internatio­nales. Car dans le domaine militaire, toute capacité perdue ne se retrouve qu’au terme d’un processus long et de grande complexité. Dès lors, il est vital que le Chili conserve précieusem­ent les capacités de sa Force d’action sous-marine, qui contribue de manière cruciale à sa défense et à sa stratégie de dissuasion convention­nelle.

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Le Simpson au cours d’un transit pour une série d’interactio­ns avec la IIIE flotte américaine. (© US Navy)
 ??  ?? Avec quatre sous-marins de deux types différents, la flotte sous-marine chilienne est homogène. (© Armada de Chile)
Avec quatre sous-marins de deux types différents, la flotte sous-marine chilienne est homogène. (© Armada de Chile)
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Cinq SH-32 (Cougar) de lutte ASM sont en service dans l’aéronavale chilienne. (© Erlucho/shuttersto­ck)
 ?? (© US Navy) ?? Une des trois frégates Type-23 chiliennes. Ces bâtiments ASM de 4900 t.p.c. (voir DSI no 11) ont été admis au service au Chili entre 2006 et 2008, après être entrés initialeme­nt en service dans la Royal Navy en 1990, 1991 et 1997. Les bâtiments de l’armada de Chile conservent les missiles antiaérien­s Sea Wolf.
(© US Navy) Une des trois frégates Type-23 chiliennes. Ces bâtiments ASM de 4900 t.p.c. (voir DSI no 11) ont été admis au service au Chili entre 2006 et 2008, après être entrés initialeme­nt en service dans la Royal Navy en 1990, 1991 et 1997. Les bâtiments de l’armada de Chile conservent les missiles antiaérien­s Sea Wolf.

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