eBike

Découverte

300 km en Haibike Xduro AllMtn 3.0

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Essai au long cours

Il ne fallait pas nous chauffer ! Un bocal de moutarde vide, le nouvel Haibike Xduro AllMtn 3.0, 1 125 Wh d’autonomie… autant de bonnes raisons de se ravitaille­r en condiments à Dijon et à vélo par les chemins. Ce n’étaient pas quelque 300 km d’itinérance et 6 000 m de D+ qui allaient nous arrêter.

L’un des symptômes du Covid tient à la perte de l’odorat. Pourtant, avoir du nez, c’est important. Ça permet de flairer les bons coups. Celui de ressortir le vélo juste après la mise en place du déconfinem­ent-phase 1 en est un. C’est que ces deux mois et demi ont souvent fait changer nos habitudes. Le VAE connaît un boom sans précédent. À tel point que nombreux sont les gens qui envisagent aujourd’hui de l’utiliser comme un véritable mode de déplacemen­t, d’aller au travail ou de faire ses courses avec. Et c’est précisémen­t ce qui nous occupe ici ! « On ne se ferait pas une petite fondue pour fêter la fin du confinemen­t ? avait lancé Léa avec sa bonhomie habituelle. J’ai une nouvelle recette, avec un ingrédient secret! »… qui ne l’est pas resté très longtemps : une cuillerée de moutarde. Mais pas n’importe laquelle : la version à la truffe de chez Maille. Rien que ça ! Manque de pot, le pot, justement, était vide. Alors, nous aussi, on a pris nos vélos pour aller faire les courses et en chercher. Que la boutique soit à Dijon et que nous soyons respective­ment en Savoie et en Haute-Savoie relevait du détail : « Je passe te prendre? a proposé Léa. – Super idée ! » C’est comme ça que la sauce de cette petite aventure façon essai/ride-trip a commencé à prendre. Ce qui l’a aidée à monter tout à fait, c’est le dernier-né de Haibike, le Xduro AllMtn 3.0 avec Range Extender, qui permet d’ajouter à la batterie Powertube de 625 Wh un modèle Powerpack de 500 Wh, pour porter le tout à (625 + 500, je pose 1, je retiens 1) 1 125 Wh.

Quitter les montagnes

Petit papier dérogatoir­e en poche, autorisant à dépasser les 100 km autour du domicile pour raisons profession­nelles, ça sent bon le départ direction la capitale de la moutarde et la cité des Ducs de Bourgogne. D’autant que partie de BourgSaint-Maurice (109 km, 3 900 m de D+, une heure de charge en attendant l’omelette à emporter à Flumet plus tôt), Léa nous a rejoints à Entremont, histoire de poursuivre l’aventure à deux. Au programme, trois jours de roulage en mode itinérance, pas vraiment de plan établi, une vague idée de l’itinéraire, juste l’envie de se laisser porter par la liberté retrouvée, sacs à dos et matelas gonflables chargés, histoire de se poser où l’envie nous appelle. L’aventure au coin du chalet. Simple. Et ça fait un bien fou! Au petit matin, l’air frais de la montagne pique les narines. Les premiers coups de pédale sont connus, ambiance montagne, montée au col de la Buffaz. Le village, de plus en plus petit en contrebas, bascule vers Annecy et son lac aux eaux menthe glaciale et aux plages inhabituel­lement désertées, interdicti­on de se poser oblige. À VTTAE, tout prend une saveur particuliè­re, notamment celle du temps retrouvé, à échelle d’homme (enfin, de femme). Le relief s’adoucit, on passe à travers les rondeurs des champs de blé au vert moucheté du rouge des coquelicot­s, plongée dans

Partir de chez soi sur un VTTAE à l’autonomie massive, la plus simple des façons de se dépayser…

l’été qui s’avance… Bucolique à souhait! Dans les petits villages, je guette les numéros de plaque d’immatricul­ation, pour savoir si on a enfin changé de départemen­t. Mais c’est étiré, la Haute-Savoie ! À Frangy, un cerisier délaissé se présente pour le goûter. L’itinéraire tracé par l’appli Komoot nous emmène aux sources du Rhône, dans la féerique Tine de Parnant, une minuscule gorge creusée par un affluent. Les forêts du Haut-Bugey délivrent leurs odeurs de champignon, un renard trotte en contrebas. Je ne sais pas si c’est l’effet post-confinemen­t, mais les plus petites choses prennent un caractère précieux, qu’on apprécie d’autant plus. La lumière commence à baisser… et le fessier à se taler ! Au bout de presque 100 km, on apprécie de voir les glacières de Sylans imposer leur stature massive sur les rives du lac éponyme, réputé pour la pureté de ses eaux. De la fin du XIXE siècle à la Première Guerre mondiale, la glace du lac a été exploitée et envoyée à travers la France refroidir les apéritifs de la noblesse et de la bourgeoisi­e ou conserver les mets. On peine à s’imaginer que le glaçon sorti du congélateu­r pour rafraîchir nos

Perrier-menthe a longtemps été un produit de luxe, prélevé par blocs acheminés en voitures à cheval, puis en wagons de nuit, pour en limiter la déperditio­n… Voyager à vélo, c’est aussi prendre le temps de se glisser dans les traces de l’Histoire de France et en redécouvri­r la richesse omniprésen­te. Les usines Cristallin­e signent l’arrivée à Nantua.

Dépaysemen­t à portée de main

Soufflés par la bise, les bords du lac s’annoncent moyennemen­t engageants pour y poser un bivouac un brin déplacé au coeur de la capitale de la quenelle. Après 112 km et 2 700 m de dénivelé positif, la

Traverser 5 départemen­ts à VTTAE permet d’apprécier la richesse et la diversité des paysages de France.

batterie de l’Haibike affiche encore deux toutes petites bûchettes. Il nous faut recharger. Initialeme­nt, nous avions prévu de longues pauses le midi, pour refaire le plein d’électricit­é autant que de victuaille­s à la table d’un restaurant, et compenser la halte nature du soir. Sauf que… le confinemen­t à peine levé, les auberges encore fermées nous ont contrainte­s à faire l’impasse sur la recharge du midi. Changement de plan. À l’improviste, l’hôtel L’Embarcadèr­e et son chef à l’accueil revigorant nous sauvent: un lit douillet, deux prises, et même un plateau-repas digne d’un festin gastronomi­que, on tient le plan ! Exit l’idée des haltes à rallonge le midi et du camping le soir, on fera sandwich et nuitée en hébergemen­t, pour recharger une bonne fois par jour. On s’adapte. Au lendemain matin, la brume se lève sur le lac, on se met en selle tranquille­ment. Dans les monts sud du Jura, l’odeur du foin coupé nous cueille avant de s’enfoncer dans les hautes forêts de sapins bientôt malmenées par un débardage massif. Le chemin se transforme en tranchée de glaise, le parfum de la résine se mêle aux effluves d’une boue douteuse. Impossible de retrouver l’itinéraire dans ce foutoir d’exploitati­on! On perd la trace. Ce qui nous vaudra une bonne poussée de nos montures dans une coupe sauvage bien raide. Près d’une heure pour faire 500 mètres, la moyenne est rude. Dans toute itinérance, j’imagine qu’on rencontre ces moments : le temps qui ne passe plus, les bretelles du sac à dos qui cisaillent, la position en selle qui change sans cesse, en quête de moins de douleur, le moral qui baisse. Reste à lever le nez, se dire que rien n’est obligé et que, comme dirait en substance le scientifiq­ue Bertrand Piccard, « une crise n’est jamais qu’une

aventure qu’on refuse, tandis qu’une aventure est une crise que l’on accepte ». Alors acceptons la crise et vivons l’aventure! Les sapins laissent la place aux feuillus. À l’approche de la grotte de Nerbier, la forêt jurassienn­e s’enchevêtre dans un dédale de mousse magique. « Tu verras, c’est un peu raide, mais ça coupe sinon c’est la route », avait prévenu Léa. Le petit sentier se fait tortueux et escarpé dans une végétation aux parfums de garrigue et de menthe mêlés. De nouveau, on pousse. On pèse : crise/aventure… De retour sur le vélo, on passe à la position « 19h », buste droit pour soulager le dos, poignées tenues du bout des doigts, fesses en bec de selle. Il est 17 heures… Des eaux du lac de Vouglans, qui doit nous mener jusqu’à Lons-le-Saunier, étape initialeme­nt fixée, émane un parfum de marée. Technique, la petite trace en dévers jonchée de cailloux roulants oblige souvent à poser le pied. Sur Komoot, Léa a coché « Expert » pour nos niveaux. L’appli précisait bien : « Votre trajet est susceptibl­e de comprendre des portions de portage ». On était prévenues. Alors on en profite pour admirer la couleur émeraude qui a valu son surnom à l’étendue lacustre. Crise/aventure… L’idée de nous

poser à Lons-le-Saunier nous séduit de moins en moins à mesure que la ville se rapproche. Re-changement de plan. Google nous propose une jolie chambre d’hôtes à quelques kilomètres de là. Des cabanes en rondins au milieu d’un parc pluricente­naire. La Gargaille, l’adresse providenti­elle. Nous n’avons pas dépassé les cent kilomètres aujourd’hui. Mais il est 20h30 passées, nos dos et nos fesses en ont assez. L’accueil d’Anne-Claude et Jean nous requinque. Trop tard pour concocter un repas table d’hôtes, ils nous assurent que nous nous rattrapero­ns au petit-déjeuner. Léa improvise un dîner au réchaud. On ne l’aura pas pris pour rien ! Un melon, un paquet de graines à cuire, une tisane fumante, une douche chaude sous les bulles d’un savon au lait de jument qui permet même une lessive succincte de nos cuissards et tee-shirts (toutes les odeurs ne sont pas bonnes à décrire non plus, hein ! D’ailleurs, on a laissé dehors nos chaussures moisies de boue senteur toilettes sèches !), un lit moelleux au parfum draps frais qui se mélange à celui des huiles essentiell­es de lavande, gaulthérie et hélichryse pour soigner nos bobos de roulage… « Le goût des choses simples », scandait une pub de saucisses. On va garder le credo.

Parfum de fin

Au petit déj’, regards croisés avec Léa : on est combien à table ? Celle-ci est recouverte de victuaille­s. Fromages, fruits, miels, yaourts, céréales, pains, viennoiser­ies… effectivem­ent, il y a de quoi se faire une session rattrapage ! Donc, bref, si vous passez par là, ne manquez pas l’adresse ! Notre guide digital nous envoie promener dans les forêts qui se tassent petit à petit. Les premiers vignobles du Jura apparaisse­nt. Ça sent presque le sud de la Bourgogne! Au détour d’un bois, une exhalaison puissante d’ail des ours nous cueille. On imagine le pesto maison dans un plat de pâtes au parmesan râpé (nota bene: l’itinérance développe une conscience fine des envies gastronomi­ques – si vous voyez des tomates recouverte­s de fromage italien fondu traverser devant vous, c’est trop tard, vous êtes en hypoglycém­ie avancée). À mesure que nous roulons, les chemins se font larges, blancs, vignerons. Ça taille dans les treilles. Les premières tuiles de Bourgogne naissent sur les toits. De grosses maisons cossues aux pierres de Bourgogne respirent l’histoire puissante des ducs qui tinrent tête au royaume de France. Avec un dénivelé positif moindre, les kilomètres défilent à une vitesse ahurissant­e, majoritair­ement en mode EMTB ou Turbo. Notre itinéraire nous fait longer des marais seulement fréquentés par des hérons cendrés. Un coucou chante dans les bois. La forêt se retire au profit des plaines cultivées. Champs de colza, de lin bleu, de blé aux bleus verts et de coquelicot­s. À Saint-Jean-de-Losne, nous rejoignons le canal de Bourgogne. Dans le port gavé de péniches, l’odeur de peinture à bateaux nous frappe. Le chemin de

Les premiers vignobles jurassiens. Loin là-bas, derrière les collines, se devine la Bourgogne.

halage. « Voilà, maintenant, c’est tout droit sur 35 km », annonce Léa avec sa bouille mutine habituelle. Écluse. Cerisiers. Écluse. Cerisiers. La position « 19 h » est arrivée depuis longtemps. Avant midi. On voudrait des extenseurs de bras. L’itinérance permet de renouer avec sa propre gestion de l’inconfort: un genou qui se réveille, un dos tordu... mais ça n’empêche pas de rouler ni d’admirer le paysage. Après deux jours et demi sans voir personne, retrouver le monde sur les berges du canal fait violence. L’univers de la ville marquée par le Covid encore plus.

Nous sortons nos masques et nous couvrons le nez. La boutique Maille n’accueille plus les gens qu’à l’extérieur, un par un. Mais on y est. 120 km, 850 m de dénivelé positif seulement, mais deux pleines bûchettes encore à l’arrivée. Trois jours seulement, et l’impression d’être partie au moins une semaine. D’avoir goûté la liberté de se déplacer à VTT pour des tirées de 100 km et d’avoir fait le plein de souvenirs avec la « partner in crime » parfaite. « Le souvenir est le parfum de l’âme », écrivait George Sand. Celui-ci tiendra longtemps.

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 ??  ?? La première journée sera montagnard­e, pour quitter la Haute-Savoie direction Nantua. Un passage au bord du lac d’Annecy, la simplicité de se ravitaille­r au gré des rencontres avec les pompes à eau, des déjeuners sur l’herbe… de quoi donner le sourire sur les rives du lac de Nantua, autant que mal aux fesses après plus de 110 km.
La première journée sera montagnard­e, pour quitter la Haute-Savoie direction Nantua. Un passage au bord du lac d’Annecy, la simplicité de se ravitaille­r au gré des rencontres avec les pompes à eau, des déjeuners sur l’herbe… de quoi donner le sourire sur les rives du lac de Nantua, autant que mal aux fesses après plus de 110 km.
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 ??  ?? On rigole, on rigole, mais outre l’odeur nauséabond­e de ce chantier de débardage, il nous a valu un crochet physique à pousser le Haibike et son chargement ! Malgré le yoga au petit matin au bord du lac de Nantua, cette deuxième journée, ponctuée de sections techniques passées à la poussette, a été la plus éprouvante. Contentes de trouver à l’improviste les chalets de La Gargaille !
On rigole, on rigole, mais outre l’odeur nauséabond­e de ce chantier de débardage, il nous a valu un crochet physique à pousser le Haibike et son chargement ! Malgré le yoga au petit matin au bord du lac de Nantua, cette deuxième journée, ponctuée de sections techniques passées à la poussette, a été la plus éprouvante. Contentes de trouver à l’improviste les chalets de La Gargaille !
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 ??  ?? Les premiers toits aux tuiles de Bourgogne, et nous sommes toujours dans le Jura. Bientôt, après une pause pour recharger toutes les batteries, nous retrouvero­ns le canal bourguigno­n, pour le remonter jusqu’à la moutarde à la truffe. À chaque fois qu’on l’utilise, c’est tout ce périple aussi simple que régénérant, qui nous revient. Une vraie madeleine de Proust !
Les premiers toits aux tuiles de Bourgogne, et nous sommes toujours dans le Jura. Bientôt, après une pause pour recharger toutes les batteries, nous retrouvero­ns le canal bourguigno­n, pour le remonter jusqu’à la moutarde à la truffe. À chaque fois qu’on l’utilise, c’est tout ce périple aussi simple que régénérant, qui nous revient. Une vraie madeleine de Proust !
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