Fantic XF1 Integra
Fantic n’est encore qu’une jeune marque dans l’univers du VTTAE. Avec un moteur Brose puissant, une grosse batterie, des roues différenciées, cet XF1 Integra 160 Race propose une certaine originalité - qui est depuis devenue la norme, ou presque. Nous avons passé ce gros enduro au crible d’un essai longue durée, sur neuf mois d’utilisation et… 1 499 km. Pas un de plus. Explications.
Nous espérions parcourir au moins 1 500 km au guidon de ce Fantic XF1 Integra 160 Race. Le compteur s’est arrêté à… 1 499 km (!), sur une casse de courroie, une faiblesse connue du moteur Brose ( voir encadré) qui l’équipe, et désormais corrigée par une mise à jour logicielle. On pourrait être déçu par cette issue – bien évidemment prise en charge par la garantie. Et pourtant, cet enduro italien nous a séduits à bien des égards ! Par son comportement, par l’agrément et les performances de son moteur, par son silence, son autonomie, sa motricité, sa stabilité, par son aptitude à avaler tous les terrains en montée comme en descente, mais aussi par sa finition, son originalité en montage “mulet” avec une roue avant de 29” et l’arrière en 27.5”. Rien de surprenant pour une marque au long passé de motos toutterrain ! Nous avons pris possession du Fantic 160 Race fin janvier 2020 chez son importateur en Bourgogne, et commencé aussitôt à rouler dans la bouillasse hivernale, puis sous le soleil printanier, en montagne, sous la pluie, voire en nocturne les jours de canicule. Un roulage entrecoupé d’une période de confinement qui a quelque peu perturbé le cours de cet essai, sans toutefois nous empêcher d’explorer longuement les coteaux champenois de la Côte des Bar, avec des terrains variés, vallonnés, parfois rocailleux, racineux, tantôt en devers, en traversant des gués, des sapinières aux épines glissantes, empruntant des descentes vicieuses et des grimpettes extrêmes. Puis on a traîné le Fantic sur les terres du sud, sur les traces des Crapauds dans l’est, et même à la boulangerie du coin ! Le tout en lui apportant un soin régulier : lavage manuel après chaque sortie, séchage à l’air comprimé, lubrification, contrôle, réglages.
Une avance rattrapée
À sa sortie en 2017, ce Fantic affichait une certaine avance sur la concurrence avec une grosse batterie de 630 Wh, son moteur Brose Drive S Mag qui délivre généreusement 90 Nm de couple et ses roues différenciées. C’est depuis devenu la norme (ou presque), mais ce modèle FX1 160 Race millésime 2020 à cadre alu n’a pas pour autant pris un coup de vieux. On reste toutefois critique sur quelques équipements pour un vélo de cette gamme proposé à près de 6 500 euros, comme la transmission 12 vitesses un peu juste en Sram Eagle GX, avec une cassette SunRace, la chaîne bas de gamme, une selle peu confortable… Mais on apprécie aussi d’autres détails de finition, comme la biellette de suspension superbement usinée, le système de butée de braquage pour éviter de défoncer le cadre avec le guidon en cas de chute, la peinture de qualité, le sabot moteur efficace pour épargner le bas moteur. D’un point de vue dynamique, ce Fantic offre une belle polyvalence d’utilisation. Sa roue avant de 29” et le couple moteur en font un excellent franchisseur, malgré une légère tendance à cabrer dans les grimpettes extrêmes. Sa stabilité est rassurante en descente et sa motricité impressionnante, avec une cinématique de suspension progressive FPS qui colle la roue arrière au sol, et cette petite roue arrière de 27.5 lui procure une certaine vivacité. Un VTTAE en 160 mm de débattement et près de 24 kg, à la fois amusant et efficace, que l’on randonne sportivement ou que l’on pilote de façon plus engagée sur des terrains exigeants. Un véritable enduro à piles !
Inspection du travail
Ces 1 499 kilomètres d’utilisation n’ont toutefois pas été qu’un long fleuve tranquille. Quelques soucis ont émaillé le parcours d’essai de notre Fantic. L’importateur (la SIMA, également fabricant des motos Mash et importateur Royal Enfield) a joué le jeu en toute transparence en nous accueillant dans ses ateliers de Savigny-lèsBeaune pour un démontage complet du vélo, pièce par pièce, avec un contrôle de chaque élément et composant. Esthétiquement, après neuf mois d’utilisation régulière, le Fantic FX1 160 Race reste tout à fait présentable malgré quelques inévitables chutes. Le cadre alu ne présente que de rares impacts sur la peinture assez résistante, le tube diagonal bien protégé par un épais adhésif 3M, la base côté transmission à l’abri des impacts de chaîne avec sa protection plastique vissée, le sabot moteur particulièrement protecteur. La sortie de câble de dérailleur s’use tout de même prématurément par frottement à sa sortie sur le bras. Les roues Mavic E-XA Drifter en
La finition du Fantic est soignée, mais la transmission un peu légère sur un tel VTTAE.
largeur 30 et 35 (un modèle spécifique pour Fantic avec ses roues “mulet”) ont bien résisté. Nous avons juste effectué un léger dévoilage au bout de 1 000 km et redressé un rayon tordu par une branche, mais les jantes ne portent pas de vilaines traces d’impacts, les roulements et roue libre sont impeccables. La monte pneumatique sérieuse d’origine – des Maxxis Minion DHF Exo TR assez polyvalents en largeur 2.5/2.6 – a elle aussi bien résisté, l’avant à peine usé au tiers, l’arrière aux deux tiers, plus sollicité par le couple du moteur Brose, sera à remplacer prochainement. Livré en montage chambre, mais compatible tubeless, nous avons laissé l’ensemble tel quel, avec quelques crevaisons sur des épines plus que par pincement. Ce qui nous a vite posé problème sur ce Fantic est la transmission. Dès la deuxième sortie, une vilaine branche est venue arracher le dérailleur, axe brisé net entre la chape et le corps du GX Eagle, la chape baladeuse se coinçant ensuite dans l’antidéraillement, arrachant son guide… Une réaction en chaîne, quoi ! C’est le dérailleur qui a souffert plus que la patte, juste tordue. Remplacé par un même modèle GX Eagle 2020, c’est ensuite la chaîne d’origine (une Sram 208, hors groupe) qui a cassé après à peine 360 km, et déjà usée à 0,5 % sur notre jauge de contrôle en si peu de distance. On l’a alors remplacée par une chaîne de gamme moyenne, pourtant compatible e-bike, mais qui ne s’est pas avérée bien plus résistante… Puis le nou
veau dérailleur GX a commencé à prendre du jeu latéral sur son axe de fixation, avec des passages de vitesse de moins en moins précis, des bris de chaîne à répétition et plusieurs pattes de dérailleur cassées. Taillée dans un alu assez tendre, elle remplit son rôle de fusible, mais un peu trop ! On cassera en tout quatre pattes de dérailleur (!) sur l’ensemble de l’essai, en prenant bien soin d’en avoir toujours une de rechange à chaque sortie. Lassé par ces problèmes de transmission à répétition, on a profité à l’été de la sortie du nouveau groupe Sram GX Eagle 2021 et des 800 km déjà parcourus pour remplacer l’ensemble, dérailleur et cassette (une 10/52 en échange de la SunRace 11/50, jugée par les techniciens Sram inadaptée au dérailleur sur ce Fantic), et monter une chaîne XX1 de bien meilleure facture. Un ensemble plus cohérent, 100 % Sram, avec un dérailleur GX amélioré, plus rigide dans sa nouvelle version et, un Trigger GX Eagle “Single Click” conseillé par Sram, qui sollicite moins l’ensemble avec des passages de vitesse une par une. Fin de problèmes de transmission… Pour un coût de 475 euros tout de même au tarif Sram. Le remplacement de la cassette au standard Sram XD a nécessité celui du corps de roue libre Mavic, un jeu d’enfant avec le système Instant Drive 360 ! On en a aussi profité pour changer les manivelles FSA de 170 mm pour des Sram X1 eMTB en 165 mm offrant un peu plus de garde au sol en terrain cassant.
Un montage sérieux
En démontant le triangle arrière et sa biellette de suspension, le tout monté sur roulements, on ne note aucun jeu apparu dans les articulations. Seul un roulement de liaison base/hauban “gratte” légèrement, sans incidence. L’ensemble respire le sérieux, bien rigide pour un pilotage précis, et c’est ce que l’on attend d’un vélo de cette gamme. On relève juste quelques marques de frottement sur l’axe du bras inférieur, au niveau des bagues. Un démontage/ graissage régulier est à conseiller. Quant aux roulements du jeu de direction FSA coniques, ils sont eux aussi encore bons pour le service, avec un très léger “grattage” sur le gros roulement inférieur, plus sollicité. Au cours de l’essai, quelques craquements sont apparus en mettant le Fantic en contrainte au pédalage. Un démontage et graissage du jeu de direction et un contrôle de l’ensemble des serrages a réduit les bruits, sans toutefois les faire totalement disparaître. La fourche RockShox Lyric comme l’amortisseur SuperDeluxe présentent, eux, l’aspect du neuf, sans marque ni suintement sur les tubes plongeurs. Seuls les stickers des fourreaux de fourche ont un peu souffert sur les sentiers caillouteux. Les suspensions,
Agréable par son silence et son couple élevé, ce moteur Brose pêche par une courroie fragile…
réglées plutôt souples pour privilégier l’adhérence, se sont montrées assez réactives, sensibles sur les petits chocs, encaissant les gros sans broncher ni talonner. Ce n’est certes pas l’onctuosité Fox (on l’aurait souhaité sur cette gamme de prix), mais l’ensemble fait le job, avec des réglages simples à appréhender, blocables au besoin. La tige de selle n’est pourtant pas issue d’une grande marque (une simple
Switch taïwanaise), mais elle ne nous a pas causé le moindre souci, ce qui n’est pas si courant sur ce type de composant. Elle n’a jamais nécessité de réglage de la commande, pas de grippage du câble interne, pas d’autre entretien qu’un coup de spray silicone sur le tube après lavage. Seul un très léger jeu latéral est apparu en cours d’essai et le débattement de 100 mm peut sembler un peu juste pour certains. Côté freinage, nous avons remplacé les plaquettes d’origine Sram (plaquettes métal) à 439 km, usées aux trois quarts, afin de tester des plaquettes Brake Authority spéciales e- bike offrant une meilleure longévité. Nous en avons profité pour monter des disques neufs pour un parfait appairage. Toutefois, les excellents disques Galfer d’origine montés sur frette alu étaient encore en parfait état, à peine marqués. Le freinage Sram Code R 4 pistons ne nous a jamais posé problème, en accord avec le programme enduro du vélo, assez progressif et avec une constance régulière quelle que soit l’utilisation.
Boîte à watts
Passons à la partie électrique, en commençant par la batterie. Celle-ci, une Simplo semi- intégrée pesant 3,53 kg pour une
capacité de 630 Wh, est fixée dans le cadre par un axe traversant. Une clé BTR est donc nécessaire pour l’ôter, sans serrure antivol. Et pour la recharger, il faut retirer son câble d’alimentation qui tient par magnétisme au bas de la batterie. Ce n’est pas le plus pratique, d’autant que l’embout de recharge, lui aussi magnétique, a tendance à se charger en limaille en traînant dans un atelier… En neuf mois d’utilisation et près d’une quarantaine de cycles de recharge partiels ou complets, l’état de santé de la batterie est de 98 % selon l’outil diagnostic Fantic. Soit une capacité énergétique réelle de 617 Wh, une incidence négligeable sur l’autonomie après 1 500 km d’utilisation. En fonction du terrain, du dénivelé et des modes d’assistance utilisés, on a ainsi pu rouler sans stress de 40 à 60 km, mais les 630 Wh peuvent se vider en 30 km d’utilisation intensive… voire en 80 ou 100 bornes pour les amateurs du mode Eco ! L’autonomie du Fantic est donc dans la moyenne actuelle des VTTAE à grosses batteries (+ de 500 Wh). À deux reprises, après un lavage sans doute trop prononcé (mais pas au Kärcher), la partie électrique nous a fait des misères, l’ensemble refusant de se mettre sous tension. Le problème a été résolu en ouvrant le carter moteur plastique côté gauche (donc démontage de la manivelle), puis en soufflant de l’air comprimé, puis au sèche-cheveux autour des connexions électriques. Cette sensibilité au lavage est surprenante sur un moteur pourtant normé IP56, mais il faut noter que nous n’avons jamais eu d’ennui de ce genre en roulant, que ce soit sous de grosses averses ou lors de traversées de gué. La perte du petit capuchon en caoutchouc de la commande d’affichage de l’écran n’a pas engendré davantage de soucis. Nous n’avons d’ailleurs jamais eu à faire face sur cet essai à un code erreur, en dehors de ce souci après lavage. Le support d’aimant, en plastique et fixé sur les vis du disque arrière (ce qui est bien mieux que sur un rayon), a néanmoins fait des siennes : il s’est fendillé, se collant alors au capteur. Une réparation “maison” à l’aide d’une petite plaque en renfort, sommairement découpée dans une feuille d’alu, a résolu
cette faiblesse : ça n’a plus bougé. Le capteur de roue et son câble sont eux parfaitement protégés derrière la patte de maintien de l’étrier de frein arrière. Bien vu ! Le Fantic XF1 Integra 160 Race ainsi optimisé nous a laissés tranquille plusieurs mois, roulant l’esprit détendu en dehors de quelques crevaisons, profitant de ce moteur Brose Drive S Mag puissant, mais aussi très progressif et naturel avec un capteur de couple bien calibré. On lui reproche parfois de prolonger un peu trop son assistance en relâchant l’appui sur les pédales – un avantage ou un inconvénient selon la phase de pilotage ! –, ou encore de réduire l’assistance un peu trop tôt sur les sommets de côte en cabrant… Sans parler de son mode Walk inutilisable tant il est inefficace. Puis, vers 1 150 km, quelques bruits mécaniques sont apparus sur le moteur, comme un roulement grippé, principalement audible en pédalant à l’envers. Après divers échanges avec le service technique Brose en Allemagne, celui-ci nous a indiqué qu’il était possible de continuer à rouler ainsi, mais qu’il faudrait envisager un entretien du moteur en SAV. Les bruits ont miraculeusement disparu en quelques sorties, puis sont parfois réapparus, sans incidence sur le fonctionnement moteur et ses performances. Puis, à 1 499 km, c’est une rupture brutale de courroie qui a mis prématurément fin au test. Plus d’assistance, moteur bloqué en reculant et qui s’emballe en sifflant dans le vide si l’on tente de pédaler. On a tout de même pu rentrer en pédalant moteur coupé. Fin de partie. Game over.
Bilan malgré tout positif
Au moment de tracer un bilan à l’issue de ces neuf mois de test, il demeure malgré tout positif. Certes, les problèmes de transmission puis de moteur ne nous ont pas épargnés, mais ce Fantic Integra FX1 160 Race reste un vélo auquel on s’attache, une petite bombe dans les sentiers, un grimpeur efficace et un descendeur performant, le tout avec un style italien, une originalité et une finition qui ne laissent pas indifférent. Le Fantic en luimême ne présente pas de défaut majeur, même si son équipement périphérique peut être plus cohérent côté transmission sur un vélo de cette gamme de prix, 6 490 euros. Les casses ou pannes moteur ne sont pas le seul apanage de Brose, cela arrive chez tout le monde, Bosch, Shimano, Yamaha ou autres. L’essentiel est alors le service apporté au client, la réactivité du motoriste à corriger ces erreurs, à assurer la prise en garantie, à celle du revendeur et du distributeur à réduire au maximum l’immobilisation du vélo. Avec un moteur neuf échangé sous garantie en moins de dix jours, une mise à jour logicielle qui corrige la faille de courroie et une transmission plus en accord avec le programme enduro de ce modèle, notre Fantic est désormais prêt à retrouver les single-tracks !