Cap au Sud
à Vence (06) et sa région
Idéalement située entre air marin et plateaux surplombant la Méditerranée, la région vençoise regorge de parcours mêlant dénivelé, portions techniques et paysages variés. Pour rouler aux saisons transitoires, on a tenté d’apprivoiser une nouvelle manière de piloter pour faire face à ces terrains escarpés.
Il y a de ces jours où l’envie de soleil irrépressible nous faciliterait la tâche lorsqu’il s’agit du choix vestimentaire pour braver les éléments. Et pour répondre à cela, il y a des endroits qui s’y prêtent plus que d’autres. Aux périodes printanières et automnales, les plus propices pour le vélo, le cap au sud, et plus particulièrement à Vence, dans le département des Alpes-Maritimes, mérite d’être sélectionné. Idéalement situé en bord de Méditerranée pour poser ses roues à la fin de l’hiver ou poursuivre les bonnes sorties à l’automne, le terrain de jeu est immense et les panoramas finissent de vous convaincre si vous aviez encore des doutes sur l’emplacement. Pour découvrir les meilleurs spots du coin, nous étions accompagnés de guides de premier ordre avec Karim Amour, le team manager de l’équipe d’enduro BH, accompagné de son pilote Alex Cure. On vous avoue que ça nous mettait presque la pression de rouler avec de telles pointures. Leurs palmarès parlent d’euxmêmes, puisqu’après une carrière internationale en DH le menant à une troisième place aux championnats du Monde, Karim s’est ensuite orienté vers l’enduro où il a empoché deux titres de champion d’Europe, tandis qu’Alex Cure est parmi les meilleurs Français sur le circuit EWS, avec notamment une victoire devant le gratin mondial sur le prologue de Punta Ala à la première manche en 2013. Ces terres vençoises sont leur terrain d’entraînement quotidien où chaque pierre et chaque racine sont marquées de leurs crampons et nous sommes emballés à l’idée de partager ces tracés. Mais si l’on souhaite profiter de l’ensoleillement, Karim nous indique qu’il ne faut pas rater le créneau horaire de départ.
Des paysages variés
En effet, l’avantage d’être au bord de la mer, c’est que l’air marin pousse constamment les nuages, évitant ainsi qu’ils stagnent, mais il y a un retour de bâton. Le coin est en réalité un véritable rempart naturel sur lequel les nuages s’accumulent toute la journée avant de former en fin d’après-midi, à certaines périodes, des orages plutôt conséquents qu’il vaut mieux éviter. L’idéal est souvent de partir en début de matinée, pour garantir une température clémente. Au pire, visez le début d’après-midi, mais avec le risque de tout de même terminer la sortie sous la pluie. Mais avant de prendre la direction du col de Vence, on s’accorde une petite pause « ravitaillement-culture ». En effet, la commune a plusieurs facettes. En plus d’avoir accueilli le célèbre peintre Henri Matisse, la cité est renommée pour son nombre incalculable de fontaines où chacun vient remplir ses bouteilles pour la consommation quotidienne. Pour les VTTistes, il s’agit évidemment de spots parfaits pour remplir sa gourde. Et si vous arrivez à rouler la gourde vide dans la
Si vous arrivez à rouler la gourde vide dans cette région, c’est vraiment que vous l’avez cherché.
région, c’est vraiment que vous l’avez cherché. Le plein réalisé, plusieurs options s’offrent à nous pour rejoindre ce lieu emblématique de la région : emprunter la route du col, large et dans des pourcentages réguliers, ou s’attaquer à plus ardu. L’assistance électrique nous pousse naturellement dans la deuxième option qui remonte la piste de DH du Téléthon. Chaque année, le premier week-end de décembre, des navettes sont mises en place pour permettre aux pratiquants de la région de profiter d’une piste atypique
avec vue sur la mer et permettant par la même occasion de servir la bonne cause, puisque l’intégralité des fonds récoltés est versée au Téléthon. Pour nous, ce sera l’occasion de découvrir la piste d’un autre point de vue, celui de la montée, et ça commence fort !
Terre et mer
La sortie de la ville se fait par un escalier avec quelques sections bien techniques entrecoupées de passages étroits et raides. On retrouve alors des singles plus naturels mais pas moins exigeants. Le début dans la forêt nous permet de souffler un peu mais, rapidement, on attaque les sections plus cassantes. Les épingles et les marches se succèdent sur un sol assez déstabilisant. La région offre l’un des sols les plus fertiles de France pour cultiver les cailloux. Même en conditions sèches, le pilotage est aussi compliqué à la montée qu’à la descente, et l’on n’atteint pas toujours la destination souhaitée. Nos réglages, ceux que nous utilisons dans les Alpes, sur une terre meuble, ou du moins bien plus indulgente que les rocs acérés qui nous font face ici, ne sont pas du tout adaptés. Il faut totalement revoir nos pressions de pneus et de suspensions. Ici, le SAG doit être bien plus conséquent pour encaisser ces tumultes virulents et incessants associés à un rebond assez dynamique pour enchaîner sur les aspérités, tandis que les pneus doivent garder une pression assez conséquente pour éviter au maximum les pincements. Arrivés au col de Vence, nous débarquons sur le plateau de Saint-Barnabé, faisant office de véritable carrefour menant à divers itinéraires. Avant de poursuivre, Karim nous sort un petit encas matinal carrément bienvenu. Une spécialité de la région appelée le craquelin et inventée il y a plus de 90 ans par un pâtissier de la ville. Rien de tel pour remettre le facteur sur le vélo. Ce plateau jonché à plus de 900 mètres d’altitude est vraiment atypique. Sauvage, il aurait presque des airs de Connemara. On se laisse guider par le GR51 pour prendre une descente en direction du village de Courmes. La
les réglages que nous utilisons dans les Alpes ne sont pas du tout adaptés ici.
trace se fait moins large et les cailloux, toujours aussi nombreux, deviennent plus petits et plus agréables à rouler, nous redonnant davantage de libertés dans le placement des roues et le choix des trajectoires. Pour préserver ces chouettes traces, Karim nous entraîne dans son sillage et nous invite à bien respecter les traces pour ne pas mordre l’intérieur des épingles. Ces dernières, nombreuses, viennent s’intercaler à la suite de portions rapides mais parfois sinueuses, nous incitant à longer la montagne. Au fur et à mesure, la végétation basse et éparse laisse place à une présence d’arbres plus dense qu’il convient d’esquiver en exagérant les déplacements du vélo. Arrivés à Courmes, située à environ 620 mètres d’altitude, nous en profitons pour refaire le plein d’eau. Village typique de la région, gravitant autour d’une petite place centrale ombragée par un vaste chêne, nous constatons qu’en plus d’être un arrêt bien connu des cyclistes du coin, cet endroit donne accès ensuite à des lieux réputés pour le canyoning. Il reste la moitié de la batterie pour réaliser une ascension nous permettant de basculer à nouveau sur Vence. Et cette autonomie va être mise à rude épreuve puisque la montée débute par une succession de marches rocailleuses et escarpées ne laissant aucun répit. Nous poursuivons notre effort nous conduisant à un chemin en balcon surplombant les gorges et offrant de magnifiques panoramas sur les environs, avant
d’entamer la dernière portion. Nous longeons alors une crête en bordure du plateau de Saint-Barnabé pour virer à droite en direction du Puy de Tourrettes.
Par monts et par vaux
À partir d’ici, il n’y avait autrefois pas de chemin mais les passages réguliers de piétons, vélos et autres usagers ont créé une trace dessinant deux épingles dans un bois isolé, avant de poursuivre par un single linéaire continuant droit dans la pente. Non répertorié sur les cartes de la région, on retrouve cependant un chemin typique du sud, empierré et technique, imposant souvent des franchissements aléatoires. Après des efforts conséquents, le sommet nous tend les bras avec un point de vue culminant à 1 270 mètres d’altitude. Ainsi perchés, nous avons un panorama à 360° duquel nous apercevons le parc national du Mercantour mais également Vence et la mer Méditerranée. Nous redescendons quelque peu avant de suivre une crête pour nous avancer en direction de la mer. En contrebas, la légende raconte qu’on peut trouver une épave d’avion mais hélas, trop grisés par la vitesse et les relances, nous ne sommes pas allés le vérifier par nous-mêmes. Arrivés au Puy de Naouri, nous prenons conscience du potentiel de chemins disponibles, c’est franchement exaltant. L’embarras du choix se présente devant nous et nous choisissons un single joueur et roulant
avec une adhérence nous rappelant nos contrées. Enfin un peu de répit ! Car on s’est vraiment fait brasser. Nos bras et nos mains s’en rappellent encore ! Le long d’un ruisseau, le Malvan, la trace est de toute beauté. Il suffit de relever un peu le regard pour se rendre compte que nous descendons face à la mer. Il faut cependant maintenir la concentration sur le pilotage car les pièges sont nombreux. Avec les orages récurrents, l’eau ruisselle brutalement sur ces pentes et dessine de profonds sillons dans lesquels il ne vaut mieux pas planter la roue avant. Cet itinéraire que nous suivons est également empruntable dans le sens de la montée.
Ce petit coin de Provence a vraiment de nombreux atouts à faire valoir.
Quelques portions nécessiteront de pousser le vélo, mais rien de très pénible. Une alternative est possible cependant, depuis le Puy de Tourettes. Au lieu de poursuivre légèrement à l’ouest vers le Puy de Naouri, il est possible de basculer davantage à l’est. La première partie, très caillouteuse, est une succession d’épingles serrées et ravinées qui peuvent vite s’avérer glissantes en conditions humides. C’est néanmoins très plaisant à rouler lorsqu’on a pris le coup de main. Nous arrivons alors à un restaurant isolé surplombant Vence. De là, nous empruntons la piste de Villars au Caire, large et roulante, qui se poursuit par le chemin des Courmettes. Cette portion représente peu de dénivelé puisque c’est à flanc de montagne, avec toujours une vue parfaite sur la mer. Nous décrochons de cette trace pour bifurquer sur un single qui sera la dernière partie de la sortie. Karim nous prévient que les bras et les cuisses vont chauffer, on risque de se faire brasser. Si un Sudiste nous dit cela, on se dit qu’il vaut peut-être mieux augmenter notre marge de manoeuvre. Notre guide du jour ne nous a pas alarmés pour rien, cette descente sur Saint-Martin ne laisse guère de répit, l’attention doit être présente à chaque instant pour naviguer au milieu de ces blocs de pierre et autres aspérités aiguisées. Hélas, malgré les avertissements, ce qui devait arriver arriva… Me voilà à plat ! Le moindre relâchement se paie par ce genre de contretemps. Après une rapide réparation (merci Karim !), nous arrivons sur la route nous conduisant à la chapelle Saint-Jean, puis à la tour de l’horloge, dans le village de Tourrettes-sur-Loup. Là encore, nous
sommes immergés dans un village caractéristique du coin, tout en pierre, perché contre la montagne, aux ruelles étroites et sinueuses découpées par une multitude d’escaliers. Cette descente urbaine a son charme et nous laisse profiter encore quelques instants du panorama, tout en nous proposant les derniers moments ludiques. Arrivés à Vence, dos à la mer, nous prenons le temps d’apprécier le relief que nous venons de parcourir sur notre e-bike. Nous distinguons ainsi trois montagnes. D’est en ouest, Karim nous indique le Pic des Courmettes, le Puy des Tourettes et le Puy de Naouri. Si vous pouvez faire le détour dans ce coin provençal, d’autres secteurs ont des atouts à faire valoir. Le bois de la Sine sera également un endroit judicieux où poser ses roues, avec du dénivelé permettant d’accéder à de jolies portions qui serviront de support pour la première épreuve du championnat départemental d’enduro en 2021.