Canyon Spectral: ON 8.0 - 22,15 kg* - 5 199 €
* Poids eBike en taille L sans pédales
Au moment de craquer pour un VTTAE, sauf à être Crésus, son prix reste un élément décisif. Alors, entre un Canyon Spectral 9.0 à 6 199 euros et un 8.0 à 5 199 euros, votre coeur peut balancer. Reste à savoir ce que cachent les 1 000 euros d’écart entre ces deux versions du fer de lance allmountain/enduro électrique, au triangle avant carbone, de la marque de Coblence. Sur le 9.0, le plus haut de gamme de notre face-à-face, vous disposerez du cintre cockpit intégré maison tout carbone, d’une paire de roues carbone Reynolds TR (comptez 1 200 euros environ, prix public), d’un groupe complet Shimano XTR freins et transmission 12 vitesses (environ 1 200 euros prix public, contre moitié moins pour son homologue XT installé sur le 8.0), d’un ensemble de suspensions Fox Factory (1 850 euros environ, soit quelque 600 euros de plus que la déclinaison Performance du 8.0) et d’une tige de selle Fox Transfer (300 euros environ). Un équipement qui impacte l’addition, mais aussi la balance, quoique peut-être pas autant qu’escompté. En effet, en dépit du recours plus généralisé au carbone, seuls 700 grammes séparent le 9.0 du 8.0. En revanche, il dessine un comportement dynamique bien différent sur le terrain !
Afin de le souligner, nous avons demandé à quatre lecteurs-testeurs de se prêter à un petit jeu : rouler ces deux vélos sur le même parcours-test sans toutefois chercher à les détailler au préalable. Pas de présentation en bonne et due forme, mais un maximum de retours de sensations dans les situations variées rencontrées : montées roulantes sur lesquelles tester la capacité de pédalage dans les modes Off et Éco, grimpettes techniques dans les cailloux, descentes raides ou ponctuées d’épingles. Bien sûr, quelques coups d’oeil auront suffi à identifier les éléments XTR et Factory pour les connaisseurs. Malgré tout, le but était bien de rouler ces Canyon avec l’esprit aussi vierge d’informations techniques que possible. Alors, ces 1 000 euros, en selle, ça donne quoi ?
Deux prises en main différentes
Ça donne d’abord deux approches très différentes de la mise en selle, justement ! Avec son renvoi ultra-précis des informations terrain lié aux roues et cintre carbone, le Spectral CF 9.0 demandera davantage de minutie dans les réglages. Surtout que, des possibilités d’ajustement, les suspensions Fox Factory n’en manquent pas ! Comptez sur la Fox 36 Float Factory à cartouche Fit4 de quatrième génération et ses options (jusqu’à 22 clics de réglage de la compression basse vitesse en mode ouvert) permettant de jouer notamment sur la précontrainte, la détente, la compression hautes et basses vitesses et le rebond pour coller au plus près au style de pilotage, au poids du pilote et à l’environnement rencontré. Si la palette est large, le site officiel (www.ridefox.com) permet de s’y retrouver assez facilement et donne les grandes
Pour 5 000 euros, le Spectral: ON vous emmènera loin dans votre pratique.
lignes des réglages préconisés pour chacun de ces points. À l’inverse, et contrairement au poste de pilotage maison du 8.0, le cockpit Canyon du 9.0 à la potence et au cintre intégrés n’offrira, lui, qu’une possibilité d’adaptation en hauteur (en jouant sur les entretoises). Alors mieux vaut se sentir à l’aise avec l’inclinaison du guidon et les 50 mm de la potence ! Plus tolérant (« moins précis », diront les adeptes de l’ultra-rigidité), le 8.0 demandera moins de matière grise et d’ajustements en cours de route pour l’adapter à votre goût. Saluons toutefois, pour l’un comme pour l’autre de ces modèles, le choix de Canyon de proposer des montages complets en suspensions, en freinage comme en transmission. Une garantie d’optimisation du fonctionnement de ces groupes, aux pièces véritablement conçues et travaillées pour fonctionner ensemble.
Côté motorisation, Canyon a fait confiance à Shimano avec son Steps E8000 alimenté par une batterie 500 Wh (mais fourni avec un chargeur de moins de 2 A, qui rend vraiment longue la recharge complète du vélo !), dont l’assistance s’organise selon les trois modes désormais bien connus : Éco, Trail et Boost, paramétrables via l’application E-Tube.
Dans les descentes, ça donne quoi ?
Pour son Spectral électrique, Canyon a fait le choix d’une configuration “mulet”, avec roue de 29 pouces à l’avant et 27,5 à l’arrière. Une combinaison reconnue pour tirer le meilleur parti entre le confort et la sécurité à l’avant et la maniabilité à l’arrière. À l’unanimité, nos lecteurs du jour ont salué l’agilité des deux Canyon dans les portions au dénivelé négatif. Dans les épingles, les bases courtes (435 mm) de l’allemand font merveille et se placent avec facilité où elles le doivent. Sur un revêtement typiquement automnal de feuilles mortes et de bonne terre à l’adhérence optimisée par les Maxxis Minion, le flow délivre une sensation réjouissante de ski dans la poudreuse : ça virevolte avec aisance d’un virage à l’autre à l’aide de cet arrière joueur que l’on fait glisser de façon jubilatoire au gré des épingles. « Mais quand ça va un peu plus vite, qu’est-ce que le 9.0 tape ! En bas, j’avais les bras tétanisés ! », souligne Fabien, entraîneur du ski-club de la Clusaz, plus habitué à son cross-country semi-rigide. Effectivement, comme souvent pour les configurations dans lesquelles le carbone prévaut, le 9.0 fait montre d’une rigidité extrême qui se paie cash en termes de confort dans les descentes jonchées de pierres.
C’est ce qu’a noté Hervé, habitué à son Moustache Trail 2 2018 : « Le 8.0 s’est révélé très agréable à la descente, bien mieux que mon Moustache, parce que plus ludique, vraiment sympa ! J’avais l’impression d’une légèreté vraiment marquée, il invite à jouer mais en sécurité, tu peux enrouler, il est tolérant, tandis que le 9.0 est bien plus nerveux, dur, rigide. Pour moi, il est trop “en réaction”. C’est comme en ski,
Plus exigeant, le Spectral:ON 9.0 se réserve à ceux qui aiment les VTT ultra-rigides.
les modèles très haut de gamme te démontent et te donnent le sentiment de t’être fait désosser, de te battre avec. Le 9.0 t’impose un rythme que tu n’as pas forcément envie de soutenir en permanence. Je me suis même arrêté une fois car les vibrations aux poignets étaient trop importantes ! » Mêmes impressions pour Mélanie, qui roule habituellement sur un Canyon Neuron:ON 7.0 en mode loisir, et a fait une pause en pleine descente au guidon du 9.0 pour économiser un pouce devenu douloureux. Pour elle, la précision du haut de gamme et du carbone à plus large échelle s’est transformée en une plus insécurisante vivacité dans les descentes.
« Je me suis sentie beaucoup plus à l’aise avec le 8.0 ! Plus tolérant, il pardonne beaucoup plus les traces moins précises. À son guidon, j’avais l’impression d’être plus en sécurité, en confiance et en contrôle, moins chahutée. Le tout sans forcément perdre en précision, parce que j’ai réussi à le placer où je le souhaitais… » Une impression d’aisance renforcée par le débattement bien plus important de la tige de selle télescopique du 8.0 : 150 mm contre un incompréhensible 100 mm pour la Fox Transfer de notre 9.0, pourtant tous deux en taille L !
Et quand ça monte ?
Étagés pareil, les modes de nos montures ont pourtant laissé des impressions différentes à nos lecteurs : « L’Éco et le Trail m’ont semblé très proches sur le 8.0, tandis que sur le 9.0, on peinait plus à sentir le gap entre Trail et Boost », note Hervé. Le mode Eco (poussé d’origine à fond sur les deux Canyon après contrôle sur l’application E-Tube) a, lui, permis de mettre en relief la différence de rendement des deux vélos sur les montées très roulantes. Impressionnant dans la retransmission du coup de pédale suspensions bloquées, le 9.0 lève les inquiétudes en cas de coupure d’assistance, offrant une impression rare avec un e-bike de pédaler avec facilité sur les portions les plus roulantes. Des sections qui ont également permis d’apprécier le confort de la selle Canyon spécifique e-bike, caractérisée par un judicieux petit bourrelet… dans lequel il ne faut toutefois pas se caler quand la pente se redresse.
Selon sa pratique, on choisira dans la gamme la plus adaptée, qui n’est pas forcément la plus chère !
En effet, le poids basculé davantage sur l’arrière accentue alors l’allègement de l’avant favorisé par la configuration mulet, rendant la roue directionnelle encore plus volage. « Dans les portions les plus raides, je devais vraiment basculer sur l’avant pour garder la roue au sol », observe Hervé. Une tendance commune aux deux modèles, mais plus prononcée sur le 9.0 en raison de ses éléments carbone. À la recherche d’une solution pour pallier cette vivacité contre-productive, nous avons dû fermer les suspensions afin d’éviter l’affaissement de l’amortisseur ( qui, ouvert, génère un phénomène de bascule et renforce encore davantage la tendance au cabrage des Canyon) tout en baissant la pression des pneus à 1 kg (mais ce qui obligeait à regonfler avant les descentes), et en nous mettant sur le bec de selle le plus possible, afin de préserver la motricité et de coller davantage l’avant au terrain. Cette option, plus volontiers envisageable dans des contrées hautsavoyardes où de longues montées alternent avec de bonnes descentes, nécessite alors de s’employer physiquement en selle ; la montée se transforme en un véritable exercice de mobilité autant que d’équilibre. Pas inintéressant et amusant, quoique ça laisse malgré tout l’impression de se battre souvent avec le vélo. Le 8.0, lui, plus bonhomme, se fait plus conciliant, et donc plus facilement efficace pour parvenir en haut des sections les plus raides de nos montagnes alpines. Ça tombe bien, parce qu’à pousser et porter, en revanche, les 700 grammes en plus du 8.0 se sentent et que le poids plus léger du 9.0 s’apprécie largement dans ces circonstances ! Ce que l’on appréciera moins, en revanche, ce sont les 165 mm de longueur des manivelles couplés aux 250 mm de garde au sol, qui rendent les montées déversantes délicates à gérer. Ça tape souvent et il faudra s’y habituer !
Et au final, lequel préfèrent-ils ?
Largement plébiscité par nos lecteurs, le 8.0, en plus d’un tarif plus contenu en regard d’un équipement très cohérent et de haute qualité, a séduit par sa facilité de prise en main, son confort et son côté sécurisant, qui permettent de tirer davantage parti des possibilités de ce Spectral, aussi bien en montée qu’en descente. Résolument plus élitiste en raison de sa rigidité et de sa réactivité extrêmes, le 9.0 ne sera pas à mettre entre toutes les mains. À son guidon, il vous faudra le dompter et les coups de moins bien autant que les erreurs vous seront moins pardonnés.
À vous de voir alors si vous préférez un vélo façon “bon camarade”, qui vous invite à progresser à votre rythme, ou un étalon pleins papiers plus rétif, au caractère bien trempé. Pour nous, en revanche, « la question, elle est vite répondue », et le 8.0 remporte majoritairement nos faveurs.