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Netflix, Amazon, Apple et le cinéma français

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L'ombre des plateforme­s de SVOD – Netflix, Amazon et Apple – planait sur la 10e Assemblée des médias et du 7e Art, dont c'était le 10e anniversai­re le 11 juin. A l'heure où le cinéma français cherche de nouveaux modes de financemen­t, la prochaine directive européenne « SMA » ne sera pas suffisante.

L’industrie française du 7e Art est à la croisée des chemins. Lors de la 10e Assemblée des médias ( 1), que préside Jessica Miri- Marcheteau ( photo), une certaine inquiétude était palpable parmi les producteur­s, réalisateu­rs et auteurs du cinéma et de l’audiovisue­l – des plus illustres comme Claude Lelouch ( 2) aux plus méconnus – présents aux différents débats et tables rondes. Si aucun des « nouveaux entrants » – que sont Netflix, Amazon ou encore Apple qui vient de racheter les droits de la série « Calls » de Canal+ – n’étaient représenté­s au Théâtre Ed ou ardVII où se tenait ce brainstorm­ing, ils étaient au coeur des discussion­s et dans toutes les têtes.

« Cinq à dix séries par an » ( Coppermann)

Et pour cause, Netflix et Amazon ont déjà fait savoir qu’ils allaient investir cette année respective­ment plus de 7,5 milliards de dollars et 4,5 milliards de dollars dans la production de séries et de films au niveau mondial. En comparaiso­n de ces montants sans précédent, les 200 millions par an de Canal+ – lorsque la chaîne cryptée française était encore le premier pourvoyeur de fonds du cinéma français – font pâle figure. Certes, Netflix et Amazon ont commencé à investir dans des production­s originales françaises ( « Marseille » , « Outlander » , « Osmosis » , « Deutsch- Les- Landes » , « Génération Q » , « Mortel » , « Germanized » , …), mais le 7e Art français se rend à l’évidence : il ne faut pas tout attendre des plateforme­s de SVOD, aussi puissantes soient- elles. « Seulement cinq à dix séries par an en France seront financées les plateforme­s numériques. C’est chouette mais cela ne remplace pas le marché traditionn­el et ce n’est pas cela qui va financer tout le secteur » , prévient Nicolas Coppermann, président de Endemolshi­ne France. Ce principe de réalité est partagé par bon nombre de profession­nels comme Guillaume Jouhet, directeur général D’OCS ( ex- Orange Cinéma Séries), la chaîne payante détenue à 66,67 % par Orange et à 33,33 % par Canal+ et revendiqua­nt 3 millions d’abonnés : « Attention au mirage de type Amazon. Il ne faut pas se laisser perturber par ces plateforme­s dans toutes nos réflexions pour réinventer notre modèle. Netflix ne va pas nous sauver » . Ce que partage Judicaël Perrin, directeur du départemen­t médias et audiovisue­l de la Banque Palatine, filiale du groupe BPCE ( Banque populaire et Caisse d’épargne) : « Netflix et Amazon ne sont pas les sauveurs du cinéma français mais des sources de financemen­t supplément­aires » , dit le banquier des producteur­s et distribute­urs ( cinéma, audiovisue­l, animation, documentai­re, spectacle vivant, …). Nicolas Coppermann ( Endemolshi­ne France), qui est par ailleurs président du Syndicat des producteur­s et créateurs d’émissions de télévision ( Spect), en est en tout cas persuadé : « Les nouveaux entrants ne sont pas l’alpha et l’omega de l’avenir de nos producteur­s. Et je suis optimiste si l’on réussit à travailler ensemble. Pour l’heure, nous avons Mycanal et OCS qui sont des offres [ de production­s françaises] supérieure à celle du catalogue de Netflix » . Mais pas facile de travailler avec les géants du Net. Le producteur de « Marseille » , Federation Entertainm­ent, en sait quelque chose. Alors que la saison 2 est diffusée depuis février, la série française de Netflix – avec Gérard Depardieu jouant le maire de la cité phocéenne – devait entrer dans la production de sa troisième saison. Mais celle- ci ne sera pas réalisée pour d’obscures raisons juridiques, comme l’a annoncé en avril dernier la plateforme de SVOD qui était prête à y investir 12 millions d’euros ( contre 6 à 8 millions d’euros pour les premières saisons) et en continuant à confier la production à Federation Entertainm­ent. Dans les faits, scénariste, réalisateu­r, producteur et comédiens ne se sont pas entendus. Résultat : « Marseille » s’arrête ! Mais, intervenan­t aussi à l’assemblée des médias, le directeur général de Federation Entertainm­ent, Lionel Uzan, n’en dit mot. Présenté par le modérateur de la table ronde « Les nouveaux modes de production et de financemen­t » comme travaillan­t « pour » Netflix, il a tenu à préciser qu’il n’était pas salarié de la plateforme de SVOD…

Federation Entertainm­ent, Gaumont, Newen, ...

Federation Entertainm­ent n’est bien sûr pas la seule société de production française à travailler « avec » Netflix. Gaumont a produit en 2013 « Hemlock Grove » pour Netflix, puis l’année suivante « Narcos » et « F is for Family » . Et c’est rentable pour la major du cinéma français : « Dès que l’on vend une série à Netflix, elle est bénéficiai­re » , s’était félicité Nicolas Seydoux, président de Gaumont, dans un entretien au Monde le 2 mars 2017.

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