Le cas inattendu de « La Casa de Papel »
Newen Studios, la filiale de production audiovisuelle de TF1, travaille aussi pour Netflix ou Amazon. « Nous produisons la série “Osmosis” pour Netflix. C’est eux qui sont venus nous chercher. [ Et] nous faisons pour Amazon en France la coproduction de la série “DeutschLes- Landes” » , avait indiqué Fabrice Larue, son président, devant l’association des journalistes médias ( AJM) le 15 mars dernier. Edition Multimédi@ lui avait alors demandé si travailler avec Netflix et Amazon ne présentait tout de même pas un risque pour TF1 – dans la mesure où, une fois que les deux plateformes de SVOD se seront inspirées des méthodes de production française, elles pourraient très bien continuer à faire sans Newen. « C’est toujours le problème. Vous avez raison. (…) Ce qu’il faut effectivement, c’est une relation commerciale qui s’installe et où il y ait une juste répartition de la création de valeur » , avait répondu Fabrice Larue, dont la société de production ( composée de Telfrance, Be Aware, Capa, …) est à l’origine de « Plus belle la vie » , « Demain nous appartient » ou encore « Versailles » ( 3).
L’exemple de « La Casa de Papel »
Quoi qu’il en soit, les plateformes mondiales de SVOD apparaissent comme une opportunité à l’exportation pour la production française. « S’il demeure national, le cinéma est mort ! » , lance Jean- Paul Salomé, réalisateur et scénariste, membre de la société civile des Auteurs- Réalisateurs- Producteurs ( ARP) dont il fut président. Et de mettre en garde : « S’il n’y a pas d’exportation de films, il y a effondrement du cinéma comme en Italie ou en Allemagne. L’international est un levier de croissance, alors que le marché français, lui, est arrivé à maturité, et la garantie de nouvelles expositions pour les films » . Selon lui, qui fut aussi président d’unifrance – association presque sexagénaire chargée de la promotion du cinéma français dans le monde, sous la houlette du CNC ( 4) et du ministère de la Culture –, le cinéma français ne doit pas seulement investir au niveau national mais aussi à l’international. « Il faut augmenter la dimension internationale qui est un champ encore peu exploré par le cinéma français » , constate Judicaël Perrin ( Banque Palatine). Guillaume Jouhet, lui, a confirmé QU’OCS va faire des séries internationales. Pour Lionel Uzan, qui travaille avec Netflix via Federation Entertainment, il faut penser et produire local ( histoire locale, talents locaux, chaleur locale, …) sans éluder la question du potentiel global à l’exportation. « Les séries locales permettent aux plateformes numériques de recruter en grande partie des abonnés » , souligne- t- il au passage. Le cas de la série d’origine espagnole « La Casa de Papel » a été citée en exemple à plusieurs reprises lors des débats de l’assemblée des médias. Réalisée par Álex Pina, produite par sa société Vancouver Media et diffusée en 2017 sur la chaîne Antena 3 en Espagne, où elle a rencontré une audience mitigée ( déclin progressif du nombre de téléspectateurs), elle est diffusée depuis avec succès par Netflix dans le reste du monde. La plateforme de SVOD de Reed Hastings a même révélé début avril que « La Casa de Papel » est la série en langue nonanglophone la plus vue, devenant ainsi une attraction mondiale. Comme quoi : une production locale a moins de potentiel localement qu’au niveau international – grâce au streaming et à Internet. « Un phénomène auquel n’échappe pas le marché français. Sur les vingt premières semaines de l’année 2018 ( du 1er janvier au 20 mai), ‘“La Casa de Papel” s’est classée à quinze reprises en tête du Top des programmes les plus consommés, avec notamment une première place maintenue durant neuf semaines consécutives ( du 12 mars au 13 mai). Sans campagne de communication particulière à son lancement, la série a du son succès au bouche- à- oreille et aux réseaux sociaux » , indique le baromètre de la consommation SVOD réalisé par le cabinet d’études NPA Conseil avec Harris Interactive ( 5). Une chose est sûre : les plateformes de type Netflix ou Amazon ont tout intérêt à favoriser les « programmes frais » ( dixit Lionel Uzan) que les fonds de catalogues. Ainsi, le nouveau terrain de jeu des films et des séries est désormais l’international. Au point que Jean- Paul Salomé ( ARP) se demande si le CNC ne devrait pas aussi aider la production internationale plutôt que la seule hexagonale . Q u a n t à N i colas Coppermann ( Endemolshine), il s’interroge sur la pertinence de maintenir au CNC une séparation entre compte « cinéma » et compte « série » . Au niveau européen, la 10e Assemblée des médias et du 7e Art a accueillis avec satisfaction la future nouvelle directive européenne sur les services de médias audiovisuels ( SMA) qui pourrait être votée à l’automne ( 6).
La directive SMA satisfait le cinéma
Cette directive SMA prévoit un quota minimal de 30 % d’oeuvres européennes sur tous les services à la demande en Europe ( de Netflix, à Amazon en passant par Youtube ou Apple), alors que la proposition initiale proposait d’établir ce taux à 20 %. Ces mêmes plateformes vidéo pourront en outre être taxées et obligées d’investir dans la production audiovisuelle et cinématographique, selon le principe du « pays de destination » ( ou pays « ciblé » ) – une brèche dans le principe de « pays d’origine » cher à la Commission européenne et aux acteurs du Net. @