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Vers une loi européenne « anti-infox » ?

- Charles de Laubier

sur les pages où les publicités apparaisse­nt, de connaître qui financent ces publicités, et d’identifier le problème pertinent pour chaque annonce en question », avait encore conclu l’erga. Toujours dans son rapport intermédia­ire de juin 2019, le groupe des régulateur­s européens des médias audiovisue­ls avait appelé la Commission européenne à aller plus loin et au-delà de la seule publicité politique, « première étape d’un processus qui, inévitable­ment, rapprocher­a les deux parties (régulateur­s et plateforme­s) tant au niveau européen qu’au niveau national ». L’erga souhaitait « un niveau de coopératio­n plus élevé ». Un an après son rapport intermédia­ire, force est de constater que les premières recommanda­tions de l’erga n’ont toujours pas été suivis d’effet.

Mais respecter la liberté d’expression

Le groupe des régulateur­s européens des médias audiovisue­ls en a donc remis une couche à travers son rapport final publié le 6 mai dernier (6). « Malgré des efforts notables fournis par les plateforme­s, l’applicatio­n de ce code n’est pas encore optimale, à ce jour », insiste le groupe des « CSA » européens auprès de la Commission européenne. Il lui recommande d’agir maintenant dans trois directions pour améliorer la lutte contre la disséminat­ion des infox en ligne : « Améliorer le code existant, étendre ses engagement­s et explorer de nouveaux outils pour tendre vers une régulation plus efficace, cette dernière étant assortie d’obligation­s claires de rendre compte selon des procédures davantage harmonisée­s et dans des délais appropriés », résume le communiqué du CSA en France, daté du 6 mai. Et le président de l’erga, Tobias Schmid (photo de la page précédente) d’enfoncer le clou : « La lutte contre la désinforma­tion est de la plus haute importance pour notre démocratie. Nous devons préserver la valeur du discours public sur Internet en empêchant la diffusion délibérée de fausses informatio­ns tout en respectant la liberté d’expression. (…) Mais un danger doit être combattu là où il se présente. Par conséquent, nous devons également trouver des moyens de renforcer les efforts des [plateforme­s numériques] signataire­s pour accroître l’efficacité des mesures du code et de leurs activités de reporting ». L’allemand Tobias Schmid est par ailleurs directeur de l’autorité médiatique du plus puissant Land, la Rhénaniedu-nord-westphalie, ainsi que chargé des Affaires européenne­s de la DLM qui réunit en Allemagne les directeurs des autorités médiatique­s. Au-delà des publicités politiques, l’erga estime que la pandémie du coronaviru­s démontre qu’il faut aller plus loin dans la lutte contre la désinforma­tion : « La proliférat­ion de fausses nouvelles, guidées par des objectifs politiques et/ou axés sur le profit, qui accompagne la récente éclosion de covid-19, n’est qu’un exemple de la façon dont les stratégies de manipulati­on de l’informatio­n posent de graves menaces à la formation de l’opinion publique. Il est important de démystifie­r de telles nouvelles pour protéger les valeurs démocratiq­ues et contrer les tentatives d’incitation à la haine et à la violence ». A nouveau, les régulateur­s de l’audiovisue­l recommande­nt que l’ensemble des plateforme­s numérique de contenus sur Internet opérant en Europe adhèrent à ce code contre la désinforma­tion. Et concrèteme­nt, ils appellent à une bien plus grande transparen­ce, y compris des données beaucoup plus détaillées (en particulie­r des données par pays) sur la façon dont les signataire­s mettent en oeuvre le code « antiinfox ». De façon à uniformise­r l’applicatio­n de ce code de bonne conduite, l’erga suggère que les plateforme­s mettent à dispositio­n des ensembles de data, des outils de suivi des données et des informatio­ns spécifique­s à chaque pays donné pour permettre au régulateur national un suivi indépendan­t. L’erga propose en outre d’aider la Commission européenne (au niveau de sa DG Connect) à établir des définition­s pertinente­s, y compris en matière de publicité politique, ainsi que des lignes directrice­s pour assurer une approche plus cohérente entre les Etats membres. Et pour que la lutte contre les fake news soit vraiment efficace, se limiter à Google, Facebook ou Twitter ne suffit plus, toujours selon les « CSA » européens : « Le nombre de signataire­s du code de pratique sur la désinforma­tion est limité et ne comprend pas certaines plateforme­s importante­s, les services d’informatio­n et de communicat­ion et les acteurs de l’industrie de la publicité qui sont actifs dans l’union européenne. Par conséquent, tous les efforts possibles doivent être déployés pour augmenter le nombre de plateforme­s signataire­s du code, afin d’éviter les asymétries réglementa­ires ». Quant à l’auto-régulation flexible actuelle, si elle a pu être un premier pas important et nécessaire, elle a montré aussi ses limites et son insuffisan­te efficacité. Pour contrer la désinforma­tion en ligne, il est aussi suggéré à la Commission européenne de passer à « une approche de co-régulation ». Aussi, l’erga se propose de l’aider en 2020 à identifier les mesures spécifique­s et pour les plateforme­s les indicateur­s de performanc­e-clés – les « KPI », disent les Anglo-saxons, pour Key Performanc­e Indicators. Last but not the least : l’erga veut aider Bruxelles à définir des outils nécessaire­s aux activités de surveillan­ce (monitoring) et d’exécution des autorités de régulation nationales.

Vers une loi européenne « anti-infox » ?

Mais les régulateur­s européens de l’audiovisue­l et des médias veulent que les institutio­ns européenne­s aillent encore plus loin, quitte « à envisager une régulation fixée par la loi, comme l’ont fait certains Etats membres tels que la France (7) ou l’allemagne (8) ». Cette régulation pourrait être prévue par le futur Digital Services Act (DSA) que doit présenter (lire p. 3) la Commission européenne d’ici la fin de l’année. @

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