ÉDITORIAL
La décision de s’impliquer dans un projet, de s’engager dans une action, repose sur deux ressorts fondamentaux. Il faut, en premier lieu, se sentir concerné par une situation, une injustice, un état du monde ; et il faut penser, ou croire, que notre implication est utile et surtout qu’elle a un sens. La situation actuelle n’est certes guère favorable à la manifestation de ces deux conditions. Confrontés à des situations apparemment sans solutions (le chômage, la précarité, les flux migratoires, le terrorisme), la tentation est forte de détourner le regard, de rester spectateur, non pas par indifférence ou par manque de compassion, mais parce que l’on est convaincu que, de toute manière, notre implication est vaine, qu’elle n’aura aucun effet, que notre action ne fera pas changer les choses.
Le yoga apporte une réponse à cette crise de l’action, qui est avant tout une crise de confiance. Et cette réponse consiste à lier étroitement l’action sur le monde et l’action sur soi. La célèbre maxime de Gandhi – « soit le changement que tu veux voir dans le monde » – exprime ce lien de manière synthétique et intense. On ne saurait obtenir un changement dans le monde si on ne sait pas en premier lieu changer son comportement, sa manière d’être, son coeur. Et l’objectif poursuivi par le Mahatma n’était pas des moindres : affranchir son pays d’un joug colonial pluriséculaire ! Gandhi avait compris l’incroyable puissance de la force morale, de l’exemple incarné dans les comportements de chacun.
La pratique du yoga, en nous mettant en contact avec notre intériorité, en nous aidant à comprendre qui nous sommes vraiment et en nous confrontant à nos forces et à nos faiblesses, nous apprend de manière incarnée le sens de l’implication, donne une perspective concrète à l’engagement. Nous constatons que l’engagement dans la pratique a des effets sur notre corps, sur notre mental, sur nos pensées, sur notre manière d’être et d’agir.
Alors progressivement, une conviction se fait jour, une nouvelle force apparaît en nous, une certitude s’installe : non, notre implication dans le monde n’est pas vaine ; oui elle est utile ; oui elle a un sens, même quand elle ne fait que changer les choses de manière infinitésimale. Le yoga nous apprend, avec humilité, à notre échelle, pas à pas, à devenir et à vivre le changement que nous voulons voir dans le monde.