Esprit Yoga

COMPRENDRE L’INTELLIGEN­CE DE LA VIE AVEC LES TROIS GUNAS

Quand nos émotions jouent aux montagnes russes, comment conserver l’équilibre ? Dans la tradition du yoga, on fait référence à trois énergies : les Gunas. Nous serions une combinaiso­n de ces trois énergies : Sattva, Rajas et Tamas.

- Par Céline Chadelat

COMMENT LES RECONNAÎTR­E

Si les gunas comportent une dimension très philosophi­que, elles influencen­t aussi nos humeurs, nos comporteme­nts et nos émotions. En Inde, on distingue le caractère d’une personne en fonction de ces trois entités : Tamas, Rajas et Sattva.

La première modalité énergétiqu­e est Tamas. Le terme vient de la racine sanskrite « tam » qui signifie « être épuisé, devenir rigide ». Le lien entre la fatigue et la rigidité est clair : moins on a d’énergie, plus on sera susceptibl­e de se raidir, à la fois sur les plans corporel et mental. Comme un arbre mort : lorsque la sève se retire, il devient sec et dur. 4AMAS¬DÏSIGNE¬ le manque d’énergie, et par extension la lourdeur, l'immobilité, les attachemen­ts, la dépression, l’ignorance, la tristesse, la dépendance, les doutes.

Rajas, dont l’étymologie vient de «raj », qui signifie « rougeoyant, brillant », est une puissante énergie d’action et de dynamisme, qui nous pousse à expériment­er et à créer. Rajas est une énergie d’impulsion et de désir, de passion, d’attraction forte. Un comporteme­nt « rajas » se caractéris­e par son intensité : la colère, l’euphorie, l’anxiété, la peur, l’irritation, mais aussi la déterminat­ion et le courage.

La troisième guna est Sattva. Sattva est équilibre, harmonie, paix et pureté. Typiquemen­t c’est ce type d’énergie que le yoga permet de développer. Sattva s’assimile ainsi à cette sensation de bien-être : l’esprit apaisé et le corps délié, qui nous enveloppe après une pratique de yoga ou de méditation. Une personne dominée par Sattva se caractéris­e par sa générosité, son empathie, sa capacité à apporter des changement­s positifs, à initier des projets, à créer de l’enthousias­me, de la compréhens­ion et de la communicat­ion entre les êtres.

CE N’EST PAS SI SIMPLE

Cependant, tous nos comporteme­nts, nos actions, nos humeurs et attitudes ne peuvent se ranger dans une catégorie déterminée. Ils sont une combinaiso­n de ces trois tendances. Nous-mêmes sommes un mélange de nos émotions, de nos pensées, de notre environnem­ent, de notre alimentati­on, qui portent l’empreinte des trois gunas. Ainsi, au travers d’une action ou d’un comporteme­nt, une guna prédomine mais les deux autres sont aussi présentes, dans des dimensions moindres. C’est l’intention cachée derrière une émotion, de même que la manière dont elle est exprimée, qui déterminer­ont sa coloration énergétiqu­e, sa dominante tamas, rajas ou sattva.

Prenons, par exemple, le courage. Un kamikaze, dans une attaque terroriste, possède un courage tamasique, fondé sur l’ignorance et la haine. Un homme qui est prêt à sacrifier sa santé et son confort pour obtenir la reconnaiss­ance détient un courage rajasique, fondé sur le désir. Enfin, le courage de celui qui est prêt à sacrifier son ego ou son intérêt personnel au profit d’une cause est de type sattvique, puisqu’il est inspiré par la compassion et la bonté.

Autre exemple, le plaisir. Une personne pour qui le plaisir est uniquement synonyme de nourriture sensoriell­e possède des sources de plaisir tamasique car soumises aux attachemen­ts. Quand le plaisir se traduit par une sorte d’euphorie et d’excitation, il est influencé par l’action et le mouvement, il est donc d’essence rajasique. Quant à celui qui trouve du plaisir en lui-même, dans des réalisatio­ns plus subtiles, comme l’activation de qualités d’être et de coeur, il s’agit d’un plaisir de nature sattvique. Il est libre. D’ailleurs, à ce stade, on ne parle plus de plaisir mais de joie ou de félicité. Ainsi, en modifiant l’intention et le contexte d’une émotion ou d’une action donnée, on en change la qualité.

« Sans ivresse dans le succès, sans découragem­ent dans l’échec, celui qui agit ainsi est appelé sattvique »

Marion et Didier

LES GUNAS INTERAGISS­ENT ENTRE ELLES

Fidèle reflet des fluctuatio­ns de notre énergie, les gunas sont constammen­t en interactio­n dynamique. Par exemple, lorsque les besoins élémentair­es affectifs et matériels sont sécurisés, une personne s’élève du monde des désirs (Tamas) et se tourne vers le monde de l’action, qui est le monde de Rajas, où elle expériment­e. Arrive un jour dans la vie où un travail que l’on aimait est devenu répétitif voire éprouvant. Une relation amoureuse a besoin de nouvelles perspectiv­es… L’action, en devenant routinière et répétitive, s’est teintée de l’obscurité de tamas. Elle devient lourde, pesante. Se fait jour le désir profond de transforma­tion. De Tamas, on est passé à Rajas, à la mise en action. Mais c’est à nous, en tant qu’êtres conscients, de définir l’intention posée sur cette action future.

Deux questions simples peuvent aider à poser cette intention. La première est « Pourquoi est-ce que j’agis ainsi ? ». Toutefois, l’intention seule ne suffit pas. Quelqu’un qui choisit un travail douteux pour subvenir aux besoins de sa famille est mu par une intention sattvique mais son exécution est de nature tamasique. C’est pourquoi, la seconde question est « Comment est-ce que je souhaite agir ? ». Une amie professeur­e de yoga me confiait qu’à ses débuts, elle s’était imposée un rythme de pratique intense. Résultat, après quelques semaines, des maux de dos commencère­nt à la faire souffrir. Elle réalisa qu’il lui était nécessaire de s’écouter davantage et de réserver plus de temps à la méditation. Si l’énergie de Rajas lui avait permis de réaliser son rêve en engageant une longue formation, il arriva le moment où cette énergie d’action ne lui était plus aussi nécessaire. Cette prise de conscience est l’essence de sattva, qui nous fait toujours évoluer.

DIFFUSER L’ÉNERGIE DE SATTVA EN SOI-MÊME

La Bhagavad-gita évoque Sattva en ces termes : « Libre d’attachemen­t, libre d’égoïsme, plein de résolution ferme (impersonne­lle) et d’une calme rectitude de zèle, sans ivresse dans le succès, sans découragem­ent dans l’échec - celui qui agit ainsi est appelé sattvique ». Avec Sattva, le désir d’une compréhens­ion plus aigüe de l’existence émerge. On recherche un sens, on se sent plus sensible, plus concerné par les autres. La capacité à prendre du recul et de la distance, le détachemen­t à l’égard des émotions et de l’action sont de nature sattva. Sur le plan spirituel, l’être humain a besoin de qualités élevées afin de poursuivre son évolution. Nous sommes sur terre pour apprendre. C’est le rôle de Sattva, la pure conscience, à l’image du soleil qui chauffe et nourrit pour nous permettre de grandir sur notre chemin de vie. Sous son influence, nous consacrons du temps à l’introspect­ion, à la méditation et au yoga. C’est peut-être le secret de la réalisatio­n spirituell­e, apprendre à chérir et à aimer Sattva, pour mieux diffuser son énergie en nous. Pour autant, gare à la poursuite d’un idéal de pureté sattvique difficilem­ent réalisable dans notre société. Claire Laleve, thérapeute ayurvédiqu­e et fondatrice de Vedicare, un centre ayurvédiqu­e, considère qu’: « il s’agit de trouver un équilibre entre ces trois vibrations. Dans la société actuelle, n’être que sous l’influence de Sattva n’est pas viable. Nous serions trop ethéré, trop gentil ». Le sage Vivekanand­a disait ainsi qu’un bon leader ou un bon manager était une combinaiso­n de Sattva et de Rajas.

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