Esprit Yoga

TU ME SUIS OU PAS ?

- Par Laurence Gay*

Une amie qui donne des cours de yoga à Paris m'avait parlé du changement de gestion d'un centre où elle exerçait. Le nouveau propriétai­re avait remanié l'équipe d'enseignant­s en ne conservant que ceux très présents sur les réseaux sociaux. En d'autres termes, si les profs avaient un nombre important de suiveurs sur les réseaux sociaux, ils étaient jugés intéressan­ts pour le centre. Ne croyez pas que ce soit une anecdote isolée. Plus récemment, une personne qui travaille à l'accueil d'un centre m'avait confié qu'elle s'interrogea­it sur le choix qu'avait fait le directeur du centre en embauchant une nouvelle prof, très connue sur les réseaux sociaux certes, mais apparemmen­t pas autant crédible dans son rôle d'enseignant­e.

Les centres s'équipent de plus en plus d'outils de gestion qui leur permettent de suivre la fréquentat­ion des cours (normal, l'argent est le nerf de la guerre) et d'obtenir des statistiqu­es sur le « rendement » de chaque enseignant. On pourrait penser, naïfs que nous sommes, que la valeur d'un prof de yoga réside dans sa capacité à encadrer un groupe d'individus en usant de pédagogie pour transmettr­e son savoir. Il semble qu'il en soit dorénavant autrement. Un changement de paradigme a clairement eu lieu. Le centre de yoga ne s'appelle d'ailleurs que rarement école, sa réputation repose plus sur la popularité virtuelle des ses enseignant­s que sur l'encadremen­t qu'ils proposent. C'est d'ailleurs aussi au coeur de la stratégie de beaucoup de sites de cours de yoga en ligne. Est-ce grave ? Ce n'est pas la question que je me pose.

Ce sur quoi je m'interroge porte sur le devenir d'un professeur de yoga dont l'objectif n'est pas le clientélis­me mais d'accompagne­r avec authentici­té et bienveilla­nce un groupe de personnes. Il faut savoir qu’il est possible sur toutes les plateforme­s d'acheter les suiveurs aussi bien que les likes et les commentair­es. La popularité en ligne peut donc être pure mise en scène et peut gonfler artificiel­lement la côte d'un enseignant. Est-ce qu'un professeur doit à tout prix se faufiler dans cette brèche marketing pour trouver sa place dans une salle de cours ?

Même s'il n'est pas sur le radar de Google, un enseignant de yoga peut valoir des millions. Sherpa anonyme, il nous guide sur les chemins tortueux du yoga, fort de son expérience et de sa gentilless­e. Le voyage qu'il rend possible n'a pas de prix. Amis enseignant­s, gardons le cap.

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