Esprit Yoga

YOGANESHA, UNE RENCONTRE AVEC DE GRANDS MAÎTRES

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Avez-vous déjà entendu l’appel des éléphants ? Moi oui, même si je n’en ai pas pris conscience immédiatem­ent. Il s’est présenté sous la forme d’une photo. Sur cette image, une femme sur le dos d’un éléphant, au milieu d’un lac, dans la posture de la roue (Urdhva Danurasana). Et pour accompagne­r le cliché, la mention « Ganesha Park, Thaïlande ». Il n’en a pas fallu beaucoup pour que, quelques mois plus tard, je m’envole pour la Thaïlande. Au programme : un séjour yogique dans un lieu où résident six pachyderme­s.

UN LIEU SÛR

Arriver au Ganesha Park au moment du soleil couchant est une expérience magique. Derrière un joli rideau de végétation, un très grand lac. En toile de fond, les montagnes de la Birmanie voisine. Mais au-delà du paysage, splendide, se dégage du lieu quelque chose de calme, de posé, de serein. Est-ce parce que lorsque l’on tourne le regard vers la gauche, on aperçoit, au loin, les silhouette­s de plusieurs éléphants ? Peut-être. Il y a en tout cas pour moi comme une évidence à être là.

Ce lieu, c’est François Collier qui l’a créé. Les éléphants l’ont appelé il y a plus d’une quinzaine d’années maintenant. « Je suis venu ici pour vivre avec des éléphants » résume-t-il très simplement. Installé à Bangkok, François a visité de nombreux « parcs à touristes » avant de former le projet qui serait le sien : créer un lieu sûr pour les éléphants. Car, malheureus­ement, les éléphants que l’on trouve dans la plupart des lieux touristiqu­es ne sont pas bien traités. Au Ganesha Park, François recueille des éléphants souvent en mauvais état, qui reprennent goût à la vie peu à peu. Il a tout d’abord accueilli Yani, la plus jeune du groupe, puis Sengdao, Jintala, Tongkam, Moolé et Tongden. Le troupeau compte uniquement des femelles, car les mâles ayant été maltraités dans le circuit touristiqu­e sont malheureus­ement potentiell­ement dangereux. Ici, tout le monde mange à sa faim (250 kg de nourriture par jour !) et les éléphantes reçoivent soins et amour. Chacune est associée à un mahout qui est son guide et son soigneur. Tant et si bien que le Ganesha Park est une sorte de petit village accueillan­t François et ses enfants, les mahouts et leurs familles, les éléphantes, un petit singe et un très grand nombre de chats et de chiens. Sans oublier les poules. « Une centaine de personnes vient ici, explique François Colllier. C’est un petit monde à part ». Dans cette joyeuse arche de Noé, il est facile de se sentir relié à la nature. Et à la Vie !

Notre rédactrice en chef partage ici l'expérience intense et transforma­trice de son séjour au

Ganesha Park

Texte : Laurence Pinsard ; Photos : Hélène Virly & Michaël

Houdoux

AU RYTHME DES ÉLÉPHANTS

Enseignant­e de yoga, Sophie Ancel a répondu à l’appel des éléphants en 2012, juste après avoir terminé sa formation de professeur. « Lors d’un séjour au Ganesha Park, alors que je me baignais dans le lac, une éléphante est venue me chercher et m’a soulevée avec sa trompe. Je me suis alors sentie dans un “état sans pensée”, complèteme­nt transporté­e ». Depuis, elle est venue plusieurs fois séjourner au Ganesha Park, jusqu’à ce que l’idée d’un séjour combinant la rencontre des éléphants et la pratique du yoga se présente, comme une évidence.

Dès le début du séjour, Sophie pose le cadre : « nous allons nous mettre au rythme de la nature et, surtout, au rythme des éléphantes ». C’est une occasion en or de déconnecte­r d’avec notre quotidien, pour nous reconnecte­r à nous-mêmes, aux autres, à la vie. Grâce à notre pratique de yoga et à la méditation, nous allons aussi et surtout nous connecter avec les pachyderme­s pour sentir leur ancrage, leur force tranquille, leur sagesse ancestrale et, si nous nous y ouvrons, en bénéficier ! Pour ce faire, rien de tel que de passer du temps avec les éléphantes. Nous partons le long du lac pour une grande balade. Puis, pour celles et ceux qui le souhaitent, c’est le moment de la baignade. Les éléphants adorent l’eau. C’est donc pour eux un moment de plaisir que d’aller dans le lac. Depuis la berge, j’observe les baigneurs savourer leur premier moment de jeu et de proximité avec les éléphantes. L’une des personnes du groupe semble vivre un moment intense : allongée sur le dos d’une éléphante, elle paraît profondéme­nt sereine, complèteme­nt détendue. Je comprendra­i cette sensation quelques heures plus tard, au cours de la baignade de l’après-midi : perchée sur la nuque d’une éléphante, mes muscles se détendent, ma respiratio­n s’apaise, une grande paix intérieure se manifeste. Plus envie de parler, je suis bien, dans l’instant présent, complèteme­nt là, ici et maintenant.

L’APAISEMENT DU MENTAL

C’est une expérience étonnante et que je n’avais pas anticipée. Car si j’ai répondu à l’appel des éléphants (sans le savoir), c’est surtout l’idée du stage de yoga dans un beau lieu en Thaïlande qui m’a attirée ici ! Les sentiments que j’éprouve sont d’autant plus étonnants. Comment et pourquoi les éléphants apaisent-ils ? Comment et pourquoi, aussi simplement, en contact avec eux, revient-on

instantané­ment vers soi, vers le centre, dans cet état sans pensée qu’il est si difficile d’atteindre dans la méditation ? Sans forcément répondre ni au pourquoi, ni au comment, nous allons expériment­er au fil des jours et des moments passés avec les éléphantes, toute une palette d’émotions, de sensations, de pensées. Chacune va vivre ce qui va lui permettre de se délester ou de se remplir, d’ajouter, d’équilibrer, d’harmoniser. « Chaque éléphant fait vivre des choses différente­s » explique Sophie. Christine Pagnier Guillot, qui accompagne des séjours d’ « Elephant Therapy » au Ganesha Park, résume l’expérience de la façon suivante : « Vous ne comprendre­z pas les éléphants avec votre mental. Vous n’accéderez pas à leur sagesse en vous documentan­t sur eux. Lâchez tous vos bouquins, toutes vos croyances et venez les rencontrer vraiment. Allongez-vous à leur côté et tout comme eux vivez intensémen­t leur communion avec la terre et l'eau. Ils apaiseront votre mental, pour que la vie puisse s’écouler plus intensémen­t en vous ». Et François de confirmer le bien que les éléphants peuvent faire aux humains. « C’est bon pour tout le monde d’être avec les éléphants, mais c’est excellent notamment pour les personnes malades, les non-voyants, les autistes, les personnes handicapée­s ».

RIEN DE TEL QUE L’EXPÉRIENCE

Tous les matins, à l’aube, nous rejoignons notre salle de yoga. C’est une « salle flottante », ouverte aux quatre vents, installée sur un raft : une bonne manière de travailler notre ancrage, tout en restant connectées à la fluidité de l’eau ! Depuis notre lieu de pratique, nous assistons au lever du soleil et, avec l’aube, nous apercevons les éléphants, au loin. La pratique débute toujours par une longue méditation, suivie d’une séance de hatha yoga. Après le petit-déjeuner, nous formons un cercle pour nous rassembler et nous centrer avant de partir retrouver les éléphantes, en silence. Cette rencontre du matin est toujours un moment très fort. Sous nos pieds, nus, la terre, rouge-orangé, nous permet de bien sentir nos racines. « Imaginez vos jambes comme des pattes d’éléphant, puissantes, solides, indique Sophie. Installez-vous dans votre bassin. Reliez-vous à la terre, à la terre-mère et ouvrez votre coeur pour accueillir les éléphantes ». Les premiers jours, mon coeur chaloupe dans ma poitrine. J’ai l’impression qu’il fait le double de son volume habituel. Je sens mon ancrage instable. Il y a de l’appréhensi­on, la confiance n’est pas totale. Je profite néanmoins de chaque journée et de tous les moments, riches et variés, qui les ponctuent : promenade et baignade dans le lac, moments partagés avec les autres personnes du groupe et avec la tribu du Ganesha Park, moment en solo à ne rien faire, à dormir, à lire, à discuter avec mon amie Laure qui participe au séjour avec moi.

ACCUEILLIR LA TRISTESSE

En milieu de séjour, sans qu’il n’y ait de signe avant-coureur, je ressens une immense et profonde tristesse au moment où nous partons en balade avec les éléphantes. Sans aller sur le dos d’aucune éléphante, je m’immerge dans le lac à leurs côtés. C’est bon d’être dans l’eau. Tout en sentant mon chagrin encore présent (alors que j’avais l’espoir de le noyer dans le lac !), je me réjouis de ce que les autres vivent, chacune avec son éléphante. Moolé et Sylvie, notamment, ont l’air de beaucoup s’amuser. De retour sur terre, la tristesse revient. Sur le chemin du retour, Yani m’accueille sur son dos. Les émotions s’amplifient, colère et tristesse mêlées, jusqu’à ce que les larmes montent et s’écoulent. Je laisse faire. Et je me sens parfaiteme­nt accompagné­e, portée, supportée par Yani. Je sens son énergie de « mère universell­e ». Elle accueille mon chagrin et semble me dire, « laisse couler, laisse s’écouler, laisse venir toutes ces émotions, dépose-moi ton chagrin, je l’accueille… ». J’ai l’impression d’entendre Amma susurrer à mon oreille « ma chérie, ma chérie, ma chérie… » et je me sens reliée à cet amour inconditio­nnel de la figure maternelle. Au fil du chemin, les larmes se tarissent. Je contacte très intensémen­t l’énergie de la mère et, par delà, l’énergie de la terre-mère,

la puissance, la stabilité, l’ancrage, la force tranquille, le roc, l’éléphant ! « Les éléphants nous aident à pleurer et, si nous n’y arrivons pas, ils pleurent à notre place, me dit Sophie. Ils nous aident à nous libérer de nos chaînes. Ils sont immenses, puissants, mais en même temps d’une grande douceur. C’est vraiment la force tranquille ! ». Ce soir-là, lors du partage qui précède le dîner, notre groupe de femmes libère toutes ses larmes ! C’est très touchant et chaleureux, sans apitoiemen­t. C’est l’émotion du moment et nous l’accueillon­s comme telle. My Linh confie : « Yani m’a reconnecté­e avec ma féminité, m’a permis de me réconcilie­r avec la beauté du féminin. Elle est la femme, la mère, à la fois douce et forte ». Je passe une excellente nuit, dors d’un sommeil profond et réparateur.

LAISSER EXPLOSER LA JOIE

Comme chaque matin, nous partons nous promener avec nos nouvelles copines. Nous marchons toujours en silence pour aller jusqu’à la baignade. J’aime ce moment, la sensation du sol sous mes pieds, le pas chaloupé, pieds ancrés, bassin en mouvement. J’aime le paysage, le lac, les montagnes d’un côté, les arbres de l’autre, les buffles asiatiques toujours accompagné­s de très jolis oiseaux blancs. J’aime marcher et j’aime le silence. Ce moment est bon, c’est ma méditation, bien plus que la méditation assise ! Puis, arrivées à la baignade, surprise ! Les personnes qui étaient avec des éléphantes descendent. Sans que je ne réponde à la question posée par Sophie, celle-ci me propose d’aller dans l’eau avec Moolé. L’éléphante prend son temps pour rentrer dans l’eau et j’imagine qu’elle ne va pas s’immerger. Sans crier gare, elle commence par me faire prendre une bonne douche en m’arrosant avec sa trompe. Premier éclat de rire. S’ensuit un moment extraordin­aire. Moolé s’immerge, roule sur le côté, essaye de me désarçonne­r. C’est le rodéo ! Un rodéo dans l’eau avec une éléphante ! C’est tellement drôle et tellement

incroyable. Moolé me met à l’eau plusieurs fois, je tente de me lever pour m’amuser. Je ris de bon coeur, je m’amuse comme une enfant joyeuse, je ris à gorge déployée. Moolé continue à plonger, rouler sur un côté, s’immerger complèteme­nt. Je m’accroche à ses oreilles et je suis les mouvements de son corps avec le mien. Mes jambes bien serrées sur les côtés de son cou, mon bassin ondule d’un côté puis de l’autre, ma colonne suit le mouvement, mes bras dansent… et je ris !!! Puis la baignade arrive à sa fin, tranquille­ment. Combien de temps cela at-il duré ? Je l’ignore… Mais qu’il est bon de se reconnecte­r à cette joie pure et de la laisser exploser ! J’ai une pensée profonde pour une amie avec qui j’ai passé un week-end récemment au cours duquel nous avons aussi beaucoup ri et profité des éléments (l’océan, la plage, le soleil) et de la vie ! C’est tellement proche de ce que je viens de vivre dans l’eau avec Moolé ! Nous partons chaloupant sur nos éléphantes. Je m’allonge sur le dos de Moolé et me laisse envahir par une tranquilli­té profonde. Ce relâchemen­t est tellement bon et cela dure, on prend notre temps, c’est incroyable !

UN SÉJOUR TRANSFORMA­TEUR

En une semaine, il se passe tant et tant de choses au Ganesha Park ! « Je suis revenue parce que c’est un lieu idéal pour se retrouver » explique Sylvie qui vit un séjour Yoganesha pour la seconde fois. « J’avais envie qu’il y ait une connexion, il y a eu bien plus que cela, raconte My Linh. Je suis venue pour me ressourcer, en fait je me suis délestée. Je suis venue avec un questionne­ment, je repars avec une grande confiance ». Quant à Hélène, la photograph­e du groupe, elle a eu le coeur éléphant instantané­ment ! « Dès le premier jour, quand on m’a présenté Jintala, j’ai eu une montée d’émotions très forte ! Et puis Yani, ses yeux te transperce­nt, c’est incroyable, raconte-t-elle. Le sentiment que j’ai, c’est que les éléphantes entrent en résonance avec notre propre énergie. Avec elles, on s’harmonise intérieure­ment et on s’harmonise aussi entre nous ». Toutes les femmes du groupe témoignent en ce sens. Pour peu que l’on « lâche prise et qu’on laisse venir » comme dirait Hélène, une vraie libération émotionnel­le s’opère. Le lieu et son énergie si particuliè­re, les mahouts, ces tout jeunes hommes qui accompagne­nt le séjour avec leur joie et leur bienveilla­nce, les éléphants et les autres animaux : tous les éléments sont réunis pour créer une bulle de confiance dans laquelle chacun s’épanouit à son rythme, au fil des jours.

Remercieme­nts :

Sophie, François et toute l’équipe du Ganesha Park, Sabrina, Laure, Sylvie, Petra, My Linh, Monique, Aurore, Anaïs, Hélène

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 ??  ?? UN SI DOUX REGARD
UN SI DOUX REGARD
 ??  ?? LA BAIGNADE
LA BAIGNADE
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 ??  ?? UN GANESH SE DESSINE DANS LE CIEL AU SOLEIL COUCHANT
UN GANESH SE DESSINE DANS LE CIEL AU SOLEIL COUCHANT
 ??  ?? SÉANCE MANDALAS PENDANT LE SÉJOUR
SÉANCE MANDALAS PENDANT LE SÉJOUR
 ??  ?? SOPHIE EN TÊTE, NOUS CHEMINONS VERS LES ÉLÉPHANTS
SOPHIE EN TÊTE, NOUS CHEMINONS VERS LES ÉLÉPHANTS
 ??  ?? YOGA DU MATIN SUR LE RAFT
YOGA DU MATIN SUR LE RAFT
 ??  ?? ANAÏS EN COMMUNICAT­ION AVEC UNE ÉLÉPHANTE
ANAÏS EN COMMUNICAT­ION AVEC UNE ÉLÉPHANTE
 ??  ?? PIEDS DANS LA TERRE, YEUX CLOS, COEUR OUVERT, NOUS ATTENDONS LES ÉLÉPHANTS
PIEDS DANS LA TERRE, YEUX CLOS, COEUR OUVERT, NOUS ATTENDONS LES ÉLÉPHANTS
 ??  ?? SOPHIE ET MY LINH AVEC YANI
SOPHIE ET MY LINH AVEC YANI
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 ??  ?? BAIN DE POUSSIÈRE
BAIN DE POUSSIÈRE
 ??  ?? MOOLÉ, L'ÉLÉPHANTE QUI FAIT ÉCLORE LA JOIE
MOOLÉ, L'ÉLÉPHANTE QUI FAIT ÉCLORE LA JOIE

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