LE YOGA POUR ACCUEILLIR LES ÉMOTIONS
Psychanalyste et enseignante de yoga, Christiane Berthelet-lorelle nous éclaire sur les émotions et la manière dont le yoga permet de mieux accueillir les turbulences de l'existence.
ESPRIT YOGA : En quoi une approche corporelle peut-elle nous aider à mieux identifier nos émotions quand nous n'avons jamais appris à les nommer ?
CHRISTIANE BERTHELET-LORELLE : C'est l'écoute que l'approche corporelle offre, c'est-à-dire le temps qu'on s'accorde pour se rendre disponible à nos sensations. Notre état émotionnel se précise et nous pouvons le nommer. Et là, nous nous mettons à exister soudain pour nous-mêmes... Nous voilà alors localisé dans un affect qui vient nous représenter et derrière lequel se cache toute une histoire...
E.Y. : En quoi l'approche corporelle peut-elle nous aider à prévenir la somatisation ?
C. B.-L. : La somatisation est aussi là pour nous dire quelque chose. La pratique du yoga, lorsqu'elle est fréquente et régulière, agit sur le système neuro-végétatif. Elle aide à relâcher les cuirasses musculaires et à se libérer de nos obsessions. De ce fait, elle évite que l'amertume ou l'angoisse nous acidifie dans des brûlures d'estomac ou nous oxyde dans nos articulations. Car la souffrance oxyde en effet...
E.Y. : Le yoga permet-il de nous éclairer suffisamment sur notre colère ? C. B.-L. : Suffisamment, pas toujours. Car la colère a des causes inconscientes que seule une analyse permet de mettre à jour. En revanche le yoga peut déjà nous amener à la reconnaître, sans la juger puis à en faire un objet de méditation, nous permettant dans la pratique de nous laisser rejoindre par les éléments qui la produisent. Tout est une affaire d'écoute et d'abandon.
E.Y. : Que recommandez-vous à une personne qui sent la colère monter ? C. B.-L. : J'aimerais bien connaître la réponse (rires) car nous ne maitrisons jamais l'issue des choses. La seule boussole est notre sincérité. La colère nous emporte, mais il y a des colères nécessaires qui ouvrent les consciences. Elles sont souvent coûteuses pour soi-même, mais peuvent être utiles à celui à qui elles s'adressent.
E.Y. : La colère est-elle une émotion indispensable, au même titre que les autres émotions ?
C. B.-L. : Je ne dirais pas qu'elle est indispensable. Nous gagnons toujours à dire nos désaccords dans la pondération. Elle l'est, si nous avons des comptes à régler et qu'une injustice continue d'oeuvrer. Si nous pouvons nous en passer c'est mieux, car elle est toujours signe de souffrance ou de contentieux.