LA VOIE DU BONHEUR
La quête du bonheur est aussi vieille que l'histoire de l'humanité. La tradition indo-védique nous montre un chemin pour y parvenir.
Selon la tradition indo-védique
LES GRANDS textes de la tradition nous disent où on ne risque pas de le trouver, et nous montrent aussi où le chercher. On ne trouvera pas le bonheur dans les plaisirs éphémères, dans les rapports superficiels, dans les relations utilitaristes ou dans le fait de vivre au jour le jour, sans projet ni direction. Et encore moins dans le « tout va » existentiel que certains amateurs de New Age présentent comme le fait de « suivre le flow ». Plutôt, on rencontre le bonheur quand on arrive à éveiller et à appliquer dans nos choix quotidiens les qualités ou vertus déjà présentes, en puissance, au plus profond de chacun d'entre nous.
Le mystique bengali Caitanya Mahaprabhu (14861534) a identifié 26 qualités qui nous ont été transmises par ses disciples. En les réalisant, on peut espérer atteindre le bonheur authentique, celui qui demeure même quand on traverse les pires épreuves. Et bien avant, les philosophes grecs, de Socrate à Platon, d'aristote à Zenon, avaient souligné que le bonheur est le fruit d'une pratique constante des qualités intérieures. Dans L’éthique et dans La Politique, par exemple, Aristote exhorte le lecteur à l'exercice des arétés (vertus en grec), à commencer par l'amitié et la justice.
Quand notre énergie psycho-physique est au plus bas, quand nous nous sentons insatisfaits, quand nos relations sont conflictuelles, quand nous accusons les autres de ce qui ne va pas dans notre vie, cela peut signifier que certaines qualités ne sont pas actives. De même, la mauvaise humeur, la tristesse, la peur, la colère ou l'envie nous disent que notre situation humaine et spirituelle n'est pas au top. Savoir s'observer avec objectivité et honnêteté est donc un premier pas incontournable.
Choisir des amis inspirants
Les amitiés et les fréquentations seront choisies avec beaucoup de soin. Le champ énergétique, psychique et spirituel de chacun d'entre nous est connecté à celui des autres et nous nous influençons tous mutuellement. Les sages invitent alors à rentrer en syntonie avec le champ mental et spirituel de personnes évoluées. Les shastra (écritures) du yoga invitent à s'inspirer et à suivre des personnes qui possèdent déjà ces qualités. Krishna, qui représente le Maître universel, dit au guerrier-disciple Arjuna : « cherche à connaître la vérité en t'approchant d'un maître spirituel, poselui des questions et sers-le avec humilité. Une âme éveillée peut te révéler la connaissance, parce qu'elle a vu la vérité » (Bhagavad Gita IV, 34). Ce que nous allons devenir peut parfois être imaginé en regardant qui nous fréquentons.
Pratiquer une vertu pour l'acquérir
Les vertus se développent en les pratiquant. Au début, le comportement vertueux peut être difficile. En peu de temps, toutefois, à force de le rappeler à l'esprit et dans le coeur, de lui faire de la place dans les gestes du quotidien, la qualité souhaitée s'enracine dans le caractère et la pratiquer devient aisé et agréable. On devient bon en faisant le bien, on fait émerger l'humilité en se comportant de façon humble, on produit de la compassion en agissant de façon compassionnelle. Socrate disait : « la vertu ne saurait être enseignée, on ne peut que la pratiquer ».
Les obstacles
Nombreux sont les obstacles sur la route du chercheur spirituel : la peur, le doute, l'orgueil, croire pouvoir y arriver tout seul, sans l'aide d'un guide expérimenté. Le chemin du yoga n'est pas un long fleuve tranquille. Un ego surdimensionné, même après avoir été contenu par une bonne discipline intérieure (sadhana) fera de son mieux pour empêcher le pratiquant de devenir une meilleure version de soi-même. Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si la révélation de la Bhaghavad-gita se produit sur un champ de bataille, juste avant un féroce combat : une métaphore de ce champ de bataille qu'est la vie elle-même, où chaque jour chacun est appelé à faire face à de grandes et petites épreuves et à mesurer ainsi sa propre valeur. Ce sont en fait les obstacles qui représentent la meilleure opportunité pour faire émerger les qualités de l'âme. Il s'agit de défis qui arriveront au bon moment, pour apporter un enseignement, pour offrir la possibilité d'accéder à des nouveaux accomplissements et à faire un pas avant.
Les pratiquants de yoga le savent d'expérience : bien « achever » une posture nécessite du temps, de la discipline et de l'engagement, pour repousser toutes les limites du corps. La même discipline est nécessaire pour apprivoiser le mental rebelle, qui rechigne à accueillir les vérités plus élevées, et pour permettre au coeur réticent de se rendre à l'amour. Apprendre à transformer les obstacles de la vie en qualités spirituelles signifie trouver la pierre philosophale du bonheur. Qui sait faire face avec sérénité aux épreuves peut dire avoir déjà conquis l'une des vertus évoquées par Patanjali : santosha, le contentement.
« Ce champ de bataille qu’est la vie elle-même, où chaque jour chacun est appelé à faire face à de grandes et petites épreuves et à mesurer ainsi sa propre valeur »
« Le coeur de l’homme de qualité est un coeur libéré de la peur »