Le yoga une joie silencieuse
LE LANGAGE du monde extérieur est basé sur l'effort, avec ce qui peut découler de conflits intérieurs. Pourtant, les sages disent tous que notre nature profonde est existence, conscience et félicité : Sat Chit Ananda. Bien sûr, le maintien de l'effort est important, par exemple pour jouer d'un instrument, construire un projet, mais lorsqu'il s'agit de rencontrer notre nature profonde, notre joie spontanée à se sentir vivant, ne jouerait-il pas en notre défaveur ? Paradoxalement, pour y accéder, il semblerait que nous ayons à nous orienter vers une autre façon de voir le monde en cultivant la voie du non-effort, un état de détente naturel. Ce dont on peut faire l'expérience dans le sommeil profond ou à travers l'élan d'amour ressenti pour nos proches.
Dans les Yoga Sutras, Patanjali invite à explorer simultanément ces espaces du non-effort tout en cultivant une attention soutenue. Le verset 46, ch. 2 Stiram Sukham Asanam explique comment toute technique de yoga menée dans ce paradoxe tend à établir en soi l'équilibre tant recherché entre l'effort soutenu et l'aisance à la détente. Se maintenir au sein de ce paradoxe, c'est cheminer vers un état réunifié et une transformation bénéfique. Alors, établis au coeur de l'être, nous faisons l'expérience de notre véritable nature d'où émerge une joie profonde.
L'observation des mouvements de l'être, la synchronicité avec la respiration, l'attention soutenue aux diverses sensations corporelles, émotionnelles ou psychiques sont les éléments d'une pratique de yoga permettant de vivre des états de méditation de plus en plus subtils et développer une autre relation à soi-même et au monde. En prenant le temps d'observer ce qui est confortable et ce qui l'est moins, en osant sentir, on explore un nouveau langage intérieur.
Le monde du vivant alterne les rythmes diurne/ nocturne, été/hiver. Dans les temps de repos, une profonde régénération est possible. Nos vies trépidantes font fi du repos physique, émotionnel et psychique. Or, les pratiques de yoga invitent à cette reconnexion avec les rythmes naturels, à l'origine de notre vitalité. L'écoute sensorielle permet une réappropriation de notre espace intérieur. C'est s'offrir une « vacance » de l'être, et rassembler les parties de notre être encore perméables à la dualité.
Le yoga devient alors un espace d'exploration de notre relation au vivant. La détente consciente devient le chemin vers cette joie silencieuse, sans objet, qui nous plonge au coeur d'un sourire tissulaire sans effort. Om Ananda Namah !