STÉPHANE AYRAULT

La sagesse du yoga

Il y a vingt ans, en Inde, Stéphane Ayrault se formait au yoga et s'imprégnait de cette culture spirituelle. Un long cheminement commence alors qui l'amène à écrire son premier livre Les 4 Sagesses du yoga. Il y transmet les quatre grands enseignements qui guident aujourd'hui sa vie.

ESPRIT YOGA : Ton livre est articulé autour de 4 grandes sagesses, d'où viennent-elles ?

STÉPHANE AYRAULT : Ce sont quatre sagesses qui correspondent aussi aux quatre grands courants du yoga : Raja, Jnana, Karma et Bhakti Yoga. La première sagesse est « Que ton esprit soit aussi clair que l'eau d'un lac de montagne », il s'agit de la contemplation, de la prière, du retour au coeur et de la connexion à soi. La deuxième, « Que ton intellect soit aiguisé comme une lame de rasoir » désigne la connaissance et la capacité de discernement, le Jnana yoga. La troisième sagesse, « Que ta main droite serve ta main gauche sans qu'elle le sache » concerne le service désintéressé mais cela va plus loin. C'est l'enseignement que livre Krishna à Arjuna dans la Bhagavad Gita, lorsqu'il lui intime de ne pas attendre les fruits de ses actions. L'action est réalisée parce qu'elle doit être faite. On traduirait cela par « que ta volonté soit faite et non la mienne ». Nous sommes simplement des témoins. Les problèmes arrivent lorsqu'on s'identifie à ce qu'on fait. Surgissent alors l'avidité, la jalousie, la colère… Agir avec détachement signifie agir sans attendre d'être aimé ou reconnu mais pour servir l'humanité ou le divin. La quatrième sagesse est « Que ton coeur aime la création sous toutes ses formes ». C'est la Bhakti Yoga, dont la pratique est de distinguer le divin en toute chose. La nature est une émanation du divin. Lorsque tu aimes la nature, tu ne peux plus l'abîmer car c'est comme si tu te détériorais toi-même. Peu à peu, en appliquant ces sagesses, la conscience s'élargit, nous prenons conscience que nous sommes une cellule du grand Tout et non au service de notre ego.

« Que ton esprit soit aussi clair que l’eau d’un lac de montagne »

E. Y. : Qu'est-ce que le yoga ? Quelles sont ses origines ?

S. A. : Les premières traces du yoga se situent dans les « Yoga Shastras », qui désignent les traités sacrés sur le yoga et qui remontent à 3000 ans avant J.-C. Tous les textes qui abordent la sagesse millénaire du yoga sont des « Yoga Shastras ». Ils sont très nombreux. Ce sont les Yoga Sutras de Patanjali, la Bhagavad Gita, le Hatha Yoga Pradipika... Lorsque les sages de l'inde antique partaient en retraite dans les Himalayas ou dans la forêt, ils se munissaient de deux ouvrages : le Yoga Vashistra et l'ashtavakra Gita. Ce sont deux purs joyaux du yoga de la connaissance, qui révèlent comment réaliser la fusion parfaite de l'âme individuelle avec l'âme cosmique, la Source ou « Paratman ». Dans cet enseignement, le yoga postural occupe une place minime.

E. Y. : En quoi le yoga peut-il nous aider à répondre aux grandes questions sur le sens de notre existence ?

S. A. : L'enseignement d'ashtavakra s'adresse à Janaka, qui était un roi. Le sage Vashista s'adresse à Rama qui était un prince. Tous deux ont le désir de comprendre le but de leur vie. Ils s'interrogent : « Qui suis-je ? Quelle est ma relation avec la nature ? Quelle est ma place au sein du Cosmos ? ». Selon les Yoga Shastras, le but ultime est la fusion de l'âme individuelle avec l'âme cosmique, cet état de fusion est l'état de réalisation appelé « turya ». Rares sont ceux qui y parviennent. Pour la plupart d'entre nous, nous vivons à travers trois niveaux inférieurs. Le premier état est la veille, il désigne l'état de la vie ordinaire, le mental fonctionne, les sens et l'intellect prédominent. Le deuxième état est l'état de sommeil : la conscience de quoi que ce soit disparaît, les sens sont au repos, le corps se repose pour permettre à l'âme de se ressourcer. Le troisième état est celui du rêve, qui ne contient ni intellect ni ego. Le symbole du AUM représente ces 4 états : le point est considéré comme l'état d'éveil, c'est le pur état de conscience, il n'y a plus l'oubli de qui on est vraiment. Le petit arc représente ce qui t'empêche de devenir qui tu es. Quant à ce qui ressemble à un chiffre 3 retourné, il représente les trois états de veille, sommeil et rêve.

E. Y. : Quel est l'essence d'un véritable guide ? Comment le reconnaître ?

S. A. : L'étymologie du terme guru est issue de la racine Gu qui signifie « ombre » et de Ru qui veut dire « lumière ». Le guru est celui qui amène de l'ombre à la lumière. Il est important de prendre conscience qu'on a tous un guru dans notre vie. Le premier est la mère puis les parents, c'est à travers leurs yeux qu'on grandit. Mais celui qui amène l'éveil spirituel est appelé « Sat Guru » : Sat veut dire richesse, réel. Le Guru accompagne vers les réalités supérieures. Donc en cas de doute, la question à se poser est celle-ci : est-ce que la personne en face de moi est libre ? Est-ce qu'elle me laisse libre ? Et est-ce qu'elle me rend libre ?

E. Y. : Cette relation entre maître et disciple se retrouve aussi entre l'élève et le professeur de yoga, qui comprend des risques d'abus de pouvoir.

S. A. : Il faut garder un oeil critique et le sens de discernement, nommé en sanskrit Viveka. Et s'interroger régulièrement : est-ce que cette personne commence à détenir un pouvoir sur toi ? Il faut faire attention à ne pas déléguer notre pouvoir. Le maître est une fenêtre, il s'agit de ne pas confondre le maître avec le ciel et le soleil.

« Que ton intellect soit aiguisé comme une lame de rasoir »

« Que ta main droite serve ta main gauche sans qu’elle le sache »

« Que ton coeur aime la création sous toutes ses formes »