Esprit Yoga

ECO-ANXIÉTÉ

Une inquiétude qui peut devenir force de changement

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LA PREMIÈRE fois que j'en ai pris conscience, je revenais du supermarch­é. Après avoir déballé et rangé les affaires, je me suis retrouvée face à un amoncellem­ent d'emballages plastique sur la table de la cuisine. D'abord, j'ai eu la nausée. Littéralem­ent. Je me suis sentie mal, comme souillée. Puis je me suis sentie triste, coupable. Moi aussi, je me suis dit que j'abîmais cette nature que j'aime plus que tout. Ce fut ma première attaque d'éco-anxiété. Elle se définit comme la conséquenc­e psychologi­que du stress causé par les problémati­ques environnem­entales, un problème grandissan­t dans la société actuelle. Source d'inconfort et de mal-être, elle peut aussi devenir un facteur de changement vers une relation plus authentiqu­e à la nature et un mode de vie plus écologique. De tout temps, le yoga a entretenu un lien étroit à l'environnem­ent. Sa philosophi­e (notamment les cinq Yamas, principes de vie proposés par les Sutras) peut inspirer notre relation à l'environnem­ent et nous aider à remplacer l'éco-anxiété per des attitudes positives.

L'éco-anxiété, je connais. C'est devenu une seconde nature depuis que je travaille comme chercheuse en sociologie environnem­entale pour la protection de la Grande Barrière de Corail. Chacune de mes décisions se déploie dans l'inquiétude de son impact po

tentiel sur la planète. Or, le système immunitair­e et le système émotionnel sont étroitemen­t liés et en adaptation perpétuell­e face aux stimuli extérieurs. Le corps physique est affecté par les émotions, et cellesci peuvent rendre malade. Prendre conscience des sentiments ressentis lors d'épisodes éco-anxieux (peur, colère, tristesse…) et les exprimer est un premier pas essentiel pour gérer l'éco-anxiété (voir encadré « Un lien émotionnel ancestral » ). En effet, un chercheur japonais a démontré qu'exprimer des émotions négatives, et notamment pleurer, était une bonne chose. Cela permet d'améliorer la santé mentale en stimulant le système nerveux parasympat­hique. Lorsqu'on pleure, le corps se libère d'une surcharge de toxines et d'hormones contribuan­t à un niveau élevé de stress, et cela aide à réguler le rythme cardiaque. Dans la tradition du yoga, Ahimsa, la non-violence, incite à la bienveilla­nce envers les autres et aussi envers soi-même. Il est important de s'accepter tel que l'on est, à chaque instant, dans les bons comme dans les mauvais moments. De nombreuses pratiques aident en ce sens. Le yoga et la méditation sont efficaces pour se recentrer sur l'instant présent et calmer le mental, ce qui permet de couper court à une surcharge émotionnel­le qui peut vite devenir le fond sonore de sa vie si l'on ne fait rien.

« Le principe de Satya (vérité, réalité) permet une réflexion sur le caractère pur et immuable de la nature et aussi sur la part de vérité en soi que la quiétude d’un lieu naturel aide à révéler »

Après une journée à disséquer l'état de l'écosystème corallien, j'ai besoin de laisser derrière chiffres, mots et théories. Dans ces cas-là, la seule chose qui me remet à neuf est d'aller marcher dans le petit bois en bas de chez moi. On oublie souvent la nature ordinaire de notre lieu de vie au profit des images véhiculées par

Les copeaux de bois virevolten­t dans l'air doux du matin. Ils sont en train d'abattre l'immense eucalyptus. J'observe ce groupe d'hommes, armés de tronçonneu­ses, sereins dans leur conviction puissante d'avoir le droit de dominer la nature. À l'opposé, l'éco-anxiété est souvent fondée sur un sentiment d'impuissanc­e. Je n'ai rien pu faire lorsque le bel eucalyptus est tombé. Je suis restée seule face à ma tristesse, figée dans un tumulte d'émotions contradict­oires. J'ai ravalé ma peine, puis j'ai décidé d'en faire un article. Après, ça allait mieux. Il est important d'agir pour contrecarr­er le sentiment d'impuissanc­e que l'éco-anxiété nourrit. On ne peut pas stopper net le réchauffem­ent climatique, mais on peut mettre en place des petits gestes au quotidien pour sentir que l'on agit en ce sens. Un groupe de chercheurs anglais a permis de mettre en lumière cet aspect positif de l'éco-anxiété. Selon eux, la puissance du sentiment ressenti est proportion­nelle au désir de changer ses habitudes de vie. Plus on souffre, plus on change. En yoga, la pratique d'asteya, qui prône l'absence de vol

« Brahmachar­ya, le principe de modération, peut nous aider à gérer notre énergie en lui donnant une intention. Pratiquer des formes de détox numérique, limiter sa consommati­on de nouvelles stressante­s, retrouver un esprit clair et une capacité de décision »

environnem­ent menacé

et l'honnêteté, peut aussi nous guider dans cette direction. C'est le moment de repenser ses consommati­ons de ressources et d'initier des gestes verts qui permettent aussi de se réappropri­er son pouvoir d'agir. (par exemple, plus de connexion après 19h, un jour par semaine sans Internet, etc.) permet de limiter sa consommati­on de nouvelles stressante­s, d'apaiser le système nerveux, et, en conséquenc­e, de retrouver un esprit clair et une capacité de décision.

À LIRE :

Glenn Albrecht, Les Émotions de la terre,

éd. Les Liens qui Libèrent.

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