Eure Infos

Qui veut la peau du Blue Moon ?

Quatre fermetures en 2 ans !

- A. Guillard

« Il y a la volonté manifeste de mettre un terme à l’activité du Blue Moon. On peut même parler d’acharnemen­t » plaide maître François Delacroix.

L’avocat défend les intérêts d’Annie Buisson, cette exploitant­e de discothèqu­e qui empêche le maire, Guy Lefrand, de dormir sur ses deux oreilles.

L’élu ne réagit pas en tant que voisin, mais comme responsabl­e politique soucieux de la tranquilli­té de ses concitoyen­s (sic). « En son temps, le recours à la fermeture administra­tive avait permis de faire tomber Al Capone » répète-t-il à l’envi.

Mais la manière laisse à désirer, du moins aux yeux du juriste. « M. Lefrand pousse à la délation. Il a fait distribuer un courrier dans les boîtes aux lettres des riverains »

La missive inciterait les gens fâchés avec le Blue Moon à « dénoncer » l’établissem­ent auprès des services de la mairie…

Quand le maire sortait en boîte !

Pour Mme Buisson, c’est la goutte d’eau qui fait déborder le vase.

« Veut-on faire d’Évreux une ville-dortoir ? » s’interroge la gérante qui, avec son époux, tient les commandes du Blue Moon depuis octobre 1992. « J’en ai vu défiler des clients et des maires. Mais c’est la première fois qu’on me met autant de bâtons dans les roues »

Autres temps, autres moeurs ! Baptisé du temps de… l’US Army - dans les années soixante, la BA 105 hébergeait des milliers de soldats américains l’établissem­ent, ou plutôt bar de nuit à l’époque, a même vu défiler quelques notables dont un certain… Roland Plaisance. L’endroit se dénommait « Chez Jo », avec Jocelyne Petit aux commandes !

Quelques (chaudes) soirées plus tard, changement de propriétai­re et d’enseigne, bienvenue au Pub des Roches. « On se retrouvait avec les potes autour d’une bonne Jenlain, c’était le passage obligé avant d’aller finir la soirée en boîte » se souvient une noctambule de l’époque.

Les « Cinq Glorieuses »

Depuis, la bière et la vodka ont coulé en abondance dans les verres du Blue Moon, avec des pics d’audience entre avril 2010 et mars 2015.

« Les gens venaient de partout, car nous étions ouverts tous les jours de la semaine et autorisés, par la Préfecture, à fermer à sept heures du matin » évoque Annie Buisson, la nostalgie à fleur de peau.

Lors des « Cinq Glorieuses », elle explose son chiffre d’affaires, avec une pointe à 111 717 euros en 2012. Mais quatre ans plus tard, il lui faut déchanter : entre avril 2015 et mars 2016 (soit l’exercice comptable)… seuls 14 348 € sont tombés dans les caisses. « On n’a travaillé qu’à 20 % de notre potentiel »

Car avec l’arrivée de Guy Lefrand aux affaires, l’ambiance a pris du plomb dans l’aile, les voyants financiers viré du vert au rouge.

Non content de faire signer une motion pour « réglemente­r » la vie nocturne à Évreux (voir Eure Infos du 28 juin), l’élu a, en juillet 2015, paraphé un arrêté municipal qui stipule que le Blue Moon doit n’ouvrir que quatre jours sur sept, fermer à trois heures du mat’ et le jeudi… journée plébiscité­e par les étudiants qui « s’échauffent » en vue du week-end !

« Pas des brigands ! »

« On les empêche d’ouvrir alors que c’est leur gagnepain. À ce que je sache, le Blue Moon n’est pas un repaire de criminels tenu pas des brigands » ne décolère pas l’avocat François Delacroix.

En désespoir de cause, il a même introduit un recours administra­tif, en urgence, devant le TA de Rouen pour faire lever l’arrête municipal. Peine perdue. « C’est frustrant dans la mesure où le maire Guy Lefrand refuse de recevoir les gérants du Blue Moon »

On l’a vu, le premier magistrat invoque la tranquilli­té des riverains de la rue de la Rochette pour rester droit dans ses bottes. Des riverains excédés par le tapage et les rixes provoquées à l’extérieur de l’établissem­ent.

« Ils prennent prétexte d’une bagarre qui, en mai, aurait concerné une trentaine d’individus. Mais nous avons épluché les images vidéos : à la date incriminée, on ne retrouve pas trace d’un tel affronteme­nt » argue la gérante.

Pourtant, d’incidents en provocatio­ns, la Préfecture a, plusieurs dans le passé, ordonné la fermeture du Blue Moon : du 21 décembre 2014 au 10 janvier 2015, du 17 mars 2015 au 17 avril 2015 et du 19 octobre 2015 au 19 janvier 2016… avant le « coup de grâce ».

Par décision du 30 juin, en effet, le représenta­nt de l’État a décidé de fermer la discothèqu­e du 8 juillet au 7 octobre !

Dernières notes

Lors de notre rencontre, Mme Buisson était encore sous le « choc », assommée par l’obligation de devoir tirer le rideau pendant cinq (longs) mois.

« Le manque à gagner est énorme, c’est de l’abus de pouvoir. En réunion de quartier, j’ai voulu interpelle­r le maire. Il a esquivé mes questions » ne décolère pas l’intéressée, troublée par le manque de dialogue et de sombres perspectiv­es.

Aujourd’hui, avec son mari, elle redoute, ni plus ni moins, la faillite et le dépôt de bilan. Comme si la nuit devait définitive­ment tomber sur le Blue Moon…

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 ??  ?? « Le maire a signé un arrêté municipal, mais il refuse tout dialogue » regrette la gérante, Allie Buisson.
« Le maire a signé un arrêté municipal, mais il refuse tout dialogue » regrette la gérante, Allie Buisson.

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