Le Petit Prince à Ézy-sur -Eure
Le temps du «Petit Prince» est révolu. Toujours aussi passionné par sa discipline, Patrice Martin constitue en effet depuis 2009 le président de la Fédération de Ski Nautique et de Wakeboard. Interview avec la star planétaire qui a passé le week-end passé
Énorme succès pour Ezylake qui a accueilli sous l’oeil d’un Patrice Martin ravi les Championnats de France Open & Sénior le week-end passé, avant les Jeunes du 22 au 24 juillet. Découverte d’un sport presque comme les autres.
Des filles en maillot de bain à la plastique souvent parfaite. Des mecs au teint halé qui exhibent fièrement leurs impeccables tablettes abdominales. Un soleil radieux, un magnifique plan d’eau, de la glisse… On aurait presque pu se croire dans un lieu paradisiaque, le week-end passé, sur la base nautique d’Ezylake où se déroulaient pour la première fois les Championnats de France Open & Senior. Il faut dire que sur place, Philippe Faucon et son équipe avaient fait les choses en grand, eux qui ont repris l’enseigne de la commune des bords de l’Eure il y a tout juste un an. Déjà organisateurs des France jeunes il y a douze mois – compétition qu’ils organisent à nouveau cette année, le week-end prochain, du 22 au 24 juillet –, les spécialistes de la glisse locale ont en effet mis les petits plats dans les grands pour accueillir le gratin du ski nautique hexagonal.
Une discipline évidemment atypique, mais qui compte toutefois 18 000 licenciés en France et ne veut pas si élitiste que ça. Il faudra bien sûr débourser une petite somme pour se doter de l’équipement adéquat et l’abonnement à un complexe, ainsi qu’une bonne dose d’entraînement (voire de témérité) pour se lancer à l’assaut des sauts et autres slaloms à effectuer lancé sur des skis à pleine vitesse, et tracté sur un vaste plan d’eau par un bateau via un solide fil.
Le gratin hexagonal !
À ce sujet, sachez qu’il existe trois disciplines, et que chacune d’elles a délivré son champion de France samedi et dimanche derniers sur le plan d’eau d’Ezysur-Eure, où les plus grands noms de la discipline comme la Vernonnaise d’origine Nancy Chardin, mais aussi les deux stars Thibault Dailland et Clémentine Lucine avaient posé leur matériel et autres tenues d’usage.
« Un super week-end » assure ainsi Philippe Faucon, ravi du spectacle proposé. Il est vrai que sans être spécialiste, admirer les sauts de plus de 50 mètres réalisés par les champions offre un petit frisson aux spectateurs, et sans doute une sacrée dose d’adrénaline à ceux qui s’élèvent dans les airs avec des skis au pied. Et si les gamelles ne sont pas rares, on ne peut en tout cas qu’apprécier les prouesses réalisées dans un décor de rêve.
Ce n’est pas Patrice Martin, légende mondiale de la discipline qui a pris sa retraite en 2008 et préside la fédération française depuis une demi-douzaine d’années, qui se trouvait tout le week-end à Ezy, qui dira le contraire…
On ne présente évidemment plus Patrice Martin. Figure emblématique planétaire du ski nautique, le sportif français le plus titré de tous les temps, toutes disciplines confondues (34 fois champion d’Europe, 12 fois champion du Monde), se trouvait le week-end passé à Ezy-sur-Eure, dans son rôle de président de la fédération endossé en 2009 à la suite d’une carrière incroyablement remplie. Surnommé à l’époque «Le Petit Prince» en raison d’une blondeur angélique et de succès étonnamment précoces (un premier titre mondial à 14 ans !), Patrice Martin a certes raccroché ses skis depuis une très grave blessure au bras lors d’une compétition vétéran en 2008. Mais à 51 ans, élu au CNOSF, il reste doté d’un fort caractère et d’idées claires, surtout pour le développement de son sport. Entretien entre deux bouchées de saumon.
* Un mot, pour commencer, sur le site d’Ezy et la qualité de cette compétition ?
Patrice Martin « Ils avaient organisé les France jeunes l’an dernier, et après échange avec les compétiteurs qui avaient particulièrement apprécié, on a décidé de leur donner pour la première fois l’organisation des France Open & senior, c’est-àdire la plus belle semaine de ski nautique de l’année en France ! Par commodité, et pour réaliser des économies, on leur a aussi redonné la compétition jeunes, qui aura lieu le week-end prochain. »
« Ici, il n’y a pas de Benzema »
Président de la fédération, c’était une voie toute tracée après votre carrière ?
« Pendant ma carrière, j’ai souvent constitué celui qui râlait contre les instances. À un moment, il a fallu choisir : soit je me taisais, soit je m’investissais pour faire bouger les choses, mais aussi rendre à ce sport ce qu’il m’avait donné. Aujourd’hui, je suis dirigeant, et je considère que ce week-end, j’ai pratiqué le ski nautique, au même titre que les sportifs, les dirigeants, les arbitres, les bénévoles… Il y a plein de façons de participer. » Aujourd’hui, où se trouve le ski nautique dans le paysage sportif français ?
« Il a bien évolué depuis une dizaine d’années, passant notamment de 12 000 licenciés en 2006 à 18 000 l’an dernier. Le profil du pratiquant a également changé. Il y a dix ans, on voyait presque exclusivement le gars, ou la fille, qui prenait son monoski et venait faire du slalom. Aujourd’hui, on touche également beaucoup de wake-boarders, notamment grâce à l’apparition de téléskis qui devraient révolutionner, voire démocratiser, le ski nautique. Avant, il y avait un coût important, il fallait payer le pilote et l’essence, et attendre son tour. Là, avec les 90 sites qui en sont équipés, l’utilisateur bénéficie d’une facilité d’accès et peut pratiquer pour 15 euros de l’heure, soit moins cher que le tennis ou le golf.
Plus globalement, même si on a été sport de démonstration en 1972 et qu’on a été sur la short-list pour intégrer les JO de 2016, on continue de bosser avec minutie pour développer la discipline, en prenant notre temps. »
Le ski nautique, ce n’est donc pas seulement le look surfeur, des mecs bronzés et des filles en maillots de bain… ?
« (Il rit) Cela fait évidemment partie du folklore, mais derrière, il y a énormément de travail. Vous savez, on a un règlement assez strict, et on s’attache au développement sportif, mais aussi social, de nos athlètes. Dans nos équipes de France, l’état d’esprit s’avère primordial, il ne pourrait pas y avoir de Benzema dans nos sélections. En si en France, on monte sur le podium mondial depuis 40 ans, ce n’est pas un hasard ! »