« Les abeilles sont fragiles »
Le 12 mai 2016, le Sénat optait pour une diminution progressive des néonicotinoïdes plutôt que pour une interdiction. Ces insecticides sont considérés comme nocifs pour les abeilles. Les apiculteurs et la communauté scientifique s’inquiètent.
- Quel est l’état de santé de vos ruches ?
Cela devient compliqué d’être un petit apiculteur. J’avais 40 ruches à la base. Aujourd’hui, il ne m’en reste plus que six, parce que j’ai eu un gros problème il y a cinq ans avec une maladie, la loque américaine (qui n’a d’américaine que le nom) [1]. J’ai dû tout détruire, tout javelliser. Cela me donne beaucoup de travail pour tout réhabiliter. Et en août dernier, mes ruches ont subi des attaques de frelons asiatiques. J’ai été durement touché dès l’automne. J’en ai même perdu jusqu’à l’hiver. Je suis sûr que je n’aurai pas de production de miel cette année, car il y a eu peu de pollinisation autour de chez moi.
- Comment interprétezvous le fait que les sénateurs ont voté contre l’interdiction des pesticides néonicotinoïdes ?
Je ne suis pas surpris. L’honnêteté n’est pas toujours là, les lobbies travaillent fort. Je ne fais pas confiance aux hommes qui ont des pouvoirs de décisions. Ils sont devenus des criminels. On est en train d’assister à un crime contre l’humanité. Avec cette loi, on va remplir les hôpitaux de cancéreux. Je peux vous assurer qu’on ne mangera pas des billets quand il n’y aura plus d’abeilles. S’ils espèrent entrer dans l’histoire, c’est raté, car il n’y aura plus personne pour raconter l’histoire. On est tous touchés. Il ne faut pas oublier que les particuliers en utilisent aussi et qu’ils n’ont pas la main légère. Il faut que tout le monde se réveille, comme les municipalités qui, aujourd’hui, n’utilisent plus de produits phytosanitaires. Je pense qu’il faut éduquer les particuliers pour qu’ils arrêtent d’en utiliser.
- Pensez-vous que les agriculteurs peuvent changer de comportement à l’égard des pesticides ?
J’ai l’exemple d’un ami agriculteur qui est tombé malade. Comme lui, beaucoup ont compris l’impact des pesticides sur la santé, dont la leur. Depuis quelques années, leur utilisation augmente de 10 % tous les ans, sachant que cela crée des résistances chez les insectes ravageurs, mais pas chez les abeilles, qui sont fragiles.
- Que répondez-vous aux personnes qui minimisent le rôle des abeilles dans la préservation de l’écosystème ?
Jusqu’alors je n’en ai jamais entendu, mais on peut très vite trouver des contre-arguments. En vérité, un gros pourcentage de notre alimentation passe par la pollinisation qu’exercent toutes les abeilles, domestiques ou sauvages. Propos recueillis par Thomas Guilbert [1] Ce sont des spores qui se répandent comme des champignons