Le salut par l’évolution
« On trouve 868 espèces d’abeilles en France métropolitaine », indique Philippe Bérenger-Lévêque. Chercheur du Museum d’Histoire naturelle de Paris, ce spécialiste des abeilles s’inquiète de l’« effondrement » des populations dans le pays, mais aussi à l’échelle du continent européen.
Il distingue deux types d’apis, « celles qui font leur nid et les autres qui ont une activité de coucou, ayant perdu l’aptitude de creuser des essaims ». Pour le scientifique, ces dernières, en modifiant leur comportement, ont permis à leur espèce d’évoluer et pourraient « sauver les abeilles européennes », si celles qui font leurs nids acceptent les intrus dans leurs ruches.
Les produits phytosanitaires causent parfois la disparition d’essaims entiers, mais Philippe Bérenger-Lévêque se soucie de l’action des horticulteurs, qui ont « tendance à retirer les organes reproducteurs » des fleurs, ce qui ôte aux abeilles des quantités de nourriture. « Les plantes et les insectes pollinisateurs évoluent ensemble. Si les abeilles viennent à disparaître, les productions de certains fruits et légumes risquent de chuter et cela engendrera des fruits de plus en plus dissymétriques et plus petits. »
Fléau non moins important : le frelon asiatique. À la différence des abeilles asiatiques, les européennes ne savent pas encore se défendre, un apprentissage qui demande du temps. Une solution radicale peut être envisagée, le piégeage, mais, assurait l’apiculteur Laurent Hingan, « le risque est de piéger les frelons locaux, qui sont plus gros que les asiatiques ».
L’évolution de l’espèce est la condition de sa préservation. « Il faut donc du temps, mais aussi que les hommes acceptent que des essaims vivent pour eux-mêmes. On a cru bon d’hybrider des abeilles parce qu’elles sont très productrices en miel, mais cela a généré, par exemple, les abeilles tueuses, qui sont issues d’un croisement fait par l’homme. Et on sait très bien que les croisements fragilisent les espèces », déplore Philippe Bérenger-Lévêque.