Gîtes de France : 150 000 € détournés
Cette affaire a été examinée en correctionnelle le mois dernier.
Mais le tribunal s’est donné à réfléchir plus longuement sur ce cas très particulier d’abus de confiance portant sur deux départements et dénonciation, à Évreux, en 2015.
La FOL lève le lièvre
En moins de trois ans, Élisabeth Bacquet (37 ans) a détourné 150 000 euros, environ, au préjudice de son employeur : l’Association des Gîtes de France.
Chargée d’établir des bulletins de paie à Évreux et GrandCouronne, la FOL (Fédération des OEuvres Laïques) s’est aperçue des anomalies en 2013. Aussitôt, elle a fait déclencher l’enquête, via « les Gîtes de France ».
La prévenue falsifiait les documents comptables, et établissait des faux (factures, augmentation de salaires, bidouillages divers ou primes supplémentaires). La prévention de ces délits et abus de confiance a été limitée à moins de trois ans (octobre 2010 à avril 2013).
Le stress ?
Aujourd’hui enseignante et licenciée d’Allemand, la prévenue était entrée dans l’association, en 2002, via un « emploijeune ».
Deux ans plus tard, elle commençait à utiliser « Photoshop » (sur Internet) pour scanner et modifier des documents avant de les virer sur son compte. Tout cela, résume la présidente Mme Toulemont, « pour obtenir un meilleur confort de vie et rembourser de nombreux prêts : achats d’immobilier, voitures, chevaux, etc. »
Élisabeth Bacquet, épouse Helin domiciliée à Condé-surRisle, réalise enfin et pleure abondamment. Mais le manque d’explications n’est pas un handicap car, souligne la juge, c’est une « enquête parfaitement complète et aux chiffres avérés. »
Entre deux émotions mal contenues, elle dit pourtant : « je m’investissais énormément et je n’avais pas l’impression de me payer plus. J’en suis honteuse mais, sur le coup, je pensais que c’était justifié »
Depuis, on a établi une offre d’apurement avec échéancier de sa dette. Le logement principal et un terrain (inconstructible), un van et des chevaux, entre autres, constituent les espoirs de la partie civile dont l’avocate rappelle les difficultés des contrôles internes de l’association. Car la prévenue avait centralisé le service informatique chez elle.
Elle était seule et il manquait les deux collègues prévus pour le travail. De plus, la prévenue prétexte qu’elle a été mère (pendant un mois) et que cette folie est due à son stress.
Huit comptes privés
L’avocate des parties civiles annonce une facture globale de 176 000 euros et confirme qu’avec une facture « en face de chaque règlement », il était impossible de détecter l’abus.
En effet, les faux correspondaient à des événements factuels et tout cela, bien avant ses « ennuis familiaux », précise la directrice de l’association qui précise encore : « elle n’avait pas délégation pour établir des chèques. »
À l’époque, le budget s’élevait à 180 000 euros. Mais avec cette affaire, il a été réduit à 50 000 euros, puis supprimé. Le témoin s’étonne encore que la banque n’ait pas regardé de plus près l’authenticité des règlements vers un compte privé (elle en avait huit !).
L’avocate de l’association détaille les chiffres corrigés (comme 152 239 euros de chèques falsifiés), rémunérations non autorisées, facturations à son profit et ajoute 10 000 euros pour les pertes financières et le préjudice moral.
Une performance « technique »
Yves Dupas, le procureur rappelle que la période de prévention ne couvre qu’une partie des détournements.
Il décrit une série « de techniques informatiques très performantes, avec de beaux montages au profit de la prévenue ». Le chiffre qu’il a arrêté couvre trois ans de détournements de fonds mais, dit-il, il « reste sur sa faim car bien d’autres faits avoués ne figurent pas dans la prévention ».
Car beaucoup seraient antérieurs et auraient contribué à enrichir le patrimoine de l’employée. « Au-delà des pleurs actuels, on note un grand confort de vie et un parcours ascendant jusqu’à obtenir la porte de confiance permettant l’accès à la coordination des caisses. Un beau parcours professionnel convergeant vers ces turpitudes judiciaires », remarque le magistrat.
Il trouve que le rapport à l’argent peut poser problème pour la prévenue, au-delà de cette trahison avec l’employeur, dans un exercice professionnel actuel. Enfin, dit-il, « aucun effort d’indemnisation » n’a été fait, hormis 1 000 euros avant le jugement.
Il requiert une peine de 18 mois de prison avec un total sursis et mise à l’épreuve (soins, travail indemnisation obligatoires) ainsi que 4 000 euros d’amende.
Précédant la demande de la défense, le Procureur demande d’enregistrer la peine prononcée au casier judiciaire.
« Baroque »
Me Marc François plaide les difficultés à assumer seule un poste de travail nécessitant trois personnes. Bien avant ces congés de maternité, sa cliente avait eu des ennuis de santé.
L’avocat accuse l’association de l’avoir « totalement exploitée et méprisée ». Selon lui, c’était à l’employeur de vérifier la réalité des factures et leur raison d’être.
Il accuse le « fonctionnement baroque » de l’association et explique les raisons du comportement de sa cliente par le « besoin de se rassurer par des biens matériels », un confort obtenu illégalement. Me François ajoute qu’un psychologue serait plus apte à faire parler une prévenue… qui ne fait que pleurer.
Puis, il estime que la priver de son travail d’institutrice viendrait à l’encontre des remboursements. Il espère « une justice apaisée et humaine ». Le jugement sera rendu le 24 août…