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Une famille de réfugiés à la rue

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Dorcas, vingt-six ans, est à la rue avec ses deux enfants de six et deux ans et demi. Les appels au 115 pour un hébergemen­t d’urgence sont sans résultat. Et, nous l’avons vérifié, notre appel étant resté vain !

Dehors devant la gare

Cela fait trois jours que cette jeune mère de famille et ses deux enfants n’ont plus de toit, depuis que sa demande d’asile a été rejetée. Les travailleu­rs sociaux de la maraude se sont émus de cette situation, comme la police d’ailleurs qui l’a envoyée vers l’hôpital car un de ses enfants était malade. Des Ebroïcienn­es intervienn­ent aussi, notamment des membres du CEFED, Comité Étrangers Français pour l’Égalité des Droits. Elles restent dehors avec elle, devant la gare, pour la protéger et la soutenir moralement.

Sept années en Syrie

Dorcas est une jeune femme très réservée, très discrète, qui ne parle pas fort. Ses déboires ont commencé en 2007, elle avait dix-sept ans, en RDC, République démocratiq­ue du Congo : « Mon père a été assassiné pendant la guerre civile. Avant de mourir, il m’avait confié une mallette. J’ai été arrêtée et j’ai subi des violences sexuelles de la part de policiers. Ma mère m’a alors confiée à un homme qui partait en Syrie. Là-bas, nous nous sommes mariés religieuse­ment. Nous avons eu deux enfants, des garçons. » En 2011, la guerre a éclaté en Syrie. « Fin 2013, un soir mon mari n’est pas rentré du travail… Je suis allé me renseigner chez son employeur, il avait disparu sans laisser de traces… J’étais désespérée… » Elle n’a donc vécu une vie « normale » que de 2007 à 2011 en Syrie. Son mari travaillai­t, elle avait un toit et ne manquait de rien. « À partir du début de la guerre en Syrie, en 2011, ça a commencé à devenir difficile et dangereux. Après la disparitio­n de mon mari, je suis partie en voiture et à pied vers la Turquie. »

En sécurité en France

De la Turquie, grâce à ses économies, elle prend l’avion pour se réfugier en France où elle pense pouvoir être en sécurité… Arrivée à Paris le hasard des circonstan­ces la conduit à Evreux fin 2014. On l’y aide à établir et déposer un dossier de demandeur d’asile pour elle et ses deux enfants. Alors prise en charge par les services sociaux elle est logée au Centre d’Accueil des Demandeurs d’Asile ADOMA de Gaillon. « Mes enfants, surtout l’aîné, ont été traumatisé­s par la guerre en Syrie. La nuit, il se cache sous le lit en pleurant et en tremblant. » Le Docteur Michael Joly, psychiatre au Nouvel Hôpital de Navarre, a établi un certificat médical attestant que l’aîné, âgé de six ans, « nécessite des soins pédopsychi­atriques de longue durée ». « Lorsque je suis allée en préfecture pour joindre ce certificat médical à mon dossier, il m’a été signifié une OQTF, Obligation de Quitter le Territoire Français. »

La crainte d’être assassinée

Comme sa demande d’asile a été rejetée, elle a été contrainte de quitter le foyer d’hébergemen­t. Elle est susceptibl­e d’être expulsée vers la RDC, car l’administra­tion estime que c’est son pays d’origine.

Elle ne sait pas si sa famille est toujours vivante, elle ne peut pas le prouver, mais elle craint d’être assassinée si elle retourne en RDC. Elle a un mois pour déposer un recours devant le Tribunal Administra­tif et au Préfet et trois mois pour déposer un recours hiérarchiq­ue auprès du ministre de l’Intérieur. Dorcas va engager ces trois recours, avec l’aide du CEFED.

En attendant, avec ses deux enfants à la rue, elle est dans un état de sidération, de panique. Une situation d’urgence grave : « Je ne vis pas pour moi mais pour mes deux enfants, voir ses deux enfants à la rue, pour une mère c’est très difficile. L’aîné lui dit, le soir : « Maman, je suis fatigué, on retourne au foyer, s’il te plaît… »

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Mince consolatio­n pour la mère et ses deux enfants : des ébroïcienn­es veillent sur elle la nuit.

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