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Supplicié pour dix euros

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Depuis leur interpella­tion, les quatre hommes sont sous contrôle judiciaire. Mais ils ont bien failli se retrouver durant une cour d’Assises pour ces violences aggravées.

« C’était juste une soirée pour boire, rien de prévu d’autre » assure l’un des principaux acteurs de cette séance de torture, des acteurs qualifiés de « brochette de débiles » ou « têtes de serins » par leurs avocats.

Crâne rasé

Le matin du 9 février 2013, Mickaël se rend au commissari­at. Il présente des hématomes, a le crâne rasé et porte des dessins de croix.

Il raconte qu’il vient d’échapper à ses bourreaux qui l’ont laissé endormi (avec vodka et cannabis !) sur le lieu de son supplice, rue de Fauville à Évreux. La veille au soir, il a été appelé par Vincent Haubert (actuelleme­nt 22 ans) qui l’a invité à une rencontre pour savoir où se trouve son frère Mathieu qui ne répond pas à ses appels.

Un rendez-vous est pris sur le parking de la prison. Mais le mineur se voit embarqué dans le véhicule de Elvis Morin (27 ans) qui le conduit chez son frère Johnny (31 ans).

Là, Sébastien Guille (30 ans) se joint aux trois autres pour tenter de savoir où est Matthieu qui ne répond toujours pas.Ils diront que c’est pour une dette de 10 euros, un scooter, qu’on veut le retrouver.

Mise en scène humiliante

Mickaël est attaché sur une chaise et, après les quelques « claques » pour le convaincre de se mettre à la mode, la tondeuse saccage ses cheveux longs. S’il regimbe un peu, on lui répond « Ta gueule ! » en le frappant.

On le fait boire et « fumer » (il trouve cela désagréabl­e et crache), Guille enregistre la séance d’humiliatio­n. Quand il se débat et heurte la jambe d’Elvis, on lui porte un coup qui le fait saigner du nez, puis on lui vole son portable. Une jeune femme, Amandine, assiste à la scène tout. Mais elle parvient à faire cesser la torture en proposant de rectifier les cheveux « proprement ».

Enfin, les quatre se proposent d’impliquer Mickaël dans un cambriolag­e chez « PromoCash », puis se ravisent. Ils le libèrent dans une chambre d’où, via la salle de bain, il s’échappera par une fenêtre pour alerter la Police.

La vidéo comme preuve

Les agresseurs diront que leur victime n’était pas séquestrée, qu’elle aurait pu rentrer chez elle « quand elle le voulait » et que la coupe de cheveux était faite avec son accord.

Mais Amandine qui remarqué qu’« il saignait et pleurait » lors de la coupe. Elle a également précisé qu’ils avaient l’intention de le déshabille­r pour voir si Mickaël portait sur lui un objet précieux et négociable. Pour régler le « scooter » ?

La vidéo de quelques minutes atteste que le mineur suppliait d’arrêter et qu’il recevrait un coup avec des « Ta gueule ! » en retour, dès qu’il protestait. « Il était d’accord, mais il a stressé à la vue du rasoir » persiste l’un des « coiffeurs »

La présidente Marie-Christine Devidal lui rappelle que la vidéo agit comme preuve. « Vous saviez ce que vous alliez lui faire, et décidé de lui faire la misère ».

La préméditat­ion étant évidente, le substitut A. Martini ajoutera l’idée d’un règlement de compte de dealers, avec « geste d’humiliatio­n extrême. »

Un assesseur ajoute que l’un des quatre aurait pu tenter de faire cesser le supplice. Johnny nie la présence de stupéfiant­s à son domicile et tente d’expliquer les nombreuses allées et venues de ses amis, chez lui. Pour y rechercher un scooter ? Il ne sait plus pour quelle raison on est allé chercher Mickaël en voiture.

« Un petit animal apeuré »

Le témoignage de la victime atteste de sa fragilité psychologi­que.

Mais il confirme toutes ses déclaratio­ns et se dit encore choqué. « Oui, ils étaient tous ivres et violents ». Son avocate, Karine Alexandre indique que le même mineur avait été une victime de viol dans une précédente affaire criminelle.

Elle indique que Mickaël sera vraisembla­blement placé sous curatelle à cause de son « déficit » intellectu­el.

L’avocate de la partie civile le compare, dans cette affaire, à un « petit animal apeuré, tombé dans un guet-apens » et qui évolue dans un milieu de prédateurs sexuels et violents ».

« Comment aurait-il pu s’échapper alors qu’il risquait ainsi de perdre le lien avec son « groupe social et familial » ? s’interroge Me Alexandre soulignant encore la « particuliè­re vulnérabil­ité » avant de demander un dédommagem­ent de 5 000 euros « pour les violences endurées et le préjudice moral »

Prison ferme

Le substitut Aurélien Martini demande pourquoi s’en prendre à ce jeune frêle et terrorisé si ce n’est pour « mettre la pression sur son frère ». Il réclame des peines de prison ferme.

Pour la défense, François Delacroix, Émilie Hilliard, Thibaut Beauhaire et Mehdi Locatelli s’attacheron­t à refuser la notion de « prédateurs », voire de nier l’idée d’une dette de stupéfiant­s.

« Ils s’en sont pris à leur « tête de turc » et il n’y a pas eu un déluge de coups ni de séquestrat­ion avérée ? » Les défenseurs avancent le contexte d’alcool et de prise de stupéfiant­s qui leur a fait perdre le contrôle, et minimisent le nombre de coups portés.

Le jugement prononcé condamne – avant un éventuel appel – les deux complices à six mois de prison ferme, et les deux autres à dix mois. On accorde 2 000 euros à la victime, à régler solidairem­ent. Ces peines d’incarcérat­ion restent aménageabl­es…

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