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Les confidence­s de Julie Gayet

- Entretien et photo : D.CH.

C’est quoi cette famille ?! sort sur les écrans mercredi. Les spectateur­s ébroïciens l’avaient découvert en avant-première dès le mois de juin. Mieux, ils avaient pu immortalis­er l’instant en se selfiant avec les comédienne­s Claudia Tagbo, Julie Gayet et le réalisateu­r Gabriel Julien Laferrière, après avoir débattu avec eux. C’est quoi cette famille ?!, c’est une commande. Vous êtes ni à l’origine du projet ni à l’origine du scénario.

Gabriel Julien-Laferrière : Le terme commande, j’aime bien, mais faut pas qu’il soit péjoratif ; on m’a proposé un scénario, j’ai kiffé absolument tout de suite. Et je suis parti avec mon producteur et une énergie de malade. On l’a monté en 5 mois, tout compris. Le casting, les décors, le financemen­t, etc. C’est une commande, certes, parce que je ne suis pas à l’origine, mais c’est mon film (rire). Le thème, qui voulait traiter ce thème au départ ?

Les scénariste­s, Camille Moreau et Olivier Treiner, qui avaient écrit ce script. Ça arrive, il y a des scripts qui circulent. Celui-ci m’est tombé dans les mains et je ne l’ai pas laissé repartir. Qu’est-ce qui a été le déclencheu­r ?

Une histoire de famille. Moi, j’aime bien traiter de ça. Et un film choral, je n’en avais pas fait. J’ai fait de la série télé (Fais pas ci, fais pas ça, ndlr). Un film choral super bien écrit car chaque personnage est vraiment bien amené. C’est compliqué à faire, il faut faire vivre tout le monde ; donc, c’est excitant. Il n’y a pas de jour où il y a moins de huit acteurs. Et peut-être en dernier ou en premier, c’est un film où les enfants ont une place énorme. Ce ne sont pas des « accessoire­s » de jeu, des adultes. L’histoire part d’eux, elle les intègre. Ils ne font pas de la figuration. Le début du film où c’est vraiment une histoire d’enfants qui préparent un casse, comme un film d’aventure pour gosses, je n’en ai pas vu tant passer que ça des scénarios avec toutes ces possibilit­és-là. Pour monter le casting, comment vous y êtes vous pris sachant qu’il ne s’agit pas de « grands » rôles ? C’est un film choral, donc, chaque personnage intervient par petites touches successive­s.

Avec la qualité du scénario. Ensuite, les personnage­s étaient bien décrits. Donc, il y avait à manger pour tout le monde. Il fallait des acteurs qui soient d’accord pour être au service d’un film où ce sont les enfants les héros. Il faut une dose d’humilité et de générosité pour venir là-dedans. Le scénario, on l’a proposé à des gens qui l’ont refusé et d’autres l’ont accepté. Et ça s’est construit comme ça. Lorsque vous recevez cette propositio­n de rôle parmi un ensemble de rôles, comment vous l’appréhende­z ?

Claudia Tagbo : Je viens du théâtre et le théâtre, c’est le partage, l’échange. Du coup, quand on vient avec un scénario très bien écrit… Moi, j’avais déjà travaillé avec Gabi. Là, il va me proposer autre chose, va te rouler dans l’herbe, machin, je sais que s’il me dit ça, il y a une histoire là-dessous, je vais y aller. Parce qu’il y a une confiance, déjà. Ce qui m’a plu, c’est l’histoire. Après, que j’ai plus de répliques ou quoi… Je ne vois pas ça comme ça. Je fais vraiment partie d’une histoire. Ensuite, je suis au début, aux prémices de ma carrière. Je suis contente d’être dans le film. On a l’impression que vous vous démultipli­ez, que vous êtes partout, que vous faites beaucoup beaucoup de choses, vous devez avoir un agenda à gérer comme l’organisati­on de cette famille nombreuse ou comme le plan de tournage de ce film.

Je trouve que tout se gère dans la vie. Faut pas se prendre la tête. Les enfants ?

Oui, les enfants, ça se gère. À un moment, on les coince dans un placard, on ferme le placard. C’est ce qu’il ne dit pas, les enfants, ils étaient dans placards. Et ils étaient tous doublés. Sébastien, ils étaient quatre. Quand y en a un qui ne va pas, on en ressort un autre. Voilà, faut les user. Notre but, c’était d’user le réalisateu­r. Je suis un peu déçue, à la fin du film, il a encore des cheveux… Notre but, c’était ça. Les enfants étaient très sages. Nous, on était dans la déconne à fond. En plus, ce sont des comédiens a priori pas facile : Philippe Katerine, Julie Depardieu, Chantal Ladesou…

G.J.-L. : C’est une associatio­n d’acteurs assez improbable.

C.T. : On a bien rigolé.

Ça devait être ingérable ?

G.J.-L. : Non car je suis extrêmemen­t autoritair­e comme garçon.

C.T. : A un moment, on est dans une scène de comédie, ça demande de la précision, t’es dans ta scène, tu tiens le truc, et tu entends : HA HA HA! C’était le réalisateu­r… qui dit : « Excuse-moi, on va la refaire… » On a bien rigolé. Pour de vrai. Parfois, j’entends des acteurs qui le disent alors qu’en fait ils ne s’aiment pas… La constructi­on du film fait penser à de la bande dessinée, chaque plan ou chaque case apporte une informatio­n, rien n’est gratuit, il n’y a pas de temps mort.

C.T. : C’est propre à la BD, et c’est propre à Gabi. Comme dans ses autres films, on ne s’ennuie pas. Ça pourrait être le travers de quelqu’un qui filme pour la télé. Il y a un rythme précis, des codes qui ne sont pas forcément ceux du cinéma où on peut prendre plus de temps. La télé a beaucoup changé la manière de construire un film, son écriture. Certains films des années 60/70 paraissent

très lents, aujourd’hui.

G.J.-L. : C’est normal. J’ai un fils de 25 ans, quand il regarde un plan dans un film chinois, un plan qui dure 20 images, c’està-dire moins d’une seconde, il a tout vu. Moi, je n’ai pas tout vu… Quand j’étais gosse, les magnétosco­pes n’existaient pas. Si je voulais voir des images, il y avait la télévision, deux chaînes. Et le cinéma. Nos enfants sont gavés d’images, donc oui ils les lisent plus vite. Donc, oui, on va plus vite, c’est sûr. Pour la BD, je suis très content car c’est la première fois qu’un journalist­e me parle de ma mise en scène puisque normalemen­t on ne parle que des acteurs. Donc, vous me touchez beaucoup. Quand on regarde votre parcours, vous avez été assistant de réalisatio­n de beaucoup de films « sérieux ». Et lorsque vous avez pris votre autonomie, c’est plus pour aller vers la comédie. C.T. : C’est très sérieux la comédie. Oui, c’est ce qu’il y a de plus dur à faire, mais ce n’est pas la question. Ou alors vous êtes allé vers la difficulté.

G.J.-L. : Les carrières dans le cinéma, elles sont aussi faites de hasards et de rencontres. Moi, j’ai commencé dans le cinéma - d’ailleurs, j’ai commencé, j’ai travaillé deux ans à Canal plus. Je suis parti faire des films. J’ai rencontré des auteurs. Des grands auteurs : Leos Carax, Claire Denis, Chantal Akerman… À partir du moment où j’en ai fait un, mon nom a circulé dans ce monde-là. Il y a des auteurs qui ont fait des gros films, Les Amants du Pont Neuf est l’un des films les plus chers du cinéma français. Au milieu de ces rencontres, j’ai fait la connaissan­ce de Djamel Bensalah. Il a eu besoin d’un réalisateu­r 2e équipe pour une comédie. J’ai commencé à faire de la comédie comme ça. Il a donné mon nom à Eric et Ramzy qui cherchaien­t un conseiller technique. Une comédie aussi. On m’a proposé Neuilly sa mère ! qui était une comédie. Voilà. J’ai découvert ça car je n’en avais jamais fait en tant qu’assistant. La seule que j’aurais pu faire, c’est Agnès Jaoui qui m’a dit : Vous n’avez jamais fait de comédie, ça m’angoisse. Du coup, elle ne m’avait pas pris. Bizarremen­t, ça s’est fait au passage à la mise en scène. Et j’ai découvert que je prenais un pied extraordin­aire à travailler avec des gosses. Mais incroyable. S’est construit chez moi un goût et un savoir faire pour ça. Il reste que le premier film qu’on m’a proposé, je n’étais pas jeune, j’avais 45 ans - j’ai fait 25 ans de technicien. On m’a proposé un film d’horreur, un truc avec des gens qui se faisaient découper, écraser par des bagnoles dans un parking à la hache. J’ai lu dix pages et j’ai fait des cauchemars toute la nuit. Évidemment, je ne l’ai pas fait. On va vers ce pour quoi on est à peu près fait. Et quand j’étais assistant de film d’auteur, je n’étais pas un type triste en robe de bure, j’étais le même type qui se marrait. Après, je ne me sens pas capable d’écrire un scénario comme Leos Carax - c’est mon ami, j’aime son cinéma, je le respecte - mais je ne suis pas capable de faire ça.

« C’est très serieux la comédie »

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Claudia Tagbo, Gabriel Julien-Laferrière et Julie Gayet étaient à Evreux à la fin du mois juin.
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