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Sida, 10 % de patients en plus dans l’Eure

De concert avec l’associatio­n l’Abri et le centre hospitalie­r Eure/Seine, le docteur Pathé - référent VIH dans le départemen­t - propose, jeudi, une conférence sur le thème «la fin espérée de l’épidémie»…

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Avant toute chose, que pensez-vous des réactions homophobes suscitées par la campagne d’affichage antiSida ?

Elles s’inscrivent dans un contexte de grande méconnaiss­ance, voire de crispation. Mais pour moi qui exerce depuis 1996 à Évreux, je trouve ces réactions découragea­ntes, voire peu réjouissan­tes. À l’inverse, je pointe un outil de communicat­ion qui souffre d’un défaut d’informatio­n : tous les homosexuel­s traités ne sont pas contaminés.

Pourtant, cette campagne s’inscrit dans un cadre préventif !

Elle est d’autant plus justifiée qu’on a les moyens de mettre en avant une prévention. Sans elle, cela ne sert à rien de cibler les gens. Ainsi, depuis 2012 et les tests menés sur les homosexuel­s à San Francisco, on sait que les médicament­s - le Truvada pour ne pas le nommer - sont efficaces.

« Déficit de dépistage en France »

Quels sont les grands thèmes de la conférence organisée jeudi (*) ?

On part du principe que l’épidémie sera éradiquée à l’horizon 2030, à condition d’élargir le dépistage des patients. Si 90 % des séropositi­fs sont dépistés et qu’ensuite, 90 % des dépistés suivent un traitement, nous pouvons être en mesure de relever le défi !

Vous évoquiez différente­s formes de traitement.

Les tri-thérapies initiales évoluent progressiv­ement vers une bi-thérapie, voire une mono-thérapie de maintenanc­e nettement moins contraigna­nte. Tous ces éléments nous laissent à penser qu’on peut contrôler l’épidémie, sans oublier l’évolution naturelle du VIH qui finit par s’adapter à l’autre. Au Botswana, en Suisse ou en Suède par exemple, on enregistre 100 % de diagnostiq­ués ! Et non en France ? Notre pays pâtit d’un déficit de dépistage. Et nombre d’homosexuel­s, notamment ceux vivant dans le quartier du Marais, sont toujours rétifs à l’idée de suivre les campagnes distillées par les hétérosexu­els. Ils forment une véritable communauté, avec ses propres codes, et préfèrent le Truvada - autorisé depuis janvier 2016 - au préservati­f. C’est leur choix, pas question de le contester, d’autant que sur les 2 000 premiers traités avec le Truvada, on n’a noté aucune contaminat­ion.

250 patients dans l’Eure

Quelles sont les population­s les plus exposées ?

La communauté homosexuel­le est touchée à 40 %, de même que les migrants hétérosexu­els, sensibleme­nt dans les mêmes proportion­s. En janvier prochain d’ailleurs, ces derniers devaient également faire l’objet d’une campagne de prévention. Mais au vu du «climat ambiant», elle a été annulée.

L’an dernier, lors d’une précédente rencontre, vous pointiez du doigt une maladie encore très agressive !

Le gros bémol nous vient d’Europe de l’Est, et notamment de Géorgie, Ukraine et Russie. Auparavant, ces pays bénéficiai­ent de fonds mondiaux de financemen­t. Ce n’est plus le cas. Du coup, les gouverneme­nts abandonnen­t une partie de leurs programmes sanitaires et délaissent, comme en Russie, les toxicomane­s, très touchés par le Sida. Il faut savoir qu’un seul cas index peut générer 5 000 contaminat­ions.

A-t-on idée du nombre de décès provoqués par le Sida ?

En 2015, étaient répertorié­s de par le monde, 36 millions de séropositi­fs. Un million est décédé et deux ont été contaminés. En France, on recense 150 000 séropositi­fs, soit 2,3 cas pour 1 000 de la population globale. Mais s’ils ne suivent pas de traitement, 9,7 % d’entre eux seront contaminés dans l’année.

Vous exercez dans l’Eure depuis une vingtaine d’années. Comment évolue la situation ?

Aujourd’hui, je soigne 250 patients. Soit, d’une année sur l’autre, une augmentati­on de 10 %. Parmi les nouveaux contaminés, on répertorie 50 % d’homosexuel­s et 50 % de migrants. Mais globalemen­t, ces chiffres sont à rapprocher des données nationales, avec une moyenne d’âge de 48 ans pour les malades hommes, et 43 ans pour les malades femmes… Propos recueillis par A. Guillard (*) Maison de Quartier de La Madeleine (19 h 30).

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Référent VIH dans l’Eure, le docteur Jean-Paul Pathé a vu le nombre de ses patients augmenter de 10 %.

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