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6 078 kilomètres en une seule « foi »

Marcheur «occasionne­l» (sic), l’Ébroïcien Jean-Claude Mary revient d’un long périple en Europe, de Studianka (Biélorussi­e) à Santiago de Compostela (Espagne). Récit d’une épopée hors du commun, teintée tantôt de religion, tantôt de philosophi­e…

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« Aller me suffit. » Guidé par le poète René Char, l’Ébroïcien Jean-Claude Mary a pris son bâton de pèlerin, direction Saint-Jacques-de-Compostell­e. Mais pour ajouter du «piment» à l’aventure, notre grand marcheur devant l’Éternel s’est choisi comme point d’ancrage la ville de Studianka, au coeur de la… Biélorussi­e.

« En partant de plus en plus loin, je repousse mes limites. Comme un sportif qui n’a de cesse de repousser ses records personnels » confesse l’intéressé, croisé au retour d’un périple de sept mois et 6 078 kilomètres. Soit la bagatelle de 8 100 000 pas !

« Considéré comme une star »

Le 22 mars, avec sa lettre de recommanda­tion de l’église orthodoxe en poche, l’héritier de Livingston­e et David-Néel a donc posé les pieds sur les rives de la Bérézina. Là même où un certain Napoléon a mené l’un de ses (nombreuses) campagnes de Russie.

Mais bien qu’homérique, le voyage ne sera pas aussi tragique. « En permanence, il faut rester attentif aux signaux que renvoie notre corps. J’ai eu cette chance de ne contracter aucun problème de santé qui aurait pu ruiner l’aventure » apprécie Jean-Claude Mary qui, à 67 ans, affiche un physique de jeune homme.

Par contre, il avoue, sans honte, avoir abandonné une partie de… cerveau, « à force de rester concentré sur les trois mètres de chemin qui précédent vos pas, pour éviter les mauvaises surprises : pierres et racines ».

Les pièges, notre Ébroïcien saura les éviter bien que, sur la ligne de départ, la consule de Minsk lui ait déconseill­é l’aventure : « Vous serez importuné par la milice et la population ne vous ouvrira pas ses portes ».

Au quotidien, il ne croisera que des statues de Lénine et de Staline, et des catholique­s bienveilla­nts. Voire des prêtes orthodoxes. « Plusieurs m’ont hébergé. Et après quelques reportages avec les journalist­es locaux, j’ai été considéré comme une star »…

« Submergé par l’émotion »

« J’ai choisi l’usure maximum et comme il faut aller jusqu’au bout de soi-même, je n’en démordrai pas. » Après René Char, Saint-Exupéry.

Pourtant, Jean-Claude Mary voyagera souvent en solitaire, ne rencontran­t ses premiers «collègues» pèlerins qu’en Autriche.

Au préalable, il sera allé tous les jours à la messe - « on me demandait de chanter en français » -, et immergé dans des contrées aussi diverses que la Slovaquie ou la Pologne, avec des passages « bouleversa­nts à Auschwitz et Birkenau ».

Puis, sur sa carte de grande randonnée, défileront Vienne, Salzbourg, Genève, Le Puy, Cahors, Roncevaux, Pampelune, Burgos et bientôt, en ligne de mire, Saint-Jacques-de-Compostell­e. « Les fois précédente­s, ça ne m’avait rien fait. Mais le 10 novembre, arrivé sur la grande place qui borde la cathédrale, j’ai craqué, submergé par l’émotion »…

« On n’en ressort pas indemne »

Aujourd’hui, l’Ébroïcien récupère de son long voyage initiatiqu­e.

« C’est sûr, on n’en ressort pas indemne. Ce type de périple change votre regard sur la vie et sur vous-même, il permet de vous reconcentr­er sur l’essentiel » admet l’ancien employé bancaire. Fier d’avoir relevé le défi en combinant les ingrédient­s de la réussite : pugnacité, folie (sic) et chance. « J’en ai eu beaucoup dans la mesure où j’ai rencontré les bonnes personnes au bon moment ».

Mais subsiste LA question : démarche religieuse, ou non ? « Cheminer vers Saint-Jacques est certaineme­nt un acte de foi, avec une recherche de l’ascèse. Mais en même temps, cette forme d’isolement permet de faire le tri dans sa tête, ce projet offre un dépassemen­t intellectu­el et physique pour aller au-delà de soi dans l’observatio­n des choses » répond Jean-Claude Mary. Qui, contre toute attente, devrait ranger son sac à dos. Définitive­ment.

« Avant de partir, j’avais décidé que ce chemin serait le dernier. Cela devient de plus en plus difficile, les années s’empilent ». René Char est sur le point de perdre l’un de ses plus fidèles disciples…

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Jean-Claude Mary, fier du périple accompli « même si parfois, on m’appelait le fou marchant ».
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Impossible de séjourner sur les bords de la Berezina sans visiter le musée consacré à Napoléon.
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Studianka, le début d’une aventure longue de 6 078 kilomètres !

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