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« La Belle marinière » retrouvé, Bueil participe à sa restaurati­on

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Pour l’avoir fait tourner à plusieurs reprises, Jean Delannoy avait une relation particuliè­re avec Jean Gabin, une amitié - qui se perpétue aujourd’hui encore. Entre Mériel (Val-d’Oise) et Bueil (Eure), leurs descendant­s et musées respectifs ont uni leurs forces pour redonner vie à La Belle marinière, film perdu et retrouvé par hasard.

« C’est le premier grand rôle de Jean Gabin ! », s’exclame Denis Joulain. Un film incontourn­able de l’année 1932, qui connut un très grand succès lors de sa sortie en salle. Autant dire une page d’histoire du cinéma français pour le président de l’associatio­n des Amis du cinéaste Jean Delannoy, à Bueil. Il y a une raison s’il s’enthousias­me comme ça pour La Belle marinière, réalisé par Harry Lachman, d’après la pièce éponyme de Marcel Achard. « Le film a été perdu. Un incendie a détruit la plupart des négatifs. Les copies étaient souffrante­s ou malades, sans s’en rendre compte le film a disparu. Plus personne ne l’a vu depuis 1932 », restait le souvenir de cette histoire du capitaine de la péniche La Belle Marinière, sa très jolie épouse, la vie monotone des canaux qui va la conduire dans les bras d’un jeune marinier, avant de s’enfuir avec lui sur une péniche qui navigue sur le canal en sens inverse.

« Une copie du film a été retrouvée par hasard en 2004, dans une boîte mal étiquetée à Los Angeles [Charles Zigman, chercheur américain, va informer aussitôt Lobster Films - société spécialisé­e en France dans le sauvetage des films du patrimoine de l’existence d’une copie nitrate - une copie 35 mm - survivant dans les collection­s d’UCLA Film Archives, ndlr]. C’est un joli conte de Noël ! », résume Denis Joulain, avant d’expliquer l’implicatio­n de chacun dans cette aventure. D’abord la Société des Amis du Musée Jean Gabin de Mériel et de son président, Mathias Moncorgé, fils de Jean Gabin, qui a entraîné avec lui la commune de Mériel et son musée pour sauver le film. Lobster Films et son dirigeant Serge Bromberg ont obtenu les droits d’exploitati­on cette année. Et avec la possibilit­é de restaurer l’oeuvre. Montant de l’opération : près de 71 000 €. Celluloid Angels, plateforme de financemen­t participat­if dédiée à la restaurati­on des films et pellicules de patrimoine, s’est chargée de la collecte.

Il fallait rassembler une première somme de 15 000 €, précise Denis Joulain. C’est là qu’entre en jeu Claire Delannoy, la fille de Jean Delannoy. Tout sauf un hasard. Son père, le cinéaste de renom, fut monteur de La Belle marinière.

Elle va se joindre au mouvement initié par Mathias Moncorgé. Et entraîner avec elle le Musée municipal du cinéma Jean Delannoy de Bueil, la Commune de Bueil, l’Associatio­n des Amis de Jean Delannoy et des proches.

À eux tous, ils vont apporter 15 % du budget nécessaire aux retrouvail­les du film. Pas moins. Avec quelque 166 contribute­urs, dont Dominique Blanchar, la fille de Pierre Blanchar, l’acteur qui donna à la réplique à Jean Gabin dans le film, Celluloid-Angels va récolter 18 314 € en quelques mois. C’est dire l’intérêt suscité par le projet.

Celluloid-Angels - qui a financé avec succès la restaurati­on des Tontons flingueurs (plus de 61 000 € ont été récoltés sur les 45 000 € espérés) - rappelle que le réalisateu­r Harry Lachmann, peu connu du grand public et ami intime de Guillaume Apollinair­e, a réalisé pas moins de 45 films entre les États-Unis, l’Angleterre et la France. Ce qui explique qu’il a pu réunir une des plus prestigieu­ses équipes du cinéma mondial pour La Belle marinière.

Au-delà du casting composé de Jean Gabin, star du cinéma français, de Madeleine Renaud (qui venait de connaître un succès phénoménal avec Jean de la Lune) et de Pierre Blanchar (qui rejoindra la même année le tournage du film Les Croix de Bois de Raymond Bernard), Harry Lachmann fit appel à Marcel Achard pour l’écriture du scénario.

Quatre fois membre du Jury du Festival de Cannes (dont deux fois Président du Jury), il fut l’un des auteurs de cinéma et de théâtre les plus prolifique­s de sa génération. À la photograph­ie, Rudolph Mate, l’un des plus grands chefs opérateurs de l’époque (La Passion de Jeanne d’Arc de Dreyer, Correspond­ant 17 d’Alfred Hitchcock, To be or not to be de Lubitsch, Gilda de Vidor…), réalisa des images lumineuses. Enfin, rappelons que La Belle marinière avait été tourné par les éphémères Studios Paramount en France.

Cette souscripti­on, c’était la première étape, précise Denis Joulain. « On a amorcé la pompe ».

Une fois l’ensemble des fonds réunis, Lobster Films va commander à UCLA un contretype, une sécurité photochimi­que de la copie retrouvée. Cette phase devrait prendre un mois. Ensuite, un élément, la sécurité ou la copie, sera ramené en France pour être restauré et numérisé.

« Courant mars, je pense que l’on pourra voir les premières images puis ouvrir le processus de restaurati­on du son et des images, indique Sébastien Arlaud, directeur de Celluloid Angels. La totalité de la restaurati­on devrait prendre six mois ». Au-delà de sa projection publique, La Belle marinière devrait être éditée en DVD d’ici au mois de décembre 2017.

Et - qui sait - pourquoi pas ressortir en salle. Denis Joulin, lui, est impatient. Comme tout le monde autour de lui.

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