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Bananes nostalgiqu­es

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On connaissai­t cette série de photos issue des années 80, son auteur le photograph­e ébroïcien Gil Rigoulet. Accompagné d’un sociologue ès rock’n’roll, il était à la médiathèqu­e d’Évreux dernièreme­nt pour dédicacer son livre Rockabilly 82 et retrouver Doumé, Laurent, Marco ou Michel, quelquesun­s des jeunes qu’il a immortalis­és il y a plus de 35 ans. Dans le public, certains étaient là pour (re)voir ceux qui hantaient leurs souvenirs d’enfants d’alors. Faut dire qu’àl’époque, cette bande de jeunes, leurs bananes et leur mode de vie inquiétaie­nt les passants plus qu’ils ne les rassuraien­t. Eux souhaitaie­nt juste se différenci­er. Souvenirs souvenirs.

«Le blouson en jean, je l’ai encore». Samedi 4 février 2017. Un rétroproje­cteur affiche en très grand sur écran une photo de la série Rockabilly 82, de Gil Rigoulet. Des gars jeunes et fiers sur le Miroir d’eau, la banane au vent, avec la cathédrale en arrière-plan. Sur la gauche, Marc se tourne vers nous, de trois quarts, toise 2017 de ses années 80, dans un échange improbable avec son double plus âgé. «On était tous ensemble», se souvient Marco. Les gens nous voyaient, nous critiquaie­nt, mais on s’en foutait. Pour nous, le principal, c’était d’être bien dans notre peau. On écoutait de la musique et c’est tout». Marc a quitté la ville depuis - il vit dans l’Orne. «Je reviens souvent à Évreux. Par nostalgie», admet-il. «Voir les copains. Boire un coup. Discuter du présent. Du passé.» Pas forcément ceux qui sont immortalis­és sur ces clichés : «Certains sont partis, à l’étranger… La vie fait que… On est là ! C’est sympa de revoir ces photos. Ce sont les meilleures années. Moi, je dis toujours, les meilleures années dans l’existence, ce sont ces années-là. J’avais 21 ans. On avait tous cet âge-là. On était tous d’Évreux, que du quartier de Saint-Michel. À part Michel qui était de la Madeleine et deux ou trois gars de Gravigny». La foi, la banane ne l’ont jamais quitté. Ou presque. «Je me suis marié, ma femme - mon ex-femme - m’a dit : Ouais, nanani… J’ai dit : bon, écoute, on va changer. Pour lui faire plaisir. J’ai coupé machin, banane, habillé comme monsieur Tout le monde. Faire proutprout comme tout le monde». Ils se sont séparés, la banane a repoussé. «J’ai repris mes vieux disques, mes vinyles, et après… (il inspire une grande bouffée d’oxygène… et souffle…). Tu écoutes un morceau et tu te dis : Putain, ce morceau-là ! Oui. Alors t’imagines quand on allait en boîte à Rouen, au Ranch, avec les gars de Rouen. On écoutait du Gene Vincent, du machin et on s’fendait la gueule. Han !» Comment a-t-il attrapé le virus ? «C’est vrai que dans les années 60, Évreux, c’était rempli d’Américains. Bon, c’était ça, la Base n’était pas loin, tout ça. Ça faisait vivre les gens qui étaient sur Évreux.

Moi, je sais que j’avais deux, trois disques à la maison, mes tantes avaient apporté ça. Au début, j’avais accroché. Puis, on est comme tout le monde, on s’arrête. À l’époque, il y avait d’autres musiques. Puis, au fil du temps, on s’aperçoit que c’est cette musique-là. Moi, je suis retourné sur le rock’n’roll. Ça a fait tilt tout de suite. Avec les disques ou les films qu’on voyait à la télé. Un copain achetait ceci, moi j’achetais cela, de fil en aiguille, le bouche-à-oreille, c’est tout, c’est ça. » de la sortie du livre qui a été édité en juin chez André Frère Éditions, explique le photograph­e Gil Rigoulet (photograph­e depuis 1975, il a collaboré au Monde pendant une vingtaine d’années où il sera le premier photograph­e attitré, il croisera Cartier-Bresson ou Doisneau, on lui doit une série célèbre de photos sur la Piscine Molitor). Il fait suite à une plongée dans mes archives. Il y a beaucoup de choses que j’avais laissées comme ça, parce que j’ai commencé à travailler en presse dans les années 70/80. Et après, j’ai travaillé pour la grande presse, j’ai été très pris. Et durant plus de trente ans, j’ai laissé ces archives de côté. Et, petit à petit, je me suis dit : Il y a quand même des choses intéressan­tes dans tout ce que j’ai fait. Et j’ai remonté cette série de rockabilly que j’avais photograph­iée, à la base, pour La Dépêche. Et que je ne ressors que maintenant.

Une série d’images unique en France

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