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Prison ferme pour les justiciers de La Madeleine

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Une sombre affaire de famille a provoqué des règlements de comptes en cascade d’une rare violence. Expédition punitive avec battes de base-ball et barres de fer, coups de feu sur la façade d’un immeuble, enlèvement et séquestrat­ion… En quelques jours seulement, les protagonis­tes de l’affaire ont enchaîné les pires exactions.

Pourtant, l’origine du conflit est d’une affligeant­e banalité.

Courroucée de constater que son conjoint parle toujours à son père, une femme veut avoir des explicatio­ns. Le 21 septembre 2014, vers 18 h, elle se rend au pied d’un immeuble de la rue Paul-Langevin à Évreux et demande à voir son beau-père. Ce dernier, en proie à des problèmes cardiaques, refuse de la rencontrer. Reste que les demi-soeurs du conjoint, qui se trouvent dans le même appartemen­t, ne sont pas du même avis. Elles descendent donc et c’est le crêpage de chignons. Résultat : la femme qui voulait en savoir davantage est griffée au visage. Ce qui… déplaît à son fils. Rapidement celui-ci, Raphaël Bobo, 18 ans à l’époque, fait appel à des copains qui déboulent dans la cage d’escalier de l’immeuble armés de battes de base-ball et de barres de fer et tentent d’entrer dans l’appartemen­t. Fort heureuseme­nt, Abel Dasylva, 26 ans lors des faits, compagnon de l’une des demi-soeurs parvient à calmer tout ce petit monde.

Ce n’est que partie remise car dès le lendemain, vers 23 h, des coups de feu sont tirés dans la nuit. Alertés, les policiers trouvent au sol des cartouches de chasse à plombs et à balles et constatent que les vitres et la façade de l’appartemen­t du 4e étage sont endommagée­s. Interrogée, l’une des occupantes confie qu’elle se rendait dans la cuisine pour faire chauffer un biberon quand la fenêtre a volé en éclats. Elle a éteint la lumière et s’est mise à l’abri.

L’enquête a ensuite permis de remonter jusqu’à Raphaël Bobo et à un certain Kevin qui a endossé le premier rôle des justiciers de la Madeleine. À noter que, lors d’une audition ultérieure, Bobo a toujours nié avoir été présent même si des traces de poudre ont été trouvées sur son blouson.

Excès de testostéro­ne

La fin de l’histoire ? Pas vraiment car, le 24 septembre, Abel Dasylva fait monter de force Bobo dans sa voiture, l’emmène dans un endroit isolé et le roue de coups. Bilan : 11 jours d’ITT.

Au tribunal, les deux hommes, placides, offrent un contraste saisissant avec les événements.

Bobo, prévenu juvénile au regard doux, placé sous mandat de dépôt, affirme toujours qu’il n’était pas présent lors des coups de feu.

« J’ai frappé car j’étais stressé de voir mes enfants au milieu de la bagarre. En fait, j’ai juste eu peur que Raphaël Bobo revienne. Je lui refais mes excuses. J’ai agi trop vite » explique Abel Dasylva sous contrôle judiciaire.

Peut-être. Néanmoins le substitut du procureur qui estime que « les deux comporteme­nts sont inadmissib­les », demande respective­ment 12 et 18 mois de prison.

Le meilleur résumé de cette pitoyable affaire revient à l’avocate de Bobo pour laquelle « ce dossier qui transpire la testostéro­ne est d’une bêtise humaine sans limite ». Ce qui ne l’empêche pas de demander la remise en liberté de son client qui a déjà passé un certain temps en prison et des dommages et intérêts à Dasylva.

Raphaël Bobo a été condamné à 12 mois de prison et son maintien en détention est levé.

Abel Dasylva, qui écope de la même peine, devra verser 500 € à Bobo.

Enfin les deux soeurs qui occupaient l’appartemen­t recevront chacune 1 000 € de dommages et intérêts.

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