Faux médecin et vrai prévenu
Pierre Samper, 57 ans, demeurant à Manneville-la-Raoult, a toujours rêvé d’être médecin. Alors, il a parlé et vécu comme médecin, interprétant son personnage à la perfection ce qui lui a valu une première condamnation en 2011 pour usurpation de titre par le tribunal de Rouen.
Reste que le traitement infligé ne l’ayant pas guéri, il a repris son activité dès 2012 dans l’Eure et les départements limitrophes jusqu’à fin 2014, sa principale patientèle se trouvant dans le secteur de Beuzeville.
Diplôme acheté sur internet
Le praticien a délivré un certificat médical à l’adhérent d’un club de plongée.
Mieux, lors d’une visite à la mère d’une amie hébergée dans une maison de retraite, il a donné des consignes aux infirmières de l’établissement et modifié son traitement. Étonnant. Comme le fait d’avoir oeuvré pour l’Association Normande d’Escorte Cycliste (ANEC) dans le cadre de manifestations sportives.
Bien sûr, il avait demandé à cette association de lui fournir le matériel requis (stéthoscope, défibrillateur, etc.) avant d’enfourcher une moto d’accompagnement, casque avec caducée sur la tête.
Pour clore le tout, il a falsifié plusieurs ordonnances, ce qui a finalement attiré l’attention d’un pharmacien et conduit à sa perte.
Démasqué, l’usurpateur a bien tenté de prouver sa bonne foi en présentant un diplôme aux enquêteurs. Un diplôme… acheté par internet à une université virtuelle basée aux USA.
Il a aussi rappelé qu’il appartenait à une organisation internationale de médecins pour le compte de laquelle il s’était rendu au Venezuela. C’est du moins ce qu’il a fait croire à sa maîtresse après avoir disparu un certain temps.
« Cela m’a exalté »
Cheveux blancs, barbichette, fine paire de lunettes : au tribunal, le faux médecin incarne toujours son personnage avec talent.
La vraie présidente lui demande : « Vous avez déjà été condamné et vous continuez. Comment faites-vous ? »
Réponse de l’intéressé : « Je suis atteint de tremblement essentiel. J’ai effectué des études de médecine à Toulouse pendant cinq ans avant d’arrêter. Je ne pouvais pas faire l’internat en raison de mes tremblements ».
La présidente souhaite voir les papiers justifiant cette formation et ne peut les obtenir, ces derniers ayant, hélas, été égarés.
Après cet intermède, le prévenu reprend son histoire : « En 2012, j’ai été contacté par un neurologue qui m’a proposé un nouveau remède. On m’a posé des électrodes dans le cerveau et les tremblements ont cessé. Comme j’ai retrouvé l’usage de mes mains, cela m’a exalté. Reste que je n’ai pas repris mes études, car j’étais trop vieux ».
L’avocat du Conseil de l’ordre des médecins, partie civile, ne sourit guère. Car pour lui, la manipulation de dérivés morphiniques à shoot immédiat et d’anxiolytiques avec risques de somnolence, est dangereuse. Il estime par conséquent que « la qualité de médecin usurpée met en danger les personnes ».
Quant à l’ANEC, elle demande simplement la récupération du matériel saisi au cours de l’enquête.
Déni
Le procureur note, de son côté : « Cette histoire, qui prête à sourire, est inquiétante car nous sommes en présence de quelqu’un qui est persuadé d’avoir acquis un niveau suffisant ».
Enfin, pour la défense, les électrodes dans le cerveau ont entraîné de nombreux troubles notamment psychologiques. En prime, même si Pierre Samper se la joue socialement, les conséquences de ses actes sont négligeables. D’où sa conclusion : « Aujourd’hui, il a pris conscience et doit être soigné ».
Ce qui est confirmé par le docte prévenu : « J’étais dans le déni. Je ne comprenais pas dans quel état j’étais ».
Pierre Samper a été condamné à 2 ans de prison ferme, dont 18 mois avec sursis (mise à l’épreuve de 3 ans). Il est également soumis à une obligation de soins, et le sursis de 4 mois du jugement de Rouen est révoqué.
Le prévenu devra, en outre, verser 875,12 € à l’ANEC (le matériel saisi), 500 € étant accordés à l’Ordre des médecins pour préjudice moral, ainsi que 400 € de frais de justice.