Rolland Plaisance, sa vie, son oeuvre…
Décédé vendredi matin, Rolland Plaisance (*) laisse derrière lui un demi-siècle de vie syndicale et politique. Député, conseiller municipal, puis maire de 1977 à 2001, le «communiste de toujours» a indiscutablement marqué l’histoire ébroïcienne…
La vie de Rolland Plaisance est indissociable de celle d’Évreux, ville qui l’a vu naître, grandir et rendre son dernier soupir.
Entre les deux ? Une succession de coups de coeur et de coups de gueule, mais un attachement viscéral à la gauche. « Je voterai communiste ! » confessait encore le vieux lion à la veille des dernières élections municipales.
Homme du peuple
Né le 31 juillet 1925 dans une famille d’ouvriers agricoles, Rolland Plaisance a usé ses fonds de culotte sur les bancs de l’école publique de La Madeleine, route d’Orléans.
Il la quittera en 1941, brevet en poche et les… Allemands en ligne de mire. « Pour se protéger des bombardements, la population se réfugiait dans les grottes de Saint-Michel. Moi, j’étais resté avec mon arrière-grand-mère et ma tante dans la maison familiale. Elle s’est écroulée, j’ai dû les ranimer et les conduire à SaintFrançois où le lycée avait été transformé en hôpital. »
À la Libération, une rencontre va changer le cours de sa vie. Ou du moins le conduire sur les rivages communistes. « Un matin, j’ai vu débarquer un p’tit gars à vélo. Il arrivait directement de Paris avec, sur son porte-bagages, l’Humanité et l’Avant-Garde » Ces lectures façonneront sa rhétorique d’homme du peuple.
Il adhère alors aux Jeunesses Communistes et, bientôt, pousse les portes de la Sécurité Sociale. Où il est embauché comme rédacteur et militant CGT…
« De Gaulle nous a virés »
En 1953, Rolland Plaisance est désigné comme tête de liste des municipales. Dans son ouvrage Citoyen d’Évreux, il rapporte les difficultés d’alors.
« Nous avons eu quelques problèmes à constituer cette liste de vingt-sept noms, notamment dans la sphère ouvrière. Beaucoup de candidats craignaient la répression patronale ». Déjà bien implanté dans le milieu sportif et les quartiers de La Madeleine et Navarre, il fait jeu égal avec les socialistes d’Augustin Azémia (quatre conseillers élus) et talonne les radicaux d’Armand Mandle.
Trois ans plus tard, il entre à l’Assemblée nationale et dépose six rapports et propositions de loi, portant sur les problèmes de logement et de loyer, notamment en faveur des plus pauvres. Déjà.
Mais en plein débat sur les équipements collectifs et la répartition des HLM, « De Gaulle nous a virés ». 1958, la fin des illusions ? Malgré six nouvelles tentatives, l’Ébroïcien ne retrouvera jamais les bancs du Palais Bourbon !
Il se «console» sur les bords de l’Iton où, fidèle à la Gauche Unie, il lancera avec ses amis la future zone d’habitat de La Madeleine et la construction du lycée Aristide-Briand.
Sur le plan social, l’accueil des enfants en maternelle est en plein essor, avec des tarifs différenciés en fonction des ressources des parents. « Il fallait rompre avec la gestion conservatrice de nos prédécesseurs. Évreux ronronnait, autour d’un petit centre urbain bourgeois et privilégié ». En somme, les couches populaires n’avaient pas voix au chapitre…
Grand chelem
Indésirable à Paris, plébiscité sur les bords de l’Iton. En 1977, Rolland Plaisance signe la première levée de son grand chelem municipal.
Conseiller général d’Évreux Sud depuis six ans, il dispose de Bernard Blois au 2e tour (avec 52,34 % des voix) et succède à Augustin Azémia, à l’Hôtel de Ville. On croise, à ses côtés, Hubert Gourichon, Jacques Caron, René Girard et Solange Baudoux qui permettra à la cité de s’émanciper sur le plan culturel.
Elle sera des campagnes victorieuses de 1983, de nouveau face à Bernard Bois, et en 1989 devant un certain Jean-Louis Debré !
Éternelle cigarette aux lèvres, Rolland Plaisance rallie à sa cause Luc Tinseau, André Grandsire, Luc Cassius, Yves Saussaye, Michel Leblanc. La Gauche Unie toujours…
« J’aime évreux, c’est comme ça »
2001, on prend les mêmes et on recommence.
« J’aime Évreux, c’est comme ça » énonce Rolland Plaisance, impatient de briguer un nouveau mandat. Mais il la joue modeste. « Je n’ai jamais eu d’ambition personnelle, je rends service, c’est mon rôle de maire. »
Il se flatte, pourtant, de la baisse du chômage, l’ouverture de la RN 154, l’Opération de Renouvellement Urbain, l’arrivée des fonds structurels européens, le renouvellement des équipements sportifs et la mise en place de la Communauté de communes.
Mais le changement, c’est maintenant : au soir du 18 mars, le verdict tombe, Jean-Louis Debré est élu avec 53,21 % des voix. Vingt-quatre ans après l’avoir étrenné, Rolland Plaisance abandonne son fauteuil de maire.
« La campagne de la gauche n’a pas été à la hauteur. Mais j’ai subi une campagne d’intox et de calomnie comme jamais » commente le communiste déçu (déchu ?) à l’heure de refermer la parenthèse. Mais les vieux démons le ramènent à la réalité. En coulisses, il «consulte», voire conseille fortement.
« Trahison politique ! »
En 2008, il appelle à voter pour son «meilleur ennemi», Michel Champredon. « Certes, nous avons eu quelques problèmes. Mais à l’époque, c’était un jeune militant fougueux. »
Treize ans auparavant en effet, l’impétueux socialiste avait monté sa propre liste, au nez et à la barbe de son mentor. « Trahison politique » fulmina le vieux lion, pourtant plébiscité avec 40,58 % des suffrages alors que quatre candidats figuraient au second tour.
« Preuve que mon capital confiance n’était pas écorné. D’ailleurs, tout au long de ma carrière politique, je pense avoir noué des liens très forts avec la population. Mais l’une de mes plus grandes satisfactions, c’est d’avoir donné des logements aux gens » nous avait confié Rolland Plaisance peu de temps avant sa disparition.
Ce jour-là, en toute simplicité, il nous avait ouvert les portes de sa modeste maison du quartier de La Poterie. Là où tout a commencé… (*) Lors de la déclaration à l’état-civil, son oncle s’est trompé dans l’orthographe du prénom, mentionnant Rolland avec deux LL. Par souci de simplicité - « Je trouvais que cela faisait trop
pompeux » -, le principal intéressé a préféré opter pour Roland avec un seul L…