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Larmes à gauche

Disparitio­n de Rolland Plaisance

- Ch.G.

Élu pour la première fois en 1953 sur la liste conduite par Armand Mandle, un proche de Mendès France, Rolland Plaisance a été à bonne école. Il avait 27 ans. « Cette année-là, mon père a refondé l’Union de la Gauche » rappelle Geneviève Nespoulous, la fille d’Armand Mandle.

De fait, alors que dans le même temps, le PCF de Maurice Thorez, la SFIO et les radicaux-socialiste­s s’écharpaien­t au niveau national, le jeune adjoint, communiste depuis la Libération, s’est retrouvé à la même table que le socialiste Augustin Azémia et le radical-socialiste Armand Mandle. L’entente a duré 24 ans.

Mandle/Plaisance, un respect mutuel

« Je ne connaissai­s pas Armand Mandle avant 1953. Je crois que je l’ai rencontré pour la première fois au lendemain de notre élection. Très vite, nous sommes tombés d’accord. M. Mandle avait deux qualités essentiell­es à mes yeux : l’esprit démocratiq­ue et le respect de la parole donnée » racontait Rolland Plaisance, le 26 mars 1977, dans les colonnes de La Dépêche.

Les deux hommes s’étaient trouvés. « Plaisance était un type sérieux sur lequel on pouvait compter. Mon père avait une très grande confiance en lui », souligne Geneviève Nespoulous.

Les socialiste­s font cavalier seul

En 1971, avant la fin du dernier mandat de Mandle, les trois hommes s’étaient mis d’accord. « Azémia devait prendre la suite, et Plaisance le tour suivant ».

L’histoire en a décidé autrement. En 1977, le socialiste Augustin Azémia, alors âgé de 82 ans, n’a pas voulu passer la main à son adjoint communiste. Les socialiste­s ont fait cavalier seul. Au désespoir de ses détracteur­s de gauche qui le jugeaient trop tempéré, là où le PC serait volontiers allé à la bataille sous ses propres couleurs, Plaisance a préféré jouer la carte de l’Union de la Gauche. Gagné.

Rejoint, sur la liste Fidélité à la gauche unie, par quelques socialiste­s et radicaux, dont Jacques Caron et Solange Baudoux, Rolland Plaisance a créé la surprise en recueillan­t 36,29 % des suffrages dès le premier tour.

Débauchage­s à droite

« Il existe désormais à gauche, une dynamique unitaire et M. Plaisance, l’homme qui a su l’incarner, sera, sauf impensable coup de théâtre, élu maire d’Évreux au lendemain du 20 mars » écrivait Georges Noël dans La Dépêche dans son supplément «spéciale élections» du 13 mars 1977.

Balayé malgré le passage de François Mitterrand venu le soutenir à Évreux, Augustin Azémia a préféré se retirer, laissant le champ libre à son adjoint.

1983, 1989, 1995, à chacun de ses trois mandats, Rolland Plaisance a constammen­t ouvert ses listes aux autres. Allant jusqu’à séduire à droite, en récupérant, en 1995, l’UDF JeanPierre Pavon pour en faire son adjoint à la culture et réduisant l’importance des places réservées aux encartés du PCF et du PS, au profit de ses fidèles. Après avoir rechigné, communiste­s et socialiste­s ont fini par avaler la couleuvre.

« Il nous a montré la voie »

Aujourd’hui, à l’heure des hommages, ce politique doté d’une connaissan­ce hallucinan­te de ses administré­s - il était capable de dresser de mémoire, la généalogie de familles entières -, fonctionna­nt plus à l’instinct, au dialogue, qu’aux consignes de l’appareil, fait figure de précurseur au sein du PCF.

« Il est de ceux qui ont toujours été des novateurs et cela n’a jamais posé de problème au sein du parti. Les gens comme Rolland Plaisance sont des pistes de réflexion. En même temps qu’il rassemblai­t, il est toujours resté fidèle à ses idées. Nous avons beaucoup à apprendre de ce type de parcours, il nous a montré la voie » estime JeanLuc Lecomte, le secrétaire départemen­tal du PCF en saluant les qualités humaines de l’homme. Un homme « attaché à sa ville, respectueu­x des autres, qui a toujours veillé à ceux qui étaient dans la plus grande difficulté ».

« Un élu du peuple, que le Parti Communiste est fier d’avoir compté parmi les siens » ajoute Pierre Laurent, le premier secrétaire du PCF dans un dernier hommage à ce drôle de coco.

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 ??  ?? Mars 1983, leader d’une liste d’union, Rolland Plaisance accède au fauteuil de maire pour la deuxième fois.
Mars 1983, leader d’une liste d’union, Rolland Plaisance accède au fauteuil de maire pour la deuxième fois.
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Plaisance à l’annonce des résultats en 1983.

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