Le liquidateur des Usines au pied du mur
Pour contraindre le liquidateur à lui céder l’ancienne fonderie, le conseil municipal, réuni hors les murs, a décidé de porter plainte contre X pour mise en danger de la vie d’autrui. Le liquidateur doit vendre ou sécuriser le site au plus vite.
Vendredi midi, la salle de Conseil s’est téléportée devant les grilles de l’ancienne fonderie du quartier de Navarre. Le temps d’une séance hors les murs, destinée à faire plier le liquidateur en charge de la vente des biens de la Société d’Aménagement des Usines de Navarre (SADN).
Dernier propriétaire de l’ancien site industriel, la SADN a été placée en liquidation judiciaire en 2015. Depuis cette date, la friche, en partie démolie, est à l’abandon. « Les courriers adressés à l’État et au liquidateur n’ont produit aucun effet malgré les manquements graves en matière de sécurité mettant en danger la
vie d’autrui ». Guy Lefrand, le maire d’Évreux, a donc décidé de passer à l’action en faisant voter une motion in situ.
Fondée en 1895, fermée en 2004
Fondée en 1895, la société anonyme des usines de Navarre a fonctionné jusqu’en 2004. Jusqu’au jour où les derniers salariés de la Division des petits produits ont cessé de fabriquer des objets en laiton.
Là ou plusieurs centaines d’ouvriers travaillaient les barres de laiton pour les transformer en dé à coudre, en pièces de serrurerie ou lampes Pigeon, reste une friche à l’abandon. Un vaste terrain de jeux de 13 ha utilisé par les gosses du quartier ou squatté régulièrement par des SDF de passage.
« Les seules réponses du liquidateur portent sur le prix de cession du terrain au regard des dettes de la SADN. Pendant ce temps, aucune mise en protection du terrain et de la population n’est opérée. L’inertie du liquidateur judiciaire et de l’État nous oblige à prendre des initiatives pour la sécurité et la santé des habitants d’Évreux ».
« Ce patrimoine ébroïcien n’a que trop souffert des jeux financiers »
Le Conseil municipal a donc décidé de porter plainte contre X pour mise en danger de la vie d’autrui, de réclamer à l’État d’engager la procédure de péril ordinaire, de mettre en demeure le liquidateur de sécuriser l’ensemble du site, d’enjoindre l’État en tant que police judiciaire à agir contre la pollution des eaux. En d’autres termes, le liquidateur n’a d’autres choix que de vendre ou de payer la mise en place d’un système de surveillance sans doute très coûteux.
Trop c’est trop. « Ce patrimoine ébroïcien n’a que trop souffert des jeux financiers entre liquidateurs et promoteur. Ce site, entrée d’agglomération ne manque pas d’avenir », estime Guy Lefrand. Absents, les deux élus du Front National ont refusé de participer à « cette mascarade publicitaire du premier magistrat de la ville ». Opposé à un vote qu’il juge illégal car « hors délais de prévenance des conseillers », Emmanuel Camoin refuse de faire pression sur la justice et le liquidateur. Il pense « avant tout aux intérêts des créanciers de l’usine de Navarre qui sont largement oubliés par le maire d’Évreux et qui attendent une solution équitable de l’autorité judiciaire ».
D’accord sur le principe, les élus socialistes et communistes ont voté en faveur de la motion
du maire LR. « Au-delà, je voudrais que l’on définisse très vite l’avenir de ce site. Il ne
suffit pas de le sécuriser » a souligné Gérard Silighini (PS). Non sans avoir rappelé qu’en mars 2004, alors que Jean-Louis Debré était maire d’Évreux et Guy Lefrand son adjoint, il avait démandé le lancement rapide d’une étude de définition. « L’émergence d’un projet global d’aménagement du site qu’il faudra construire en associant le quartier de Navarre et plus largement l’ouest de l’agglomération doit conduire la collectivité à en être le moteur », écrivait, à l’époque, le conseiller municipal d’opposition. 13 ans après rien n’a changé. Gérard Silighini vient de rejouer la même scène d’un dernier acte interminable.