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Sans bulletins de salaire, les employés de maison se rebiffent

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Une vaste propriété, des chevaux et… des employés. À Daubeuf-près-Vatteville, le train de vie de Marlène Schankweil­ler, veuve Garnier, 80 ans aujourd’hui, était plutôt enviable. Évoluant à l’internatio­nal dans le milieu des affaires, principale­ment dans le domaine de la santé, son réseau semblait solide.

Le palefrenie­r rentre chez lui

Voilà comment, elle a pu, sans peine, recruter plusieurs salariés usant de sa prestance pour en débaucher certains. Des salariés qui n’ont eu que leurs yeux pour pleurer quand ils ont été partiellem­ent payés sans bulletins de salaire.

Ces indélicate­sses, dues à des difficulté­s de trésorerie, ont été révélées grâce à un palefrenie­r polonais. Séduit par une annonce faisant miroiter un salaire de 2 000 € par mois pour un travail de saisonnier, il avait quitté son pays pour s’installer à Daubeuf-près-Vatteville. Une fois sur place, payé en espèces et non déclaré, il a vite déchanté et est reparti chez lui. A la suite de sa plainte, trois autres employés ont été entendus.

Un jugement aux prud’hommes

La première irrégulari­té est apparue en 2013. Cécile, gérante d’un restaurant privé en région parisienne, a expliqué avoir quitté son emploi pour suivre Marlène Garnier. Cette dernière lui avait en effet fait part d’un projet de chambres d’hôtes dans son domaine. De plus, elle avait besoin de ses compétence­s juridiques pour monter un projet médical avec les pays arabes. La jeune femme a travaillé sur ce projet du 15 septembre au 15 octobre 2013 pour finir aux prud’hommes où elle a obtenu gain de cause.

Embauchée en CDI, Christelle a commencé à assurer l’entretien du domaine et des écuries en 2014. Tout s’est bien passé au début. Malheureus­ement, dès juillet 2015, elle a été réglée en espèces et les bulletins de salaire étaient aux abonnés absents.

Enfin, Stéphanie, déclarée en chèques emploi service, n’a pas été rémunérée pour son travail de repassage d’août à septembre 2015. Seuls quelques versements d’argent liquide lui ont permis de subsister.

Cerise sur le gâteau : l’une de ces salariées a été sollicitée pour acheter la nourriture des animaux !

Les prud’hommes ont, bien évidemment, donné raison aux victimes en décidant leur indemnisat­ion.

« Comporteme­nt d’un autre âge »

Le délit d’exécution de travail dissimulé étant caractéris­é, l’affaire a été jugée à Évreux.

Au tribunal, seules les victimes étant présentes, Marlène Garnier n’ayant pas, comme pour les prud’hommes, jugé utile d’effectuer le déplacemen­t.

« Le domaine appartient à une société basée au Luxembourg sans aucun lien avec la France. Par conséquent, il est inutile d’envoyer un huissier car rien n’appartient à Mme Garnier. Néanmoins une chose est sûre : le travail dissimulé est un délit préjudicia­ble à la société » a rappelé l’avocat de Cécile.

« La prévenue ne se présente jamais. Elle agit en toute puissance et je crains qu’elle continue de sévir » a ajouté la défense des autres parties civiles. Et d’évoquer le sort réservé au travailleu­r polonais : « Il n’avait jamais de jours de repos et a dû remettre sa carte d’identité dès son arrivée. Il s’agit d’un comporteme­nt d’un autre âge qui réduit à l’esclavage ».

Amendes et dédommagem­ents

« Ce ne sont pas des petits oublis car le comporteme­nt est répétitif. La remise des bulletins de salaires, en mars 2016, ne retire rien à l’infraction » a estimé le parquet avant de requérir 3 mois de prison avec sursis et 5 000 € d’amende.

Enfin, pour la défense : « La situation a été régularisé­e avant les prud’hommes. Habituée à un certain train de vie, Mme Garnier n’avait pas l’intention de nuire à la base ».

Le tribunal a suivi le parquet en condamnant Marlène Garnier à 3 mois de prison avec sursis et 5 000 € d’amende. Elle devra, en outre, verser un total de 1 350 € pour le préjudice moral des différente­s victimes ainsi que 400 € à chacune des quatre parties civiles pour les frais de procédure.

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