Le patron crée sa propre école
Pénurie de main-d’oeuvre qualifiée
Dimanche, Franck Lucas n’a pu s’empêcher de sauter de joie quand, tranquillement assis dans son canapé, il a entendu le président Macron vouloir « investir 15 milliards d’euros pour la formation des jeunes et des demandeurs d’emploi. »
Car si son entreprise, Sonoter TP, ne craint pas la crise, notre homme souffre de la pénurie de main-d’oeuvre qualifiée.
« On peine à corréler l’offre et la demande. Souvent, sur les chantiers, on doit former nos personnels alors qu’on voudrait des gens autonomes et opérationnels immédiatement. Parfois, les boîtes d’intérim ou Pôle Emploi nous envoient des maçons alors qu’on a besoin de personnes spécialisées dans les travaux publics » déplore le patron ébroïcien.
Le «boost» de la fibre optique
Depuis deux ans, Franck Lucas tient les rênes de l’entreprise créée, en 1985, par son père, Ambroise.
Spécialisée dans les réseaux, l’assainissement, le terrassement et l’affermage, Sonoter TP a connu un sérieux coup d’accélérateur avec le développement de son activité auprès des collectivités, les marchés publics noircissant, à 95 %, les carnets de commandes. Et dans l’intervalle, les effectifs sont passés de 3 à 17 !
« L’arrivée de la fibre optique, dans le département, a également contribué à «booster» la société. Eure Numérique nous a fait confiance, on s’est fait la main sur un premier chantier de 110 kilomètres » détaille notre interlocuteur, la mémoire rivée sur les courbes de croissance.
Aujourd’hui, en effet, la fibre optique représente 40 % de l’activité et génère un chiffre d’affaires de 1,2 million d’euros.
Un centre «intra-muros»
Omniprésent sur le territoire de l’EPN, solide sur le plan technique et social - « dans le secteur des Travaux Publics, on enregistre très peu de licenciements » -, Sonoter TP pourrait surfer sur une douce euphorie… si ce n’étaient ses problèmes de recrutement !
On l’a dit, la pénurie touche toute la chaîne, de l’ouvrier polyvalent au chef d’équipe en passant par le canalisateur, le poseur ou le conducteur de travaux. D’où l’idée de créer un centre de formation «intra-muros», mais profitable à toutes les entreprises du secteur.
« La Société de Formation des Travaux Publics s’adresse, en priorité, aux jeunes âgés, au minimum, de 18 ans. Qu’ils soient demandeurs d’emploi, intérimaires, en insertion ou envoyés par la Mission Locale. L’essentiel, c’est qu’ils soient préparés aux métiers de travaux publics, voire réussissent leur reconversion professionnelle » décrypte, en connaissance de cause, Sébastien Malle.
Promu à la tête de la SFTP, le directeur a, en effet, gravi tous les échelons, débutant comme… tourneur/fraiseur avant de changer, radicalement, d’orientation.
« J’ai découvert le BTP en intérim : soudeur, canalisateur, soudeur. Et à mon tour, j’ai voulu partager ma passion en apprenant le métier aux gars » résume le responsable pédagogique.
« Une expérience inédite »
Ouvert avec l’ambition de former des candidats « sans prérequis techniques du génie civil », le centre de formation accueillera ses premiers hôtes, une douzaine, en janvier prochain. Sous forme de session de 300 heures.
Le «concept» prendra effet dans un bâtiment de 450 mètres carrés, construit sur le terrain de l’entreprise et couplé avec une plate-forme pédagogique « pour la mise en situation des travaux ». Coût du projet : 250 000 €.
« Entièrement privé, le centre a été financé sur les fonds propres. À ma connaissance, c’est une expérience inédite dans le secteur » s’enorgueillit Franck Lucas, pas peu fier d’avoir signé - tout comme une vingtaine d’entrepreneurs du coin - la charte des clauses de l’insertion.
« De la sorte, je m’engage à être un acteur de l’emploi local » A l’heure où la ville d’Évreux accuse un taux de chômage de 10,3 %, la démarche mérite d’être soulignée…