La comptable escroquait sa patronne
Embauchée en 2011, en qualité d’expert-comptable, Frédérique H. (49 ans) était au service de la Société Conditionnements de Normandie (SCN), à Conches-enOuche. L’occasion, pour elle, de détourner près de 200 000 € sous la forme de salaires indus…
Quand la comptable « s’augmente »
Après discussion avec sa conseillère bancaire, la directrice - Mme Annick Scordia (80 ans) - dut poser quelques questions à son employée à qui elle avait accordé trop de confiance. Alors, celle-ci claqua la porte en guide d’explication. La plainte de février 2017 permit d’engager l’enquête.
Grâce à des bulletins de paie grossièrement falsifiés et des bilans annuels bricolés, il y avait un minimum de 175 000 € détournés, à raison de salaires mensuels variant entre 3 000 et 10 000 €.
L’avocat de la partie civile reproche à la prévenue d’avoir « dépouillé l’entreprise » qui fête, cette année, ses quarante ans d’existence.
Cette victime n’avait aucune raison de douter de son honnêteté car la comptable «s’augmentait » quand elle le voulait, d’environ 70 000 € par an, grâce à des listes d’acomptes versés et à virer, toujours sur des chiffres raisonnables, n’attirant pas l’attention.
« Sur tous les tableaux »
C’est en manipulant ces acomptes, congés payés et augmentations « sur tous les tableaux », qu’elle présentait les listes soumises à la signature de la patronne, tout étant normal pour les 47 salariés.
Me Eric Chevalier rappelle que la comptable a avoué en invoquant un maîtrechanteur, puis un salaire trop modeste pour tout ce qu’elle faisait. Elle ne pouvait pas « tenir », a prétendu la prévenue.
« Pour les grosses difficultés infligées à la SCN », dit l’avocat, il faudra indemniser. Salaires indus et cotisations réglées en proportion, la baisse des commandes, frais d’enquête, etc., totalisent 226 825 € ainsi que les frais d’avocat (article 475-1).
Victime de l’engrenage
La mauvaise excuse du chantage a été vérifiée, précise le procureur Eric Neveu. Par contre, un certain engrenage a conduit la comptable à maintenir son train de vie.
Malgré une prescription portée à six ans, il faudra donc entériner une jurisprudence sur les dissimulations comptables « occultes par nature » depuis les premiers faits. Par d’antécédent judiciaire, il faudra donc condamner avec sursis : six mois de prison avec mise à l’épreuve (obligations de travail, domicile fixe et indemnisation).
Le tribunal pourra, ajoute le procureur, confisquer le véhicule acquis en 2016, sa vente étant destinée à une part de l’endettement pour des crédits engagés par la prévenue, et régler la partie civile.
Le défenseur Me Marc François estime qu’il ne s’agit pas d’une « escroquerie internationale » et que ces détournements n’auraient pas dû échapper si longtemps dans une société avec si peu d’employés.
L’anomalie comptable aurait dû apparaître, surtout avec d’aussi fréquents changements de salaire. L’avocat confirme que sa cliente est victime de… l’engrenage.
Le jugement sera rendu le 28 novembre prochain.