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Toto ce héros

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Le cinéaste, plasticien et ancien ouvrier agricole normand (il a travaillé avec les vaches, les abeilles et les fleurs), Pierre Creton, présentera son dernier film Va, Toto ! mardi à 19 h 30 au Pathé d’Évreux (dans le cadre des + du Ciné, avec le Tangram). L’histoire singulière d’un sanglier qui va entrer dans la vie de Madeleine, une dame élégante de 77 ans, habitante de Vattetot-sur-Mer, interprété par Ghislaine Paul-Cavallier, et autres histoires. Un film à voir. Explicatio­ns.

Entre la débauche d’effets spéciaux de Blade Runner 2049 et les muscles de Thor Ragnarok, on serait tenté de vous conseiller [même si chacun fait c’qui lui plaît] d’opter pour Va, Toto !, le cinéma de Pierre Creton ( Secteurs 545, L’heure du berger, Maniquervi­lle).

L’histoire se déroule à Vattetot-sur-Mer, près de Fécamp. Là où vit Pierre Creton. Là où il a écrit, tourné en grande partie, et monté ses précédents films. Bref, ses studios à ciel ouvert. Pour ses acteurs, Pierre Creton pioche allègremen­t dans son entourage proche, son voisinage. Il utilise le réel pour fabriquer ses fictions - quand le réel ne lui vient pas directemen­t en aide.

Il y a 20 ans, il avait essuyé le refus de Ghislaine Paul-Cavallier pour son court-métrage

La vie après la mort. Un énième refus. Elle va changer d’avis en 2012, quand Toto va faire irruption dans sa vie. Cette fois, c’est elle qui va demander au cinéaste de venir filmer. C’était le 31 décembre. Toto était, là, devant sa porte, sur un romarin devant la neige fondue. Toto n’était alors qu’un petit marcassin qui mesurait à peine 30 centimètre­s. Elle a filé aussi sec à la pharmacie pour s’armer d’un biberon, le remplir de lait et de maïzena. Un joli conte de Noël qu’ils arroseront au Champagne, le 1er janvier, avec Monette (Raymonde Leroux), une amie de Ghislaine. La première cuite de Toto. Les premières bribes d’histoire.

Le marcassin va faire les 400 coups dans le village et faire basculer Ghislaine hors-la-loi - on n’a pas le droit d’avoir un animal sauvage chez soi. Pierre Creton filme ce quotidien par tranches et autres bouts pendant plusieurs mois. Toto n’est pas encore ce héros de Vattetot, dont le film tire son nom, son jeu de mots. Le cinéaste ignore encore ce qui va advenir de tout ce matériel engrangé alors que 2013 sonne la fin de cette parenthèse sanglière. Le marcassin s’est transformé en animal maousse qu’on ne peut plus tenir sur ses genoux, ses petites bêtises prennent l’ampleur des catastroph­es, tant que Ghislaine doit se résoudre à le confier à une réserve de sangliers.

De cette trame vécue et des écrits de Ghislaine, de Monette et de ses propres écrits autour de Toto (faut croire qu’on écrit encore beaucoup dans le Pays de Caux), Pierre Creton va fabriquer son scénario, son récit, Ghislaine se métamorpho­ser en Madeleine. Il va y adjoindre deux autres histoires, tout aussi inspirées du réel, empruntées à la vie, tout aussi singulière­s : celle de Vincent (Vincent Barré) parti en Inde, fasciné par les singes Shimla et celle de Joseph (Pierre Lavenu) et ses problèmes de respiratio­n et d’apnée du sommeil qui l’obligent à dormir avec un appareil à compressio­n d’oxygène et le conduisent à faire de drôles de rêves habités par des chats errants. Pierre Creton rend le tout romanesque, dans une valse à trois temps qui s’entrecrois­ent, s’enrichisse­nt de rencontres secondaire­s drolatique­s. Les trois histoires ont des points communs : les animaux bien sûr, mais aussi le rapport à l’autorité.

Des voix off, comme autant de voix intérieure­s, accompagne­nt ces histoires. On reconnaîtr­a celles de Rufus, Jean-François Stévenin ou encore Grégory Gadebois. Tous sont les narrateurs du film, au même titre que le cinéaste qu’on voit à l’image. « À l’époque du tournage, j’étais employé dans une ferme située près de chez Joseph, où je faisais la traite. Ce qui s’est retrouvé dans le scénario, puis dans le film, simplement car c’était la réalité de ma vie, confie Pierre Creton (sur le site Allociné). Il n’était pas question de mettre en scène artificiel­lement. Et puis, comme toujours, je tenais à cet équilibre, à cette manière de mêler ma vie quotidienn­e et ma pratique artistique, mon travail avec les agriculteu­rs et la réalisatio­n du film. Je me suis donc arrangé avec mon employeur pour être libre un week-end par mois. « Cinéaste du dimanche », ça me va très bien. Ou cinéaste amateur, au sens où l’entend Ro- land Barthes : celui qui aime », dit-il.

De cette aventure, Pierre Creton a également tiré un livre : Va, Toto, édité chez Post-Editions (collection Faux-Raccord), le journal de l’écriture, du tournage et de l’après-film du film par son auteur. Un livre qu’on peut lire indépendam­ment du film ou bien avant, ou après, ou pendant.

Va, Toto !, de Pierre Creton (94 minutes) sera aussi projeté vendredi 17 novembre à 11 h, dimanche 19 novembre à 17 h 30 et lundi 20 novembre à 15 h 30.

Un sanglier, des singes et des chats « Cinéaste du dimanche »

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Tout commence quand Toto fait irruption dans la vie de Ghislaine Paul-Cavallier.

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