Bogoss et ses complices sous les verrous
Trafic de drogues à La Madeleine
Cette enquête au long cours et à double détente commence en février 2015 par un appel anonyme. Les policiers apprennent alors qu’un certain Cheikh M. et son complice Abdaïl Pam, 32 ans à l’époque, a priori domicilié chez Christophe L., 33 ans, entreposent des stupéfiants chez Nicolas D.
Cheikh M. s’étant rendu chez ce dernier, peu de temps après, le premier volet de l’affaire est rapidement bouclé.
Pourtant le reste de la bande courant toujours, le commissariat reçoit une nouvelle information anonyme en avril de la même année.
Armes de poing et héroïne
Cette fois, c’est Céline qui est mise en cause, car selon l’informateur, la jeune femme revend pour Cheikh M. et Abdaïl Pam. Des écoutes téléphoniques permettent effectivement d’établir qu’elle est en relation avec Bogoss, alias Abdaïl Pam qui est interpellé le 5 mai pour conduite sans permis et refus d’obtempérer. Une somme de 1 370 €, 4,71 grammes de cannabis et trois téléphones portables, dont un volé, sont dans son véhicule.
Un bonheur n’arrivant jamais seul, son frère Daouda, 21 ans, est trouvé, le mois suivant, avec plus de 100 grammes de résine, deux téléphones portables et… un trousseau de clefs appartenant à Alexandra Piche, 29 ans.
Voilà comment les policiers se rendent au domicile de cette dernière.
Là, c’est le jackpot : Abdaïl Pam, copain d’Alexandra depuis six mois, est sur place mais, aussi et surtout, les enquêteurs mettent la main sur 350 grammes d’héroïne, 37,5 grammes de cocaïne, un fusil de chasse à crosse sciée, deux armes de poing, un taser, deux bombes à gaz lacrymogène, 1 510 € en espèces, une comptabilité et une liste de noms avec des numéros de téléphone.
De quoi établir que Bogoss dit également Belek ou Baboye alimente en stupéfiants Damien G., 32 ans (en 2015), Samet B., 25 ans, Mathieu Schneider, 30 ans, Virginie Fischer, 29 ans, Laurent Denner, 46 ans, Abdelatif Akdim, 29 ans, et Christophe L., 33 ans.
Les investigations montrent aussi que, si Abdelatif Akdim et Virginie Fischer sont des « nourrices », Christophe L., Damien G. et Mathieu Schneider effectuent des transactions. Enfin, Abdelatif Akdim et Laurent Denner réalisent parfois des « dépannages », Samet B. étant, pour sa part, plus ou moins directement impliqué.
Cerise sur le gâteau : Schneider, Akdim et les frères Pam sont en état de récidive légale.
Harcelé par ses copines
Les protagonistes de ce trafic ont été jugés en un peu plus d’un jour au tribunal d’Évreux.
Tous étaient présents hormis Christophe L. dont le cas sera examiné ultérieurement en raison de problèmes matériels.
« Je ne savais pas » a tout d’abord murmuré Alexandra Piche avant de se ressaisir et de déclarer : « Je regrette. Je ne suis pas consommatrice ».
Daouda Pam qui avait prétendu posséder tout ce qui se trouvait chez la première a ensuite affirmé garder la marchandise pour quelqu’un. Il devait une somme importante et n’avait pas le choix.
Abdelatif Akdim ayant reconnu avoir livré 4 à 5 clients pour Abdaïl Pam la présidente lui a demandé ses motivations. Réponse de l’intéressé : « Abdaïl c’est un peu un grand frère pour moi ».
Mathieu Schneider, de son côté, a brutalement été pris d’une forte sudation. Consommateur d’héroïne depuis de longues années, il a argué avoir voulu assurer le financement de sa consommation personnelle.
Voilà pour les principales déclarations des prévenus.
Récidive
Reste le cas particulier d’Abdaïl Pam qui réprimait difficilement un sourire à l’évocation de son surnom. Quand le tribunal a voulu savoir pourquoi il changeait souvent de téléphone, Bogoss a prétendu que c’était pour éviter d’être harcelé par ses copines. Finalement il s’est emporté : « Vous voulez me faire dire des conneries ! » Tout un programme.
« Cette délinquance organisée est un crime en raison du caractère hautement toxique des produits. Les trafiquants ont peu de compassion envers les malades car pour eux, l’essentiel, c’est de se faire de l’argent et d’avoir la vie belle sur leur dos » a asséné le procureur adjoint avant d’insister sur le rôle primordial des nourrices.
Les casiers des prévenus témoignant, pour la plupart d’entre eux, d’une récidive, le parquet a requis de lourdes peines les plus importantes étant de 4 et 2 ans de prison ferme avec mandat de dépôt pour Abdaïl et Daouda Pam.
Enfin, parmi les avocats de la défense, Me Surel, intervenant pour les frères Pam, a mis le dossier en perspective : « Nous ne sommes pas véritablement dans un système pyramidal mais plutôt dans un agglomérat de gens qui essaient de tirer profit les uns des autres. Cette situation crée une dépendance car il faut rembourser. Avec un billet par ci et un billet par là, nous ne sommes pas dans une affaire de go fast ».
Des arguments qui n’ont pas vraiment convaincu les magistrats (lire encadré).