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Eric Barbier : « Il y a une espèce de double promesse »

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Quelle était votre connaissan­ce de l’oeuvre de Romain Gary quand Eric Jehelmann vous a proposé d’adapter La Promesse de l’aube ?

Eric Barbier : Je connaissai­s ses trois ou quatre romans importants. Je les avais lus en seconde ou terminale. La Promesse de l’aube, La Vie devant soi, Les Racines du ciel et Chien blanc. Quand Eric a réactivé ce projet, j’ai relu le roman, aussitôt. On se rend compte tout de suite de la richesse du livre. Le potentiel d’émotions que véhicule l’histoire, entre la mère et le fils. C’est perceptibl­e dès qu’on lit le livre. Et le potentiel d’aventure. Il y a beaucoup de scènes épiques, burlesques, il y a beaucoup d’humour - je parle du roman. En revanche, quand Eric m’a demandé si ça m’intéressai­t, j’ai eu un problème, un énorme problème, c’est l’importance du livre. À tous les niveaux. Que le livre soit assez culte dans le milieu littéraire. Et le nombre de situations que véhicule le livre. Je l’ai découpé en actions et j’en ai 879. Alors qu’un film, c’est une centaine… Je me suis retrouvé avec des problèmes de constructi­on. Et, en même temps, avec quelque chose où j’étais sûr de mon fait. Il fallait vraiment centrer mon film sur l’histoire de la mère et son fils. Il y a aussi beaucoup de pensées, de réflexions, des détours sur la guerre. Là, j’ai vraiment concentré sur les rapports entre la mère et le fils. Il y a une espèce de double promesse. La mère qui promet à son fils d’être toujours là - elle n’aura pas d’autres hommes. Elle sera toujours là pour lui, mais en échange il devra devenir célèbre. Du coup, il va les porter au pinacle. Cette double promesse, c’est un enjeu assez fort. Il y avait une autre dynamique dans le livre que je trouvais très intéressan­te, c’est la vengeance. L’enfant voit sa mère se faire humilier, il y a une volonté de venger cette mère qui souffre, qui en bave pour lui. Il a une espèce de dette que le fils veut rembourser. Je trouvais que la dynamique dramatique du film était assez forte.

Quelle est la part de vousmême dans cette adaptation, outre les choix vous avez dû faire. que

Par exemple, Charlotte Gainsbourg pensait énormément à sa grand-mère qui était russe. Moi, je pensais à la mienne qui n’a rien à voir. C’est une femme du sud, c’était une lingère qui n’arrêtait pas de travailler. J’avais cette idée. Ça n’a rien à voir, ce n’est pas la même culture, la même éducation, la même histoire. Mais j’avais cette idée physique, de quelque chose, quelqu’un avec qui j’ai vécu beaucoup. Ce sont des choses dont on se rend compte parce qu’on filme des détails, des habits, des décors, des ambiances qui nous ont marqués plus petit, plus jeune. Ce sont des espèces de résurgence­s qui conduisent le récit, la manière de filmer.

Pierre Niney a incarné Cousteau, Saint Laurent ; il ressemble beaucoup aussi à Dali jeune, dans Frantz ; là, il incarne Romain Gary…

Il est impression­nant. C’est quelqu’un qui travaille énormément. Là, il est rentré dans le personnage de Gary, il a beaucoup lu, beaucoup réfléchi. C’est quelqu’un qui pose beaucoup de questions, qui questionne beaucoup le personnage, les écrits. Il a cette force de se glisser dans les personnage­s. Des gens me disaient : tain, on dirait Gary alors qu’il n’a pas le physique de Gary.

Justement, pourquoi l’avoir choisi, lui, plutôt que quelqu’un de plus

C’est compliqué. Déjà, le personnage est construit sur trois époques. Il me fallait un enfant, un ado et un adulte. Et l’adulte devait faire de 18 à 45 ans. Pierre, on a vraiment l’impression qu’il a 18 ans. Il avait cette amplitude à jouer le personnage. D’autre part, c’est un comédien qui m’avait beaucoup interpellé dans Saint Laurent. Je l’avais vu jouer au théâtre. C’est un acteur qui avait les épaules. On ne peut pas prendre juste quelqu’un qui ressemble. Au-delà de ce problème de physique, j’avais besoin de quelqu’un qui soit un bon acteur, il n’y en a pas 50. Entretien : D.CH

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