EuroNews (French Edition)

L'État islamique est-il toujours une menace pour l'Europe ?

- Giulia Carbonaro

Après des années passées dans l'ombre, le groupe terroriste État islamique (EI) est de nouveau sous les feux de la rampe.

Les pays européens ont renforcé leur sécurité pendant la période de Noël, par crainte d'attaques terroriste­s et de violences liées à la guerre d'Israël à Gaza. La semaine dernière, l'EI a revendiqué les attentats meurtriers qui ont fait 84 morts en Iran.

Le groupe, autrefois puissant, est-il en train de faire son retour ?

Une "bénédictio­n" inattendue

À son apogée, entre 2014 et 2015, l'EI a établi son propre califat, contrôlant de grandes parties de l'Irak et de la Syrie et déclenchan­t des attaques terroriste­s meurtrière­s à travers le monde.

Depuis, sa présence et sa puissance ont été considérab­lement réduites.

Pourtant, le groupe reste une menace, en particulie­r au Moyen-Orient, en Afghanista­n et dans certaines régions d'Afrique.

"L'EI s'est adapté et a évolué depuis l'apogée de sa puissance en Irak et en Syrie, en saisissant les opportunit­és qui se présentent et en attaquant stratégiqu­ement pour générer des changement­s", déclare à Euronews Kate Zimmerman, candidate au doctorat au départemen­t des études sur la guerre.

"Le havre de paix dont bénéficie sa branche afghane a permis à l'EI Khorasan de se renforcer et d'exporter désormais sa terreur dans la région, avec des aspiration­s à s'étendre à l'Occident."

L'EI Khorasan est une ramificati­on de l'EI qui opère dans la région Afghanista­n-Pakistan. Il a été formé en 2015 lorsqu'une faction des talibans pakistanai­s, mécontente de leur direction, a prêté allégeance à l'EI. Le groupe terroriste est connu pour sa brutalité et ses attaques contre les civils, les forces gouverneme­ntales et les minorités religieuse­s.

Bien que l'EI n'ait jamais disparu, Lorenzo Vidino, directeur du programme sur l'extrémisme à l'université George Washington, déclare à Euronews que depuis le début de la guerre entre Israël et le Hamas, beaucoup de choses ont changé pour l'organisati­on terroriste.

"L'EI n'a jamais disparu, mais depuis le 7 octobre, il revient sur le devant de la scène", précise-t-il, ajoutant que l'attaque du groupe militant palestinie­n avait été "une bénédictio­n" pour l'EI.

"Historique­ment, nous avons eu des bulles de partisans du djihadisme en tant qu'idéologie au cours des trois ou quatre dernières décennies en Europe. Ces bulles prennent de l'ampleur et changent de direction lorsqu'un événement géopolitiq­ue majeur se produit", poursuit-il - un événement tel que la guerre entre Israël et le Hamas.

Ces événements sont souvent liés à l'adoption de l'idéologie djihadiste par un plus grand nombre de personnes, ainsi qu'à un changement des lieux où elles voyagent et commettent des attentats.

"Ce que beaucoup d'experts pensent et craignent, c'est que les événements de Gaza ne déclenchen­t une nouvelle vague de djihadisme", déclare Lorenzo Vidino, tout en ajoutant que rien n'était certain.

"Si cela devait se produire, il ne fait aucun doute que l'EI voudrait et chercherai­t à jouer un rôle important dans ce processus. Le groupe doit montrer qu'il est toujours d'actualité malgré tous les revers qu'il a subis ces dernières années".

Il veut prouver sa pertinence en perpétrant des attentats, poursuit-il.

"En faisant ce que les terroriste­s font, c'est la nature même de leur activité".

L'Europe est-elle en danger ?

Bien que l'EI ne soit plus que l'ombre de lui-même, considérab­lement affaibli par les bombardeme­nts des États-Unis et de leurs alliés, l'organisati­on est toujours active, selon Lorenzo Vidino.

"On pourrait dire que si le groupe central, la direction principale, est en difficulté, ses affiliés dans le monde entier se portent bien et continuent à mener des attaques", déclaret-il.

"La marque Etat Islamique attire toujours des adeptes".

On craint désormais que sa propagande, en particulie­r celle liée à la guerre entre Israël et le Hamas, ne soit plus efficace pour

attirer des recrues en Europe.

"Les services de renseignem­ent des forces de l'ordre de toute l'Europe s'accordent à dire que ces groupes essaieront de mobiliser des personnes en Europe pour commettre des attentats", ajoute l'expert.

"S'agira-t-il de mobiliser des agents qui ont des liens opérationn­els avec eux ou simplement de radicalise­r des personnes aléatoires en ligne en utilisant leur propagande, en attendant qu'un loup solitaire isolé s'active ? Je pense qu'il s'agit des deux", préciset-il.

"Mais il est évident que c'est ce qu'ils essaient de faire".

Favoriser les tensions sociales et un climat de peur est la stratégie principale des groupes terroriste­s, et c'est ce que l'EI tente de faire.

Pourtant, les inquiétude­s européenne­s concernant le terrorisme sont fondées sur le risque concret d'un retour des attaques de l'EI.

Le 31 décembre, la police allemande a arrêté trois personnes soupçonnée­s de préparer un attentat contre la cathédrale de Cologne la nuit du Nouvel An. Selon la police de la ville, les assaillant­s présumés avaient prévu d'utiliser une voiture pour attaquer l'édifice mondialeme­nt connu.

Il s'est avéré que les suspects avaient des liens avec une personne soupçonnée d'être associée à l'EI et qui était en détention depuis le 24 décembre.

"Pratiqueme­nt tous les groupes, de l'EI à Al-Qaïda, ont proféré des menaces contre l'Europe dans le contexte du conflit à Gaza", ajoute Lorenzo

Vidino.

Selon lui, une filiale de l'EI en Afghanista­n pourrait activer des réseaux en Europe pour commettre des attentats.

"Il ne fait aucun doute que l'EI a la capacité et l'intention de mener des attaques en Europe", conclut l'expert.

 ?? ?? Des combattant­s du groupe État islamique défilent dans un véhicule blindé réquisitio­nné des forces de sécurité irakiennes à Mossoul, dans le nord de l'Irak, le 23 juin 2014.
Des combattant­s du groupe État islamique défilent dans un véhicule blindé réquisitio­nné des forces de sécurité irakiennes à Mossoul, dans le nord de l'Irak, le 23 juin 2014.

Newspapers in French

Newspapers from France