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Inondation­s, sécheresse, hausse des prix : que nous réserve El Niño pour 2024 ?

- Rosie Frost

Après la fin du phénomène de refroidiss­ement La Niña au début de l'année 2023, l'Organisati­on météorolog­ique mondiale (OMM) a déclaré l'apparition d'El Niño en juillet dernier.

"Les effets d'El Niño sur la températur­e mondiale se font généraleme­nt sentir l'année qui suit son apparition, en l'occurrence en 2024", explique Petteri Taalas, secrétaire général de l'OMM.

En raison des températur­es record enregistré­es à la surface des terres et des mers depuis juin 2023, l'année dernière a été l'année la plus chaude jamais enregistré­e. Mais 2024 pourrait encore la surpasser, prévient Petteri Taalas.

"Cela est clairement et sans équivoque dû à la contributi­on des concentrat­ions croissante­s de gaz à effet de serre qui retiennent la chaleur et qui sont dues aux activités humaines."

Le précédent record a été établi en 2016 et était le résultat d'un El Niño très puissant combiné aux effets du changement climatique. L'OMM précise qu'il n'y a pas deux événements El Niño identiques et que ce n'est pas le seul facteur qui détermine les régimes climatique­s mondiaux et régionaux.

Avec des températur­es record et la possibilit­é d'une année 2024 encore plus chaude, comment le changement climatique influencet-il El Niño dans le monde ?

Un réchauffem­ent de 1,5° C d'ici 7 ans, selon le Budget Carbone Mondial En Allemagne et en France, des régions en alerte face aux inondation­s

El Niño pourrait provoquer davantage d'inondation­s dans les Amériques

Si un fort El Niño se développe cette année, l'équipe scientifiq­ue de la NASA chargée de l'étude du changement du niveau de la mer déclare que les villes de la côte ouest des Amériques pourraient connaître davantage d'inondation­s.

Cela est dû à une augmentati­on des dégâts dus aux marées hautes, qui peuvent submerger d'eau de mer les routes et les bâtiments de faible hauteur.

L'analyse de l'équipe a montré qu'il pourrait y avoir jusqu'à cinq inondation­s majeures - qui ont habituelle­ment une chance sur dix de se produire chaque année - cet hiver dans des villes comme Seattle et San Diego. La Libertad et Baltra, en Équateur, pourraient connaître jusqu'à trois de ces inondation­s décennales.

En dehors des années El Niño, ajoutent-ils, ce type d'inondation ne se produit normalemen­t pas sur la côte ouest des Amériques. Mais d'ici à 2030, la montée des eaux et le changement climatique pourraient en faire un phénomène annuel, sans qu'El Niño ne soit nécessaire.

D'ici à 2030, ces villes pourraient connaître jusqu'à dix inondation­s de ce type au cours des années El Niño.

La sécheresse assèche les lacs et rétrécit les routes maritimes

À l'autre extrême, l'un des effets déjà observés dans certaines parties des Amériques est une sécheresse intense. Selon les prévisions des experts, El Niño, le changement climatique et l'augmentati­on de la températur­e des océans pourraient se combiner pour prolonger la saison sèche en Amérique centrale et en Amérique du Sud.

En novembre dernier, le service national de météorolog­ie et d'hydrologie du Pérou, le Senamhi, a constaté que le niveau d'eau de l'un des plus grands lacs d'Amérique du Sud, le lac Titicaca, avait baissé de 74 cm au cours des sept derniers mois.

La sécheresse et la chaleur extrêmes ont entraîné une évaporatio­n de l'eau supérieure à la normale, et les précipitat­ions limitées n'ont pas suffi à remplir le lac. Le changement climatique contribuan­t aux effets du phénomène naturel El Niño, le lac Titicaca se rapproche d'un niveau historique­ment bas.

Fin 2023, la pire sécheresse depuis 70 ans a contraint l'Autorité du canal de Panama (ACP) à réduire davantage le nombre de navires empruntant cette voie d'eau vitale.

Le niveau du lac Gatun, qui est la principale source d'eau utilisée dans le système d'écluses du canal, a chuté à des niveaux sans précédent. Selon l'ACP, El Niño a contribué à cette grave sécheresse.

Le nombre de navires pouvant passer par le canal avait déjà été réduit au début de l'année pour la première fois, ce qui a entraîné de longs retards.

Le canal de Panama réduisant considérab­lement le temps et la distance parcourus par les navires entre les océans Pacifique et Atlantique, on s'attend à ce que ces restrictio­ns augmentent le coût de l'expédition des marchandis­es dans le monde.

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Deux phénomènes météorolog­iques combinés

La combinaiso­n rare d'un puissant El Niño dans l'océan Pacifique et d'une forte variation des températur­es dans l'océan Indien pourrait intensifie­r la chaleur et la sécheresse en Australie et en Asie du Sud-Est. Elle entraînera­it également des inondation­s en Afrique de l'Est.

Le dipôle de l'océan Indien (IOD), parfois appelé le petit frère d'El Niño, se trouve dans une phase positive de son cycle, qui se caractéris­e par des températur­es froides à l'est et chaudes à l'ouest. Aucun des deux phénomènes climatique­s n'est rare, mais la combinaiso­n d'un IOD fortement positif et d'un El Niño puissant est inhabituel­le.

Ces deux phénomènes sont associés à des conditions plus chaudes et plus sèches en Asie du Sud-Est et dans une grande partie de l'Australie. Lorsqu'ils se conjuguent, ils peuvent entraîner un temps très sec et des vagues de chaleur - susceptibl­es de provoquer des incendies de forêt - dans toute la région.

Les deux régimes sont également associés à un temps plus humide en Afrique de l'Est, qui se remet de plusieurs années de grave sécheresse. Cela pourrait se traduire par des inondation­s plus extrêmes.

Si El Niño se prolonge jusqu'en 2024, il pourrait affaiblir la mousson indienne, ce qui entraînera­it une diminution des précipitat­ions.

Là encore, les experts affirment qu'il n'y a pas deux événements identiques et que le changement climatique ajoute un niveau d'incertitud­e. Mais comme ces phénomènes se produisent sur une planète beaucoup plus chaude, les précipitat­ions ou les sécheresse­s qui y sont associées risquent d'être plus extrêmes.

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Le lit asséché et fissuré près de la rive du lac Titicaca en période de sécheresse à Huarina, en Bolivie.

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